Nathalie Marchak (vice-Présidente de l’ARP) : "La place des femmes, la place des mères"

8 mars 2024
Les statistiques démontrent que la parité pour les réalisatrices n’est toujours pas atteinte ni dans l’audiovisuel, ni dans le cinéma, ni dans le flux. Sans parler des autres postes clés ou du montant des financements octroyés selon le genre.
L'ARP

A six ans, je voulais être présidente de la République. Ma mère m’a avertie : « être Président de la République, ça représente beaucoup de travail. Et ce sera difficile pour toi de t’occuper de tes enfants et d’avoir une famille en même temps ». Certaine de vouloir être maman, je me suis dit que ce métier-là n’était donc pas fait pour moi. 

Quand j’ai exprimé mon ambition de devenir comédienne, puis scénariste et réalisatrice, ma mère m’a encore fait part de son inquiétude. C’est un métier aléatoire, incertain et… dangereux pour les femmes, disait-elle. J’ai compris assez jeune de quel danger ma mère m’avertissait. Cela transparait dans ma mini-série « Les Siffleurs » qui dénonce le harcèlement de rue et interroge la notion de consentement au travers d’un polar. Un danger qui concerne toutes les femmes et, qui, dans un métier dominé par les hommes, s’est déployé, comme le révèle en ce moment le MeToo du cinéma. 

Les réactions de ma mère sont révélatrices de son époque, d’un temps où la maternité ne pesait que sur les femmes, et où la sororité se résumait avant tout à une mise en garde des dangers encourus. Aujourd’hui, si elle était encore là, je pourrais me tourner vers elle et, je l’espère, lire dans son regard la fierté que ses peurs d’hier deviennent des combats aujourd’hui chez des femmes qui osent parler pour que les générations suivantes puissent exercer ce métier sereinement.

Les histoires changent le monde 

Je pourrais lui dire qu’être scénariste et réalisatrice, c’est justement la place des femmes. 

Je crois profondément que les histoires peuvent changer le monde.  Et que le monde a besoin des histoires que les femmes ont à raconter. 

Des femmes scénaristes et réalisatrices sont enfin sur le devant de la scène et deviennent visibles et reconnues. Néanmoins, bien que la parité soit atteinte à la sortie des écoles, les statistiques démontrent que la parité pour les réalisatrices n’est toujours pas atteinte ni dans l’audiovisuel, ni dans le cinéma, ni dans le flux. Sans parler des autres postes clés comme les directrices de la photographie, les techniciennes, les monteuses, les mixeuses etc. ou du montant des financements octroyés selon le genre.  

Est-ce que la maternité reste un frein à la parité ? D’après l’Observatoire des Inégalités, la maternité pénalise encore majoritairement la carrière des femmes, ce qu’a souligné l’étude 2023 du Lab Femmes de Cinéma. Qu’elles renoncent à leur carrière pour s’occuper des enfants à la faveur d’un conjoint, qu’elles se retrouvent mères célibataires après une séparation avec la charge des enfants à plein temps, qu’elles n’aient pas de système de garde leur permettant de se libérer pour des tournages en province ou à l’étranger, ce sont les femmes qui portent majoritairement ce poids et qui s’en retrouvent lésées professionnellement.

Revoir les budgets des productions

Pour y remédier, ne suffirait-il pas de mettre en place des lignes de budget dans les productions prenant en charge la garde des enfants et/ou l’embauche de tuteurs sur les tournages ? Cela existe déjà dans des productions anglo-saxonnes et profite à toute l’équipe, hommes et femmes confondus, à tous postes. Cela représenterait en réalité un surcoût assez faible pour les productions. Certains pays ont commencé à adopter des mesures allant dans ce sens il y a plusieurs années (l’Allemagne depuis 2016 et la Suisse depuis 2019). En 2022, l’Autriche, la Croatie et la Slovénie, et en 2023 le Monténégro, ont mis en place des mesures incitatives. 

Pour qu’il y ait un changement véritable, il faut agir clairement : augmenter les budgets octroyés aux films de femmes et prendre en compte la parentalité dans les productions avec la mise en place de lignes de budget consacrées aux gardes d’enfants. 

Il est essentiel d’y réfléchir ensemble pour que la sororité ne se résume pas à une mise en garde, mais à une véritable entraide sociétale, auxquels les hommes sont invités à participer.