Emilie Dequenne, un adieu qui bouleverse

10 avril 2025
Décédée le 16 mars à 43 ans, l’actrice révélée par Rosetta laisse une empreinte durable. Plus qu’une carrière, une présence qui comptait.
Emilie Dequenne

Un choc partagé
La disparition d’Émilie Dequenne a profondément marqué le monde du cinéma, et bien au-delà. Car révélée à 18 ans dans Rosetta des frères Dardenne (Palme d’or et Prix d’interprétation à Cannes en 1999), la comédienne est partie trop tôt. Les hommages se sont multipliés, saluant autant son talent que sa personnalité. Cette émotion collective, en Belgique comme en France, reflète ce qu’elle inspirait depuis ses débuts: une forme de sincérité, de proximité, d’authenticité. Si elle n’a pas enchaîné les blockbusters ni les couvertures de magazines, elle a su tracer une trajectoire fidèle à elle-même. Son décès résonne comme celui d’une actrice rare, ni distante ni formatée, mais aimée.

Une carrière à l’image de sa liberté
Si sa carrière fut inégale, elle a été marquée par des choix forts. Elle a tourné chez Claude Berri (Une femme de ménage), André Téchiné (La Fille du RER), Lucas Belvaux (Pas son genre) ou Joachim Lafosse (À perdre la raison), un film qui lui a valu le Prix d’interprétation à Un Certain Regard à Cannes en 2012. Elle a également été saluée aux Magritte (trois prix de la meilleure actrice) et nommée deux fois aux César, décrochant celui du meilleur second rôle en 2021 pour Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait. Elle n’hésitait pas à alterner cinéma d’auteur et télévision (Les Hommes de l’ombre, Baron Noir). Toujours investie et juste, elle refusait le clinquant mais donnait tout à chaque personnage. Ce refus du calcul, cette fidélité à un cinéma incarné, font partie de ce que le public a salué à l’annonce de sa disparition.

Un lien fort avec le public
Émilie Dequenne avait aussi ce don rare: parler à tout le monde sans simplifier son jeu. Elle n’était pas une star tapageuse. Mais elle cultivait un lien sincère avec le public. Active sur les réseaux, simple en interview, elle dégageait une présence chaleureuse, sans effet de manche. En décembre 2024, dans Sept à Huit sur TF1, elle évoquait son cancer, un sarcome rare, avec une dignité bouleversante. Son témoignage, sans pathos, avait marqué les esprits. Elle continuait à tourner, à rêver, à avancer. Son mari, Michel Ferracci, parlait d’elle comme "d’une battante, d’une artiste et d’une femme libre". Le 26 mars, lors de ses obsèques au Père-Lachaise, sa sœur Audrey a déclaré: "Plus vivante que toi tu meurs. Tu nous enverras des autographes des gens de là-haut…". Une phrase tendre, pour un vide immense.

Une absence très présente
Ce qui reste, au-delà de ses rôles, c’est un sentiment d’attachement. Elle ne forçait jamais l’émotion, mais elle l’imposait. Elle ne cherchait pas à séduire, mais elle touchait. Elle avait gardé des liens étroits avec les cinéastes, techniciens et journalistes, beaucoup évoquent une "collègue modèle", "gentille", "professionnelle". C’est peut-être cela aussi, qui bouleverse: le souvenir d’une personne sincère, restée accessible, profondément humaine. Une actrice que l’on pensait revoir encore souvent. Et qu’on n’oubliera pas.