Par essence, le documentaire repose sur la façon dont nous appréhendons le réel. “Quelle est ta définition du réel ?” demandait Morpheus à Neo lors d'une scène culte de Matrix, celle de la découverte de réalités alternatives. Les artistes et les penseurs débattent et s'écharpent sur la réponse. Le personnage emblématique porté par Laurence Fishburne continuait ainsi : “Si tu veux parler de ce que tu peux toucher, de ce que tu peux goûter, de ce que tu peux voir et sentir, alors le réel n'est seulement qu'un signal électrique interprété par ton cerveau.” Une vision prosaïque mais qui nourrit cette lettre : la XR pour eXtended Reality, réalité étendue.

C’est un univers méconnu et sous-financé faute de circuit de diffusion concret qui intrigue et irrigue de plus en plus les festivals. En témoignent, en 2024, l'ouverture d'une sélection dédiée à Cannes et un dispositif flambant neuf d'accompagnement à Sunny Side of The Doc. Des manifestations nécessaires pour le secteur tant les espaces de diffusion manquent. Des agences de conseil spécialisées comme Diversion Cinéma et Futura Cinéma œuvrent d'ailleurs à permettre aux salles de cinéma d’entrer dans une nouvelle ère. Une tendance encore trop discrète en France mais en développement, notamment grâce au Plan France 2030 et l’appel à projets du gouvernement Culture immersive et Métayers (date limite de candidature : 25 novembre 2025 à 12h).

En attendant, le soutien essentiel à la XR se résume aux institutions culturelles, à l'image du Musée d’Orsay (avec les peintres Impressionnistes) et du Museum National d'Histoire Naturelle (au milieu d’espèces disparues), tous deux coproducteurs d'œuvres VR et seuls vecteurs pour rendre ces créations hors normes accessibles au grand public. Pour aider à les diffuser, la société Lucid Realities a mis en place une plateforme d'aide à la diffusion dans le monde de créations XR muséales. Voilà donc l'avenir du documentaire. Une réalité au carré qui prend à parti du spectateur pour le placer dans la position d’un protagoniste. Là, les mots de Morpheus résonnent. Lorsque dans Noire (Colored), vous êtes assis dans un bus à côté de Claudette Colvin, elle, présence virtuelle, adolescente afro-américaine qui refusa, quelques années avant Rosa Parks, de céder sa place de passagère, lorsque dans Stay Alive My Son, vous arpentez la jungle cambodgienne pour fuir les Khmers Rouges, lorsque dans JFK Memento, vous réceptionnez la parole de témoins vivants de l'assassinat de JFK, le réel vire tout à coup à 360°. Bienvenu dans la matrice.