Yannick Bossenmeyer (Logical Pictures) : "Les NFT sont un financement complémentaire pour les œuvres"

23 février 2022
Cascade8, filiale de Logical Pictures, va proposer une collection de NFT à l'effigie du film "Blood Machines". Rencontre avec sa directrice.
Yannick Bossenmeyer

Les NFT, ces jetons numériques associés à un objet virtuel, rencontrent un important succès ces derniers mois et, à la manière d'œuvres d’art, leur valeur s’envolent. L’industrie du divertissement s’est emparée du phénomène, et on ne compte plus les exemples de NFT dérivés de films ou séries qui apparaissent sur les places de marché en ligne spécialisées. En France, le groupe Logical Pictures, à travers sa filiale Cascade8, va prochainement mettre en vente une collection à l’effigie de Blood Machines, moyen métrage de science-fiction réalisé par le duo Seth Ickerman. La cofondatrice et directrice de Cascade8, Yannick Bossenmeyer, en dit plus sur cette première campagne, dont les derniers détails (comme le prix des différents NFT) seront dévoilés dans les prochaines semaines.

Pourquoi Logical Pictures et Cascade8 ont décidé de se lancer dans les NFT ?

Yannick Bossenmeyer : Logical Pictures a créé sa filiale Cascade8, pour élaborer des solutions technologiques permettant de fluidifier l’industrie audiovisuelle . On a plusieurs axes d’intervention dont un certain nombre de projets blockchains. Cette technologie présente des caractéristiques assez intéressantes, notamment pour la gestion des droits. En travaillant sur la blockchain on est venu à s’intéresser aux NFT, qui nous ont paru être un bon outil de revenus et de financement complémentaire pour les œuvres, notamment celles qui ont un peu plus de mal à trouver des fonds, encore plus dans le contexte actuel. Les financements privés dans le cinéma indépendant sont assez difficiles d’accès. C’est aussi un excellent vecteur de marketing pour développer et animer la communauté autour d’une œuvre.

Pourquoi avoir choisi de créer votre première collection autour de Blood Machines ?

YB : Cela nous a paru être un bon sujet car Blood Machines, sorti en 2019, est un film qui a une communauté de fans déjà établie, de par ses réalisateurs Seth Ickerman et sa bande originale composée par le musicien électronique Carpenter Brut. C’est un film qui a déjà fait l’objet d’une campagne de financement participatif. On avait levé 600.000 euros sur Kickstarter, dont une partie en Bitcoin. Cela montre qu’une partie de cette communauté était déjà assez geek, et ouverte aux cryptomonnaies.

En quoi consistera cette première vente ?

YB : Il y aura plusieurs types de NFT: des images, des gifs, des vidéos, représentant des personnages, des vaisseaux, ou des moments clés issus du film. Tout ce qui est un peu emblématique et qui peut être utilisé dans une expérience complémentaire. Ils seront mis en vente sur FilmSeriesNFT.com qui est notre plateforme, mais également référencés sur OpenSea, la principale place de marché pour les NFT. Nous venons de lancer la campagne mi-février. On aura prochainement une première vente dont la date n’est pas publiée car elle est réservée aux participants à la campagne de financement participatif de l’époque. Et ensuite, en mars, nous allons ouvrir la vente publique à tous.

Quel est l’objectif ?

YB : C’est un film qui est déjà existant donc il ne s’agit pas de le financer, nous sommes plutôt dans la logique d'apporter une expérience complémentaire au public. Vous pourrez utiliser votre NFT pour jouer à un jeu vidéo avec des vaisseaux sortis de Blood Machines, ou bien à plus long terme vous balader dans un métavers avec votre avatar à l’effigie d’un des héros du film. Pour les réalisateurs, cela leur permet d’avoir un flux de revenus supplémentaire qui pourra financer de nouveaux projets. Les revenus s’inscrivent dans le waterfall en place et reviennent à l’ensemble des parties prenantes du film. Chaque édition de NFT doit faire l’objet d’une analyse juridique précise. Dans ce cas précis, l’étude juridique nous a amenés à rattacher cela au droit du merchandising.

Les NFT et la technologie blockchain subissent de nombreuses critiques quant à leur impact écologique. Comment y répondez-vous ?

YB : Comme toute nouvelle technologie, cela suscite pas mal de polémiques. Il y a toujours des gens pour ou contre avec divers arguments. Sur l’impact environnemental, on peut y répondre en utilisant des blockchains dites « proof of stake », plus écologiques, comme Tezos. Je cite celle-ci mais il y en a d’autres. Au NFT Lab nous sommes agnostiques, on travaille indifféremment sur n’importe quelle blockchain. Qu’il agisse de Tezos, Ethereum ou d’autres comme Solana. Cela dépend des besoins du projet et des contraintes techniques qui peuvent être liées aux caractéristiques des NFT puisque toutes les blockchains ne permettent pas exactement de faire la même chose.

Pensez-vous que les NFT peuvent aussi servir à financer des projets en amont ?
YB : Cela peut devenir une source de financement, avec pas mal de précautions, notamment concernant le statut juridique. Il faut distinguer les utilities des securities. Dans le cas des utilities, qui vous donnent accès à des objets à collectionner, des bonus ou des cadeaux, en termes réglementaires vous êtes assez tranquilles. Ce qui peut être plus complexe, c’est si vous assurez via ces NFT un accès aux revenus du film. Parce que là vous entrez dans le cadre juridique des securities et c’est beaucoup plus réglementé. Cela relève de l’Autorité des marchés financiers. Nous connaissons bien le sujet puisque Logical Pictures a lancé un fond tokenisé, Logical Content Ventures, cette année. Cela a pris un an et demi de travail avec l’AMF pour être dans les clous.