Séries Mania : l'Observatoire européen de l'audiovisuel décrypte les tendances clés du marché

24 mars 2022
L'Observatoire européen de l'audiovisuel a présenté son édition 2022 des Tendances clés du marché, marquée par la poursuite de la crise liée à la COVID-19. Corrigeant au passage quelques idées reçues...
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L'Observatoire européen de l'audiovisuel a présenté son édition 2022 des Tendances clés du marché, marquée par la poursuite de la crise liée à la COVID-19 qui, à la fois, bouleverse et corrobore les tendances durables de l’industrie audiovisuelle. En voici les principales conclusions :

"La SVOD a bénéficié de la crise liée à la COVID-19" : pas si évident

De nombreux observateurs avancent que la SVOD a vu le nombre de ses abonnés augmenter lors des confinements. Une des explications serait la demande de divertissement alors que les lieux de divertissement physiques étaient fermés. Toutefois, les chiffres de 2020 ne corroborent pas cette hypothèse : les abonnements à la SVOD ont enregistré en 2020 une hausse similaire (+46 % par rapport à 2019) à celle de 2019 (+45% par rapport à 2018). La crise sanitaire a pu contribuer à maintenir la dynamique de la SVOD, mais elle ne l’a certainement pas créée. De plus, même si la SVOD a connu une forte croissance en 2020, ce n’est pas au détriment des autres types de services payants, à savoir la télévision payante dont les abonnés ont augmenté de 1,9 % en 2020.

La pandémie a en revanche accéléré de 60 % le déclin des recettes de la vidéo à domicile, comme le démontre le tableau ci-dessous :

"La publicité télévisée est captée par internet" : une réalité plus nuancée

La publicité sur internet a fait preuve d’une plus grande résilience face à la crise liée à la COVID-19 que d’autres segments de médias. Elle a même progressé de 3,9% en 2020 (plus lentement toutefois que son taux à deux chiffres d’avant la crise). Le contraste avec les performances d’autres secteurs publicitaires tels que l’affichage (-33 %), la presse (-22 %) et la radio (-16 %) est très net. En recul de "seulement" 11%, les résultats de la publicité télévisée sont comparativement meilleurs. En faisant abstraction de la crise, et sur le long terme, le marché de la publicité progresse, principalement grâce à la numérisation de la publicité hors-média. Sur le marché de la publicité, un énorme transfert des médias imprimés vers internet est en train de s’opérer, notamment parce que les petites annonces migrent toutes vers internet. Quant à la télévision, elle n’a pas vraiment perdu de sa pertinence en tant que plateforme de support publicitaire même si elle n’a pas bénéficié de la croissance globale du marché publicitaire. Déjà avant la crise sanitaire, la publicité télévisée stagnait depuis 10 ans, engendrant un recul en termes réels (hors inflation). Avec son offre unique de médias de masse et une mesure de plus en plus précise des audiences de rattrapage, elle devrait rester à l’abri de la concurrence par trop nuisible avec internet, sans toutefois croître à nouveau.

"La SVOD commande la majorité des séries TV" : loin s’en faut

Les producteurs pensent à juste titre que la SVOD est une toute nouvelle opportunité pour développer et vendre des projets. Il est vrai que les services de SVOD investissent de plus en plus dans la production européenne originale : +45% de titres de fiction télévisée sont sortis en 2020 malgré la crise liée à la COVID-19. Il est vrai aussi que Netflix est devenu en 2020 l’un des principaux commanditaires des séries TV diffusées – devancé seulement par la BBC. Pourtant, si l’on considère l’ensemble des acteurs en Europe, les plateformes de streaming mondiales n’ont fourni en 2020 qu’environ 10 % de l’ensemble des séries TV produites, les 90 % restants revenant aux radiodiffuseurs traditionnels – et à leurs services de SVOD.

"Les œuvres européennes ne circulent pas" : une question de perspective

Comparer la circulation des films américains et européens est source de déception. Mais les chiffres sont-ils pertinents? Seuls les films américains ayant un certain potentiel commercial sont distribués en Europe : sur les quelque 800 films produits en 2019 par les studios hollywoodiens, environ 350 sont sortis en salle en Europe. La comparaison avec l’ensemble des films européens est donc faussée. En outre, l’idée que tous les films européens puissent être disponibles en VOD doit être considérée dans le contexte de volumes de production élevés : plus de 27 000 films européens ont été produits depuis 19964 alors qu’un catalogue européen de TVOD comporte 5 000 films et que tous les films européens ne peuvent pas, faute de place, figurer dans les catalogues de SVOD.

On pourrait inverser la perspective et se demander si les citoyens européens ont accès aux films européens, y compris non nationaux. Les chiffres de l’Observatoire montrent que, d’une part, ces films européens non nationaux se taillent la part du lion des sorties en salle et en VOD, et que, d’autre part, un citoyen européen a accès dans son pays en moyenne à près de 7 000 films européens non nationaux sortis en salle. Pour résumer, de nombreux films européens non nationaux sont disponibles, mais ce ne sont pas les mêmes dans tous les pays.

"Les cinémas et la SVOD se font concurrence pour les super-productions" : plutôt des destins liés

Les services par abonnement ont poursuivi leur croissance en 2020 et 2021, tandis que les cinémas ont dû fermer. Les deux fenêtres se disputeront-elles les superproductions? Jusqu’en 2020, rien n’indiquait que la progression spectaculaire des services de vidéo à la demande nuisait aux cinémas –2019 a même été une année record pour les entrées en salle. Les grands producteurs de films ont bien sûr toujours besoin des salles de cinéma pour amortir leurs investissements dans les superproductions, et les cinémas misent surtout sur ces superproductions américaines et européennes pour remplir leurs salles : sur les plus de 4 000 films en première distribution en Europe en 2019, les 300 premiers représentent environ 90 % des entrées.

"Les acteurs américains prennent le contrôle de l’industrie audiovisuelle européenne" : c’est exagéré, mais...

La participation américaine dans les services audiovisuels européens est passée de 27% en 1996 à 31% en 2020. Mais, si l’on exclut les acteurs publics européens, elle atteint 44 %, quatre acteurs (Sky, Netflix, Amazon et Dazn) représentant les deux tiers de cette participation. Le poids des groupes à capitaux américains – incontestable pour la SVOD, avec environ 80 % de l’ensemble des abonnés– est également perceptible en termes d’audiences (11 %) grâce à un large portefeuille de chaînes thématiques (19 % de toutes les licences TV en Europe sont accordées à des services à capitaux américains).