Festival Pluriel.les : 5 questions à Noémie Merlant

14 mars 2022
Après y avoir remporté un prix l’année dernière pour son court métrage Shakira, Noémie Merlant est de retour au Festival Pluriel.les pour y présenter son premier long métrage, Mi Iubita, Mon Amour, en compétition Émergence. L’occasion pour l’actrice–réalisatrice d’apporter son regard sur les actions et initiatives à mener pour permettre une meilleure représentation de toutes les communautés à l'écran.
Noémie Merlant

Le Festival Pluriel.les prône la diversité et l’inclusion. Que représentent de telles valeurs à vos yeux ?

Elles sont essentielles dans tous mes choix artistiques. Le cinéma doit montrer le monde au monde. Sans quoi, trop de communautés se sentent exclues. Heureusement qu’un festival comme celui-ci aide à présenter d’autres récits, d’autres visions et d’autres cultures. C’est un enjeu majeur tant les images peuvent aider à changer peu à peu les esprits. Avec Mi Iubita Mon Amour, j’ai souhaité plonger dans une culture, en l’occurrence celle de la communauté Rom, qui reste peu ou mal représentée au cinéma et surtout, qui n’y a pas accès. Un travail d’inclusion à l’écran et sur les plateaux ne peut que permettre une meilleure inclusion dans la société.

Quel regard portez-vous sur les mesures mises en place par des institutions comme le CNC ou le collectif 50-50 ? Et ne pensez-vous pas que ce sont avant tout les auteurs qui détiennent la clé d’une meilleure inclusion, en créant des histoires inclusives qui toucheront le public et rassureront les partenaires ?

Le travail des auteurs sera décisif, c’est certain, mais il faut aussi permettre à ce que tous les auteurs puissent développer de nouveaux récits. Or, actuellement, de nombreuses minorités restent invisibles et n’ont pas accès à cette possibilité de raconter leurs histoires car on ne leur laisse pas la place. De fait, elles n’acquièrent jamais d’expérience et n’obtiennent pas la confiance des investisseurs. En cela, les actions du CNC, du collectif 50-50 ou même les quotas sont absolument nécessaires pour faire bouger les lignes. En espérant que cela devienne naturel quand des films inclusifs toucheront le public et connaîtront de larges succès qui rassureront l’industrie, qui sera alors incité à en produire davantage.

Ne pensez-vous pas que les publics et les médias non-français se sont davantage emparés de sujets tels que le féminisme ? Après tout, Portrait de la jeune fille en feu a brillé partout à l’international, aussi bien auprès des spectateurs que des journalistes, alors qu’il a davantage divisé en France ?

Effectivement. C’est quelque chose que toute l’équipe du film a ressenti lors de la promotion internationale. Le public et les journalistes étrangers ont su capter l’essence du projet. Ils attendaient ce film et étaient heureux de le découvrir. Céline Sciamma a réalisé un travail essentiel, en imaginant un récit qui allait à l’encontre de ce que l’on peut voir habituellement au cinéma : des conflits, des rapports de force et d’emprise qui sont censés générer de l’adrénaline. Elle a su désamorcer ces notions tout en amenant son film sur un terrain inédit et plein de surprises. 

Récemment, le fait que vous interprétiez un homme transgenre dans le film de Marie-Castille Mention-Schaar, A Good Man, a suscité de vives réactions. Comment expliquez-vous cette polémique ?

Je la comprends. Quand des cris s’élèvent, c’est qu’il y a quelque chose à écouter, à entendre, et à comprendre. Il est vrai qu’une actrice doit pouvoir jouer toute sorte de rôles. Néanmoins, il faut savoir offrir des opportunités et de l’expérience à des talents transgenres car une histoire comme celle d’A Good Man leur appartient. Ils sont directement concernés. Là aussi, une meilleure inclusion des acteurs transgenres est nécessaire pour qu’ils puissent, un jour, interpréter des personnages qui ne reposent pas uniquement sur leur identité ou leur genre.

Et enfin, avez-vous un autre projet de film que vous souhaiteriez réaliser ?

En effet, je viens justement d’achever l’écriture du scénario. Le film s’intitulera Les femmes au balcon et sera produit par Pierre Guyard, de Nord-Ouest Films. Ce sera une comédie à la fois féministe, noire et sanglante. Nous espérons tourner l’été prochain.