"Samuel" : La success story de la mini-série digitale d'Arte

24 avril 2024
La série animée de 21 courts épisodes, disponible sur Arte.tv et ses réseaux sociaux depuis le 11 mars, bat des records d’audience. Explications.

Un visage d’enfant aux traits minimalistes noirs et blancs, qui parle vite et articule mal, a envahi depuis quelques jours les réseaux sociaux, notamment Instagram et Tiktok. La série animée Samuel, disponible sur la plateforme d’Arte et sur les comptes de la chaîne depuis le 11 mars dernier, enchaîne les records d’audience et devient le phénomène du moment.

En l’espace d’un mois, les 21 épisodes réalisés par Émilie Tronche ont conquis le public. Sur l’application cinéphile américaine Letterboxd, Samuel est affublé d’un 4,3/5 et chez son concurrent français SensCritique, elle se hisse à la 2e place du Top 111 des meilleures séries, avec la note de 8,7/10. Un succès critique qui s’accompagne d’un carton d’audience : la série, uniquement diffusée en non-linéaire, cumule 18 millions de vues en France, toutes plateformes confondues. Précisément, Samuel a enregistré 8 millions de vues sur Instagram, 7 millions sur Tiktok, 3 millions cumulées sur arte.tv et YouTube et 300 000 sur Snapchat, Facebook et Twitter. 

Deux versions digitales

Cette série d’animation, produite par Les Valseurs, a été entièrement pensée pour le digital. Elle se décline en deux versions, l’une en format horizontal et l’autre en vertical uniquement pour Tiktok. L’enjeu ? Coller au maximum aux usages des réseaux sociaux. Ainsi, sur arte.tv, YouTube, Instagram, Twitter, Facebook et Snapchat, les épisodes sont en 16/9 et durent chacun entre trois et cinq minutes. 

Au contraire, sur Tiktok, la narration de Samuel est plus simple, les épisodes ne dépassent pas une minute, sont regardables séparément les uns des autres et certains d’entre eux sont des chorégraphies musicales, sans dialogue. "On a voulu toucher un public différent, plus jeune, qui ne regarde pas la télé et qui ne connaît pas forcément Arte", explique Guillemette Trognon, la responsable des chaînes sociales d’Arte France. C’est d’ailleurs la première série de fiction publiée sur ce réseau social.

Diffusion propre à chaque réseau

La chaîne a non seulement adapté le contenu des épisodes à chaque réseau, mais aussi leur diffusion et leur cible. Par exemple, sur Instagram, Arte a créé un rendez-vous quotidien avec un nouvel épisode publié par jour, du lundi au vendredi, à 18 heures, sur le compte Arte à suivre (@arte_asuivre) - dédié à la diffusion des séries. "On voulait faire de Samuel une bulle réconfortante en ces temps anxiogènes et grisâtres, pour que les utilisateurs se retrouvent au sein d’une même communauté, commentent les vidéos et les repartagent”, explique Guillemette Trognon. Pour l'heure, chaque capsule réalise en moyenne 150 000 vues et le compte Arte à suivre est passé de de 138 000 à 172 000 abonnés depuis le lancement de la série. 

Impossible de copier la même stratégie de feuilletonnage sur Tiktok, réseau où la consommation de contenus est traditionnellement plus disparate. La chaîne a donc choisi d’espacer la diffusion des épisodes, en en postant deux par semaine, pour leur laisser le temps d’atteindre leur potentiel. Résultat payant : les utilisateurs s'approprient de plus en plus la série et créent des parodies, ce qui participe à sa viralité.

Thème universel

Derrière cette stratégie digitale novatrice, le succès de la série réside aussi dans sa thématique universelle. Pour celle qui a écrit, dessiné et doublé tous les épisodes, Émilie Tronche, 27 ans, les déboires amoureux et existentiels d’un garçon de CM2 touchent tous les âges et réconcilient parents et enfants. D’autant que Samuel, dont l’intrigue se déroule dans les années 2000, joue sur la nostalgie de l’époque, avec des références comme Diddl ou MSN.

Autre parti pris artistique efficace : la prépondérance de la musique. "Tout a été pensé pour que les chansons, comme The Winner Takes it All d’ABBA ou Un homme heureux de William Sheller, rythment le dessin", détaille son producteur Damien Megherbi. C’était d’ailleurs un des défis majeurs de la production : les droits de diffusion sont très coûteux [250 000 € sur un budget total de 1,3 M d’€] et pas forcément accessibles. "Mais cela fait l’originalité de la série et son succès sur les réseaux", dit-il.

Tout l’enjeu pour les producteurs est désormais de faire de Samuel une IP, pour consolider la communauté, développer les produits dérivés et les diffusions à l’étranger. Pour l’heure, une version doublée a été distribuée en Allemagne et deux adaptations espagnole et catalane créées par Émilie Tronche - avec traduction, voix espagnoles et références hispaniques - ont été diffusées sur les chaines linéaires. "Et très bien suivies", se réjouit le co-producteur espagnol, Pablo Jordi de Pikkukala. D’autres discussions sont en cours avec des télés internationales, mais également avec des éditeurs, pour adapter la série en bande dessinée. Quant à Arte, elle réfléchit à programmer Samuel sur le linéaire et à commander une deuxième saison, voire un long métrage. Samuel a de beaux jours devant lui.

Image : Samuel et la grande Julie, deux personnages centraux de la mini-série animée @Arte France / Les Valseurs