J’aimerais pouvoir dire que les femmes dans l’industrie de l’audiovisuel et du cinéma sont incontournables aujourd’hui et qu’elles comptent vraiment. Mais ce n’est pas vrai, car en réalité il n’y a toujours pas de terrain de jeu à égalité. Malgré des rôles modèles de femmes qui ont pris leur place, réussissent et résistent à force de détermination, la route est longue et reste un combat quotidien pour nous toutes.

Les chiffres parlent, quels que soient les postes que les femmes occupent et quelles que soient les formes de création. Les biais cognitifs sont partout, signe d’une société et d’un milieu qui fonctionnent sur l’acquis plutôt que l’ambition du profond changement. 

Quand verrons-nous en France des investisseurs financer massivement et ouvertement des femmes pour les accompagner à créer et bâtir les prochains groupes médias tels que Mediawan, Fédération, Newen, Banijay? 

Quand pourrons-nous dire qu’on nous fait vraiment confiance et qu’on parie sur notre vision féminine pour donner naissance à ces empires ? Quand ?

Alors oui, grâce aux femmes de tête, associations, réseaux influents, les femmes s’organisent et font bouger les lignes, des chartes se signent, le paysage médiatique tremble et le monde du cinéma est bouleversé dans ses schémas et règles internes. On se réjouit maintenant de voir des diffuseurs inclurent des expertes sur leurs plateaux par peur de la sanction Arcom, des producteurs cinéma cocher des cases en employant plus de femmes et de la diversité pour bénéficier des bonus CNC mis en place depuis peu et des plateformes appliquer ce que les états Unis leur imposent pour se régulariser. 

Cela s’appelle des quotas mais aussi une contrainte ressentie amenant à des situations qui parfois sont contre productives. On assiste aujourd’hui à certains réseaux de femmes qui se durcissent, l’émergence forte d’un backlash et une montée du masculinisme. 

Alors, souhaitons nous transmettre à nos filles qu’elles doivent agir à l’avenir dans ces métiers comme des guerrières et seulement « entre elles » pour réussir, rayonner, être identifiées et devenir puissantes au risque d’être perçues comme des chiennes de garde souhaitant une société de remplacement ? Le danger de bascule est là et le pire serait d’arriver à un point de rupture parce que devenues inaudibles aux yeux du système.

Les quotas sont nécessaires bien sûr pour plus d’équité dans un monde qui ne l’est pas, mais à quel prix et avec quel signal envoyé aux hommes ? 

Est-ce qu’envisager d’agir ensemble est renier son féminisme ?

Je me pose souvent cette question, alors même qu’en tant que productrice j’expérimente tous les jours depuis plus de 20 ans combien c’est dur et souvent injuste de devoir justifier sa valeur et travailler deux fois plus qu’un homme pour être reconnue et éventuellement validée. Que le sexisme est partout, les humiliations insidieuses, agressions et harcèlements répétitifs. 

Et pourtant…  Je crois en l’humain résilient et sa capacité à la remise en question, je crois en l’approche inclusive même tardive et à la reconstruction des imaginaires grâce au pouvoir incroyable des talents, des récits portés à l’écran par les femmes, la diversité et les hommes de demain.

Je nous souhaite d’impacter en rendant les armes et en rassemblant plutôt qu’en combattant. J’espère un monde dans la création meilleur pour la génération à suivre, où l’on résiste à la facilité de nous construire par opposition et où on obtient le respect pour nos qualités et non notre genre. 

Je rêve que les diffuseurs donnent vraiment l’exemple en contribuant plus à la réussite créative et autonomisation financière de celles qui sont aussi bonnes que leurs partenaires habituels privilégiés.

Je rêve enfin au succès collectif dans ces secteurs grâce à notre complémentarité consciente et consentie. 

Alors oui, restons vigilantes, posons des actes, libérons nos paroles, prônons notre vulnérabilité comme une force mais prenons le risque aussi d’envisager le succès de l’égalité grâce à l’intelligence des puissants à investir maintenant plus sur nous et nous porter au plus haut.