Angoulême – Joséphine Japy (membre du jury) : « Le cinéma et les plateformes sont complémentaires »

25 août 2022
La comédienne livre sa vision du festival ainsi que son regard sur la francophonie. Sans oublier d'évoquer le film "Jack Mimoun et les secrets de Val Verde", dont elle est à l'affiche, ainsi que son regard sur l'évolution du marché et ses projets.
Joséphine Japy

Vous avez découvert le Festival d’Angoulême à l’occasion de la clôture de la précédente édition où vous présentiez Eugénie Grandet, de Marc Dugain. Qu’avez vous éprouvé en découvrant cette manifestation ?

Chaque festival a son ADN et son empreinte sur une ville, une région et un public. Ce que j’ai tout de suite aimé au Festival d’Angoulême, c’est son engouement cinéphile. Il y a un tel amour du cinéma. C’est un public aguerri, très enthousiaste, et qui peut voir aussi bien des oeuvres accessibles qu’exigeantes. Le cinéma proposé dans ce festival est incroyablement divers. On peut y découvrir une comédie humaniste comme Une belle course, avec Line Renaud et Dany Boon, mais aussi des œuvres plus pointues comme celles que nous allons voir dans la compétition officielle.

Vous-même d’ailleurs, vous présentiez ici une adaptation de Balzac l’année dernière et vous présenterez cette année, en séance événement, une comédie d’aventure : Jack Mimoun et le secret de Val Verde. Il semblerait que les choix de vos projets soient à l’image de ce festival…

Je pourrai faire un parallèle entre mes envies de spectatrice et mes envies de comédienne. J’aime découvrir un cinéma divers. Je prends autant de plaisir devant Indiana Jones et Les Goonies que devant Le secret de Brokeback Mountain, ou les films d’Alfred Hitchcock et d’Ernst Lubitsch. J’ai ce plaisir de spectatrice et je ne veux pas m’en priver en tant que comédienne. Ce festival s’inscrit effectivement dans cette continuité. On y voit le meilleur du cinéma francophone et dans tous les genres. Cet éclectisme total est très précieux.

À propos de la francophonie, que signifie cette notion pour vous ?

J’appartiens à une génération qui ne se sent plus nécessairement déterminée par une nationalité mais par un esprit de communauté. À titre d’exemple, je me sens plus proche d’un argentin passionné de cinéma que d’un français qui s’en désintéresse. La francophonie est une thématique intéressante car bien qu’elle se soit bâtie dans un esprit de nationalité, elle s’est peu à peu orientée vers quelque chose de plus communautaire. Aujourd’hui, la communauté francophone regorge de cultures différentes. C’est incroyablement fort que d’être dans festival de cinéma pour y découvrir à la fois des films français, belges, suisses ou québécois, tout en rendant hommage au Rwanda.

Vous avez déjà été membre d’un jury, notamment au Festival de la Comédie de l’Alpe d’Huez. Comment appréhendez-vous ce genre d’expériences qui sont certes enrichissantes et passionnantes mais qui peuvent aussi être frustrantes, avec des désaccords, des compromis, etc…

C’est toute la complexité de vivre en groupe et de s’y imposer ou non. Doit-on exprimer vraiment ce qu’on ressent ou doit-on s’effacer ? Il est toujours difficile de juger des artistes qui ont  travaillé sur un film durant des années. Mais la confrontation dans un jury peut aussi être exaltante. Après tout, cela n’a rien d’évident que de mettre en accord neuf personnalités. Nous n’avons ni les mêmes références, ni les mêmes goûts. Nous nous découvrons peu à peu et nous échangerons très régulièrement pour avancer au mieux et être le plus juste possible dans nos choix. Même si le fait d’être juste n’existe pas au cinéma où il n’y jamais de vérité absolu.

Que pouvez-vous dire sur Jack Mimoun et le secret de Val Verde que vous présenterez cette semaine au public angoumoisin ?

C’est une comédie d’aventure et familiale. Malik Bentalha rêvait de jouer un aventurier et il s’est lancé dans la réalisation de ce film pour réaliser ce rêve qu’ont beaucoup de comédiens tant les films d’aventure sont le fondement même de ce qui nous a donné envie de faire du cinéma. Ils ont marqué nos premières expériences de spectateurs. Nous avons tourné durant plusieurs mois en Thaïlande et en pleine crise sanitaire. Cela a été une aventure de tournage à l’image de celle que vivent nos personnages dans le film.

Quel regard portez-vous sur l’évolution actuelle du marché et l’essor des plateformes ?

Au moment de l’apparition de la cassette vidéo, François Truffaut affirmait que regarder un film comme Sérénade a trois, d’Ernst Lubitsch, sur un grand écran ou chez soi étaient deux expériences complémentaires et que l’une ne remplacerait jamais l’autre. Cette phrase semble d’autant plus juste aujourd’hui. Les expériences de cinéma sont diverses et complémentaires. Je suis favorable à tout ce qui peut venir enrichir l’expérience du cinéma. La question est de savoir ce que l’on va produire à l’avenir. De ce point de vue, notre exception culturelle protège les productions les plus fragiles comme les plus ambitieuses. Cela permet de créer des surprises sublimes comme cet été où un film aussi sombre comme As Bestas a néanmoins performé. Les français sont profondément attachés au cinéma qui reste une invention française. Mais il ne faut jamais nier le cinéma ou les plateformes pour mieux se concentrer sur l’un ou l’autre car cela ne peut pas fonctionner.

Quels sont vos projets ?

Je serai prochainement à l’affiche du nouveau film de Denis Imbert, Les chemins de Pierre, avec Jean Dujardin. Et je viens de terminer un tournage de cinq mois sur une série Netflix consacrée à Bernard Tapie, qui est interprété par Laurent Lafitte. Pour ma part, j’y interprète son épouse, Dominique Tapie.