Cellule d'écoute pour les victimes et témoins de violences sexistes et sexuelles dans la culture : Aïssa Maïga se confie à Audiens

9 juillet 2021
Cette année, Aïssa Maïga passe derrière la caméra en tant que co réalisatrice avec Isabelle Siméoni de « Regard noir », une enquête sur l’expérience des femmes noires au cinéma au Brésil, Aux Etats-Unis et en France. Elle vient également présenter son documentaire « Marcher sur l’eau » dans la sélection officielle du festival de Cannes « Le cinéma pour le climat » . Auprès d'Audiens et en partenariat avec Ecran total, elle se confie.

L’annonce récente par le CNC de la création d’une garantie « interruption de tournage » liée à des violences sexistes ou sexuelles est une grande avancée.

Vous êtes une actrice et une réalisatrice engagée sur la diversité et sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le cinéma. Pourquoi est-ce important selon vous que le secteur culturel se mobilise aujourd’hui avec une cellule d’écoute psychologique et juridique dédiée ?

Trop souvent dans le monde du cinéma on a invoqué de soi-disant rapports de séduction inhérents au processus de création pour justifier des violences sexuelles et sexistes. On a ainsi installé un seuil de tolérance élevé et une forme d’omerta face à des conduites inacceptables. 

Le cinéma est également un milieu avec beaucoup de professionnelles en situation de précarité, ce qui renforce des rapports de domination exacerbés par la peur de perdre son travail et sa réputation en dénonçant des comportements déviants.

L’affaire Weinstein et le phénomène « me too » qui a suivi ont été le point de départ de la prise de conscience de ce que vivent les actrices et les techniciennes. 

L'actrice s'était faite remarquer avec un plaidoyer engagé pour la diversité à la Cérémonie des Césars 2020

En quoi l’écoute et cette libération de la parole sont-elles essentielles face à ces violences ?

Il faut pouvoir mettre des mots sur ce qu’on a vécu, sans craindre d’être jugée par celui ou celle qui vous écoute, pour être ensuite en mesure de solliciter de l’aide et sortir de l’emprise ou du traumatisme. Victimes et témoins se sont souvent retrouvées dans un no mans land juridique, avec un sentiment de honte. 

Il existe également un fort sentiment d’isolement chez les victimes. Le fait d’entendre d’autres témoignages a valeur d’exemplarité. J’ai moi-même eu connaissance parfois de telles pratiques subies par des actrices ou techniciennes seulement après la fin d’un tournage alors que nous étions ensemble ! Et quasi systématiquement, elles m’ont demandé de garder le secret. Il est extrêmement difficile pour une victime d’oser prendre le risque d’interrompre un tournage.

L’annonce récente par le CNC de la création d’une garantie « interruption de tournage » liée à des violences sexistes ou sexuelles est une grande avancée.

Le fait qu’il existe un numéro d’appel spécifique pour le secteur culturel est également fondamental, car l’organisation du travail y est particulière. Grâce au travail concerté des partenaires sociaux, la Fesac, Audiens et du ministère de la Culture, des psychologues et juristes formés à nos métiers si spécifiques répondent aux témoins et aux victimes. 

Etes-vous optimiste sur l’évolution des mentalités dans le secteur culturel ?

J’ai l’intime conviction que collectivement on est capables de faire bouger les lignes et je sens actuellement et contrairement à tout ce qu’on pouvait nous dire concernant les soi-disant rivalités féminines une réelle sororité et énergie collective vers le changement.

Ce sont des dynamiques de changement collectifs où de plus en plus d’hommes vont également trouver leur place. 

Le fait que la jeune génération soit biberonnée au respect et à l’égalité de genre me donne aussi beaucoup d’espoir.

Propos recueillis par Caroline Rogard, directrice de communication du groupe Audiens 


Informations utiles

Cette cellule d’écoute et de soutien garantit la confidentialité des appels de victimes ou de témoins de viol, de harcèlement sexuel, de violences sexistes et sexuelles, partout en France.
Les personnes contactant la cellule seront orientées vers :

  • des psychologues clinicien.ne.s experimenté.e.s,
  • une consultation juridique spécialisée.

Faire appel à la cellule d'écoute :

  • Un seul numéro de téléphone : 01 87 20 30 90 du lundi au vendredi de 9h à 13h et de 14h à 18h
  • Ou par mail à tout moment : violences-sexuelles-culture@audiens-org

Retrouvez la suite de l’entretien sur www.violences-sexuelles-culture.org/fr/blog


Une interview à découvrir dans notre Hors Série Cannes numéro 2 à partir de vendredi 10 juillet 2021