Nouvelle ère pour la VR - L'édito d'Eric Libiot

24 avril 2024
Eric Libiot, rédacteur en chef d'Ecran total, livre son point de vue sur la semaine écoulée et sur les enjeux de celles à venir.
Nouvelle ère pour la VR (c) Pierre Abouchahla

Réalité : David Larramendy prend la tête du groupe M6. Virtuel : Rachida Dati transforme le service public de l’audiovisuel en holding. Réalité : la fréquentation des salles va mieux. Virtuel : la fréquentation des salles ira de mieux en mieux. Réalité : les deux héros de L’Art du crime sur France 2 se sont (enfin) embrassés dans la saison 7. Virtuel : Ils vont coucher (et que ça saute !)…

Il n’est pas un jour sans que les nouvelles du monde, en l’occurrence celles du cinéma et de la télé, oscillent entre les faits, les désirs, l’info et la fiction. La technologie avance à grands pas et il est de moins en moins rare que la réalité virtuelle (VR) soit convoquée dans les grands festivals pour titiller l’oeil des spectateurs. Hier le festival Tribeca à New York ou la Mostra de Venise, demain le festival de Cannes, bientôt Sunny Side of the Doc à La Rochelle : tous ces grands événements se sont ouverts, ou vont s’ouvrir, à la VR. Cannes vient de sélectionner huit projets en compétition « incluant des installations de réalité virtuelle collectives, des expériences de réalité mixte, ainsi que des œuvres de vidéo mapping et holographiques. » Qu’en termes choisis ces choses-là sont dites.

Les oeuvres en VR adoptent mille formes et ouvrent des champs créatifs souvent peu explorés voire totalement inédits

Selon un sondage publié par le CNC en septembre 2023, 49 % des personnes interrogées avaient déjà expérimenté la VR, chiffre en hausse de 7 % par rapport à 2019. Et 93,1 % s’en disaient globalement satisfaites. Un score plus important que le taux de participation prévu aux élections européennes de juin. A lire les résumés des titres présentés ici ou là, tout est possible : si un film est un film et une série, une série (globalement on saisit le truc), les oeuvres en VR adoptent mille formes et ouvrent des champs créatifs souvent peu explorés voire totalement inédits. Ce large spectre artistique (et technologique) fait la richesse de la VR mais brouille encore les cartes de son modèle économique pérenne. Il faut un casque (mais pas forcément), un grand espace (mais un petit ça marche aussi), une scène (mais pas obligé), un fauteuil (mais débout ça fonctionne)…

Les budgets sont donc adaptables mais la commercialisation des oeuvres à grande échelle est encore compliquée. Si un film est un prototype, son exploitation est mondiale. La VR, elle, reste quasiment un prototype sur tous les plans - les installations adéquates et la technologie peuvent faire facilement défaut. Et pourtant, toutes celles et ceux qui ont goûté à la chose s’en souviennent ; personnellement je m’en tiens à Carne y Arena (Chair et sable) d’Alejandro Gonzalez Inarritu, présenté dans un hangar pendant le festival de Cannes 2017, sept minutes impressionnantes « au milieu » de migrants mexicains, arrêtés par la police américaine après avoir passé la frontière.

Cette effervescence autour de la VR n’est évidemment pas un hasard. La demande est là et le public est curieux d’explorer de nouveaux territoires - imaginez Lynch, Spielberg, Audiard ou Carax y inventer des histoires. Mais tout reste à faire - ou presque. Si le CNC a mis en place un « Fonds d’aide à la création immersive », il semble encore bien timide à écouter les professionnels. Il faudrait un élan politique, un Grenelle de la VR, une prise de parole des artistes, des oeuvres davantage médiatisées… Pour qu’enfin le virtuel devienne réalité.