Angoulême : Memento porteur d’un cinéma d’auteur puissant

25 août 2021
La société d’Alexandre Mallet-Guy présentera cinq films emblématiques de son catalogue. L’occasion de revenir sur la création et le parcours de cet acteur majeur de la distribution et de la production indépendante.

Diplômé de l’ESSEC, Alexandre Mallet-Guy débute sa carrière aux côtés du producteur Philippe Godeau, chez Pan Européenne, en tant que directeur administratif et financier avant de prendre en charge la filière distribution. Une expérience où il fait notamment l’acquisition du film franco-italien d’Emanuele Crialese, Respiro. Un pari qui s’avère être un vrai coup de maître puisque le film génère plus de 630 000 entrées sur le territoire français alors qu’il n’avait pas attiré plus de 20 000 spectateurs italiens. Impressionné par ce succès qu’il n’espérait pas, le réalisateur italien propose alors au jeune distributeur de produire Golden Door, son nouveau long métrage. « C’était un projet très ambitieux qui nécessitait un développement de plusieurs années, se souvient Alexandre Mallet-Guy. J’ai donc décidé de créer en parallèle ma propre structure de distribution et de production ». Ainsi est née Memento.

Une légende du cinéma comme rampe de lancement

Pour débuter cette nouvelle aventure, le jeune entrepreneur se met en recherche de premiers films originaux. Pourtant, c’est avec une véritable légende vivante que Memento Distribution va connaître son premier grand succès en 2009. En effet, cette année là, Alexandre Mallet-Guy découvre le film d’ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs. Il s’agit de Tetro, réalisé par… Francis Ford Coppola : « notre collaboration avec un tel cinéaste nous a permit de nous installer dans le paysage cinématographique français et international. Comme le film n’était pas présenté en sélection officielle, de nombreux distributeurs se sont montrés méfiants. Pour ma part, j’ai été si séduit que je l’ai acheté sur place. Coppola souhaitait faire confiance à un jeune distributeur et s’est fortement engagé dans la promotion de ce film qui lui était très personnel et qui a séduit plus de 400 000 cinéphiles ».

Depuis ce prestigieux succès avec le réalisateur du Parrain et d’Apocalypse Now, Memento a continué à s’engager envers des auteurs français et internationaux pouvant séduire un large public et dont les autres acteurs de l’industrie n’ont pas soupçonné le potentiel. Cela a notamment été le cas pour Ida, de Pawel Pawlikowski, qu’Alexandre Mallet-Guy a découvert et acquit au Festival de Telluride alors qu’il avait été refusé à Venise et qu’une partie de la presse internationale ne se montrait guère enthousiaste. Un pari largement remporté avec un demi-million d’entrées à la clé et un Oscar du meilleur film en langue étrangère : « la carrière française du film l’a clairement aidé dans sa campagne pour les cérémonies américaines. Sans quoi, il serait probablement passé inaperçu. Je suis très fier d’avoir aidé à faire reconnaître une proposition de cinéma aussi forte ».

Place aux bijoux de famille

Depuis quelques années, la société Memento entretient un lien privilégié avec le Festival d’Angoulême où elle a notamment remporté le Valois de Diamant pour Les Hirondelles de Kaboul. C’est donc tout naturellement que la manifestation a décidé de rendre hommage au travail d’Alexandre Mallet-Guy et de ses équipes qui présenteront cinq films français de leur catalogue au public angoumoisin. Tous ont connu le succès auprès du public ou en festival, d’Au bout du conte à Marguerite en passant par Le Passé,d’Asghar Farhadi. Alexandre Mallet-Guy entretient d’ailleurs un lien privilégié avec le cinéaste iranien dont il a sorti tous les films depuis À propos d’Elly et avec lequel il a connu certains de ses plus importants succès dont le triomphe planétaire d’Une séparation.

Memento présentera également Un Triomphe, d’Emmanuel Courcol, qui avait remporté le Valois du public et de l’interprétation masculine lors de la dernière édition du festival d’Angoulême et qui sortira finalement le 1er septembre. Sans oublier le film de Robin Campillo, 120 Battements par minute, qui a bouleversé le public français en générant plus de 800 000 entrées. « C’était l’un des scénarios les plus bouleversants que j’ai jamais lu, se souvient, ému, Alexandre Mallet-Guy. Nous nous sommes engagés sans hésiter alors que le succès était loin d’être assuré car Robin n’était pas un réalisateur encore reconnu et qu’il n’y avait presque aucune tête d’affiche au casting. Mais nous pensions pouvoir toucher un public jeune car le film défend des valeurs d’engagement qui sont chères à la jeunesse. D’où notre idée de sortir un peu avant la fin des vacances d’été et de miser sur les multiplexes où nous avons enregistré de meilleurs scores que dans les salles art et essai ».

Une fin d’année prometteuse

D’ici la fin d’année, Memento sortira pas moins de trois longs métrages qu’elle a récemment présentés au Festival de Cannes. Le nouveau film de Joachim Trier, Julie (en 12 chapitres), lauréat du prix d’interprétation féminine, est attendu pour le 13 octobre. La société collaborera pour la première fois avec Jacques Audiard à l’occasion de la sortie des Olympiades le 3 novembre. « Nous sommes heureux de cette première collaboration avec Jacques qui était jusqu’à présent distribué par UGC mais qui a préféré travailler avec nous pour ce film car il estimait que son public potentiel serait le même que celui de 120 Battements par minute qu’il avait coproduit. C’est une œuvre inclusive qui porte la diversité à un très haut niveau, avec un discours sur la France multiculturelle d’aujourd’hui dans toute sa diversité ethnique, sociale et sexuelle ». Les retrouvailles avec Asghar Farhadi pour Un héros ont été des plus heureuses puisque le film a remporté le Grand Prix. De bonne augure avant la sortie en salles, programmée au 22 décembre. L’avenir semble donc s’inscrire sous les meilleurs auspices pour la société d’Alexandre Mallet-Guy même si ce dernier déplore que la curiosité du public se soit affaiblie : « Nous sommes peut-être allé trop loin dans la diversité. Le spectateur est devenu frileux tant il a eu de déconvenues sur des films fragiles. De fait, il se recentre sur des films porteurs et démontre moins de curiosité pour découvrir des films différents. Cette offre pléthorique entraine une rotation plus importante des films. Ce qui, à terme, nuit au cinéma art et essai puisque les bons films restent moins longtemps à l’affiche et qu’aucun d’entre eux n’émerge vraiment. D’où notre volonté de ne jamais sortir plus d’un film par mois ».