La Fontaine, ce héros - L'édito d'Eric Libiot

27 mars 2024
Eric Libiot, rédacteur en chef d'Ecran total, livre son point de vue sur la semaine écoulée et sur les enjeux de celles à venir.
La Fontaine ce Héros - L'édito d'Eric Libiot (c) Pierre Abouchahla

Il serait peut-être temps de parler cinéma dans cet édito. Depuis plusieurs semaines, il n’y en a que pour la télé : l’explosion de la TNT, l’effervescence des séries, le rentre-dedans de Rachida Dati, la valse des patrons de M6… Ça suffit. Le grand écran a aussi le droit qu’on s’occupe de lui. D’autant qu’il se passe mille choses dans le secteur. Bon, disons, cent. Allez, cinquante. Dix et on en parle plus. Une chose importante en tout cas : le bilan de la production cinématographique 2023. Celle de l’année dernière, donc. De toute manière on aura beau faire, ces deux secteurs-là n’avancent pas à la même vitesse. D’un côté c’est du chaud coco, de l’autre froid, Benoît.

Du chaud et même du brûlant. On pensait être tranquille quelques temps après la saillie de notre ministre de la Culture concernant le dossier de la gouvernance commune de l’audiovisuel public qu’elle souhaite remettre sur la table. Eh bien non. Dans les pages Opinions de La Tribune dimanche, trois députés (Renaissance, Horizons, LR) et trois sénateurs (UC, LR) ont remis le couvert pour demander une réforme et plus vite que ça. Un train-train de sénateurs lancé à pleine vitesse. Il s’agirait d’imaginer “une structure commune qui pourrait s’appeler France Médias. Sans exclure la possibilité à terme d’une entreprise commune (…)

C’est dire la même chose différemment pour dire la même chose quand même. Une gouvernance commune, point. Comme le souhaitent Rachida et Emmanuel. Pas la peine d’ergoter, Madame et Messieurs. Nos six poli- tiques insistent aussi pour pérenniser le financement de l’audiovisuel public, aujourd’hui lié à une part de TVA. Quand la présidence commune compte des soutiens et des opposants, la garantie d’un budget pérenne, elle, est applaudie et demandée par tout le monde. Les mauvais esprits voient dans ces initia- tives une stratégie politique réfléchie : lier les deux dossiers pour faire avaler la pilule de l’ensemble sans tout recracher. Les mêmes mauvais esprits font aussi remarquer que si les arguments pour le financement sont en béton, ceux pour la présidence commune s’ensablent. Ce n’est pas qu’on aimerait être convaincu mais on aimerait être convaincu. Et là dessus, Rodolphe Saadé, récent acquéreur de BFMTV et de RMC, adversaire de Bolloré dans la Champions League médiatique, refait parler de lui en mettant à pied le patron du journal La Provence à cause d’une Une qui n’aurait pas plu, avant de le réintégrer deux jours plus tard quand ses nouveaux salariés, toujours mobilisés, ont annoncé une grève imminente. Franchement, ça va trop vite. Faut se calmer et boire frais à Saint-Tropez.

Cette allusion subtile au dernier film de Max Pécas me ramène au cinéma. Le CNC vient donc de publier, lundi 25 mars, le bilan 2023. Des bonnes nouvelles apparemment : avec 298 films agréés en 2023, la production française retrouve le niveau des années 2017- 2019 ; la part des films dits du milieu, entre 4 M€ et 7 M€, enregistre un re- bond à 23,7 % ; le nombre de jours de tournage sur le territoire français (5055) croît de 22,2 % par rapport à l’année précédente ; le devis moyen des films d’initiative progresse pour la troisième année consécutive et s’établit à 4,78 M€, au plus haut depuis 2017. Ça s’agite d’un côté sans forcément se soucier de la direction à prendre, de l’autre ça avance à mesure avec des résultats probants. La Fontaine aurait pu en faire une fable.