Angoulême : « Eiffel » épique et intime

24 août 2021
Cette grande fresque historique est présentée en avant-première mondiale au Festival d’Angoulême où elle fait l’ouverture. A cette occasion, retour sur la production et la conception d'un film qui a mis plus de 20 ans à voir le jour.

C’est un projet d’une ampleur rare. Un projet dont la première version du scénario, écrite il y a vingt ans par Caroline Bongrand, a suscité l’intérêt de nombreux cinéastes d’envergure, de Ridley Scott à Luc Besson. L’histoire prend place dans le Paris de la fin du 19ème siècle. Au sommet de sa carrière, Gustave Eiffel est sollicité par le gouvernement français pour créer un monument spectaculaire à l’occasion de l’exposition universelle de 1889. Mais l’ingénieur ne se préoccupe que du projet métropolitain… jusqu’à ces retrouvailles inattendues avec Adrienne, son amour de jeunesse, désormais mariée. Leur passion interdite va inciter Eiffel à se lancer dans la plus grande construction jamais entreprise par l’humanité et changer ainsi le visage de Paris pour toujours.

Un travail de passage de relais

Quand la productrice Vanessa Van Zuylen (VVZ Production) découvre cette histoire, elle y voit la promesse d’un film populaire, romantique et romanesque qui met à l’honneur le patrimoine français. Elle souhaite dès lors en confier la mise en scène au réalisateur de la comédie Papa ou Maman, Martin Bourboulon, dont elle sait qu’il saura apporter l’énergie et l’audace nécessaires à un tel film. « J’ai vu dans cette histoire la possibilité de conjuguer l’épique et l’intime. Je voulais être au plus prêt des sentiments et du ressenti d’un homme tout en assurant la générosité du spectacle propre à une production de cette échelle » s’enthousiasme le cinéaste. 

Cependant, si le scénario est porteur d’une promesse de grand cinéma, il s’avère encore insuffisamment solide pour convaincre les financiers de lever des fonds très importants pour sa réalisation. Se met alors en place une longue collaboration entre Caroline Bongrand, qui porte cette histoire depuis si longtemps, le réalisateur lui-même, le scénariste Césarisé Thomas Bidegain ainsi que Tatiana De Rosnay et Nathalie Carter qui apportent tou(te)s leur touche personnelle pour donner au projet le souffle romanesque qui lui manquait. « Plus qu’un travail d’équipe, cela a été un travail de passage de relais, explique Martin Bourboulon. J’avais déjà connu ce procédé sur Papa ou Maman où l’expertise de plusieurs auteurs avait conduit à l’œuvre définitive. Ce projet a nourri les fantasmes de nombreux cinéastes qui y ont vu la possibilité de filmer à la fois la construction de la Tour d’Eiffel et une histoire d’amour. C’est aussi sur cet aspect là qu’il y avait besoin de retravailler le scénario car il y a de la marge entre un fantasme et un film que l’on tourne en aménageant un plan de travail cohérent et réaliste ».

Une production maîtrisée

Avant que le film n’entre en phase de réécriture, sa première estimation budgétaire s’élevait à 75 millions d’euros. Vanessa Van Zuylen entreprend alors de ramener le budget à une somme plus raisonnable mais néanmoins très importante de 23 millions d’euros tout en s’assurant que le film aura l’ampleur visuelle d’une grosse production américaine. « J’ai été démarché il y a quelques années par un studio américain qui voulait produire le film en anglais et pour une centaine de million de dollars, se souvient la productrice. Mais c’était impossible car il s’agit d’une histoire profondément française. Nous avons travaillé avec le directeur de production ainsi que les équipes techniques et artistiques pour donner l’impression que le film a coûté une centaine de millions d’euros. C’est d’ailleurs ce qu’a pensé un dirigeant du studio Lionsgate lorsqu’il a découvert le film. C’est une fierté pour le cinéma français de pouvoir s’appuyer sur des équipes capables de fournir un travail d’une telle richesse pour des sommes qui restent maitrisées ».

Concernant les délais de production à respecter pour ne pas dépasser le budget, Mathieu Bourboulon est ses équipes ont procédé à des arbitrages en amont du tournage pour réduire certain coût de production mais sans jamais remettre en question l’ambition du film comme en témoigne le cinéaste : « Cela a notamment nécessité de maîtriser le découpage technique pour savoir à quel moment exact nous pouvions utiliser des plans larges afin qu’ils apportent du rythme et du souffle. Ces images généreuses doivent intervenir à des moments précis où, rythmiquement, on les accepte et on les vit de manière plus forte car elles font suite à une scène plus intime. Le film possède une « production value » très rare car tout l’argent investi se retrouve à l’écran. Ce qui génère des coûts importants, c’est bien sûr le temps de tournage. Il nous a donc fallu rationnaliser ce dernier. D’ailleurs, hormis deux ou trois séquences, tout ce qu’on a tourné a été monté. C’est dire à quel point nous avions une idée précise du rendu du film. En disposant d’un tel budget, on ne peut pas se payer le luxe de tourner une séquence au coût de 300 000 euros si on n’a aucune certitude qu’elle sera dans le film ».

Pour réunir le financement, Vanessa Van Zuylen a bénéficié du soutien inconditionnel de Pathé, attaché à la coproduction, à la distribution et aux ventes internationales, mais aussi de M6, de la région Île-de-France, de partenaires privés comme L’Oréal et la BNP, ainsi que d’une coproduction avec l’Allemagne via la société Constantin Film Produktion. Eiffel a été vendu sur presque tous les grands territoires internationaux qui lui offriront la meilleure des expositions.

Et maintenant… place aux « Trois Mousquetaires »

Fort d’avoir su relever un défi si audacieux, Martin Bourboulon vient de se lancer dans une nouvelle aventure de grande envergure puisqu’il met actuellement en scène un dyptique adapté de l’œuvre d’Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires. À cette occasion, il collabore à nouveau avec le groupe Pathé et retrouve le producteur Dimitri Rassam (Chapter 2) et les coscénaristes de Papa ou Maman, Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière. « Je suis très admiratif de cinéastes américains comme Steven Spielberg ou français comme Patrice Leconte qui n’hésitent pas à aborder des genres aussi différents que la comédie, l’aventure, l’animation ou l’horreur. Après avoir abordé la comédie dans Papa ou Maman puis l’émotion dans Eiffel, j’avais le désir de me confronter au film d’action et d’aventure. Je suis heureux de me mettre au service d’une histoire aussi brillante, qui fait appel à un patrimoine français extrêmement fort et qui est écrite dans un style magnifique et flamboyant ».