Mission possible - L'édito d'Eric Libiot
Dimanche soir, le service public a fait le boulot. France 2 et France 3 ont enchaîné les résultats, les débats et les commentaires lors du second tour des élections législatives jusque tard dans la soirée, quand TF1 lâchait le morceau plus tôt pour diffuser Skyscraper avec Dwayne Johnson qui sauve femme et enfants d’un bâtiment en flammes. Ça chauffait aussi dans les studios de F2 et de F3, comme la semaine précédente, lors d'un premier tour qui n’avait pas plus intéressé les chaînes privées. Façon de dire, par les faits, l’importance d’un service public, que certains voulaient faire disparaître.
A la nouvelle Assemblée Nationale de faire maintenant le boulot et pour l’instant tout est ouvert (et je ne parle pas des écolos). Une chose semble quand même sûre : la privatisation du service public prônée par le RN est remise au placard, quand à la formation d’un holding voulue par la macronie, elle va aller se planquer au fond d’un tiroir. Deux bonnes nouvelles. Ce n’est pas pour autant que le ciel est tout bleu - ni tout rose d’ailleurs (ceci est un édito coloré). L’automne va être frais, notamment au moment de voter le budget. La France étant regardée à la loupe par Bruxelles à cause d’un déficit abyssal que même Dwayne Johnson ne pourrait combler à coups de pelle, il va sans doute falloir passer par la case économie tous azimuts. Et peut-être augmenter les impôts. Ou les deux. Quels que soient les couleurs politiques, les programmes, les ajustements, les refus, les embardées, les votes pour, les mentions contre, les décrets, les 49.3, les 37,5°, les 4-3-3 et les 3615, le changement, c’est maintenant. Dans tous les secteurs.
Il y a un truc dans l’air qui pousse à se bouger les pompes et à réinventer, si ce n’est le sol et le plafond, en tout cas une manière de débattre, de créer, de produire de concéder autant que de convaincre. La configuration de l’Assemblée pousse à cette rénovation des comportements, des us et des coutumes. On s’en félicite. Au lieu de disserter jusqu’à s’épuiser sur le fait que rien n’est possible sous prétexte que tout est nouveau - raisonnement que n’aurait pas renié Raymond Devos -, les commentateurs devraient lâcher le rétro et regarder devant. Il faut observer le vote des Français comme s’ils s’étaient concertés : ils ont demandé d’inventer quelque chose et que le RN n'accède pas au pouvoir. Dont acte.
Le secteur cinématographique et audiovisuel ne va pas échapper au mouvement. Des économies d’un côté, de l’innovation de l’autre. Ce n’est pas forcément antinomique.
Mais je reconnais que ça peut conduire à des nuits blanches chez tout le monde, créateurs compris. Il n’y a pas si longtemps, on poussait ici les salles à se réinventer pour accueillir ou ré-accueillir le public. Sincèrement, je ne pensais pas écrire si tôt que tout le monde devait s’y mettre. Mais ce vote oblige et pas seulement sur le plan politique. Il va falloir faire preuve de créativité autant que de souplesse pour maintenir la qualité et le volume dans le flux, sur grand écran et dans la fiction télé. Comme nos députés finalement, qui auraient intérêt, en passant, à arrêter parfois leur cinéma. Tout le monde s’inquiète de ce qui va advenir demain et après-demain. On a aussi le droit de se prendre la main pour écarter les nuages - je ne suis pas sûr de cette dernière image mais tant pis, je réinvente modestement la langue. A qui le tour ?