Éric Tolédano : « Les César soutiennent le cinéma français toute l’année et sous toutes ses formes »

16 février 2022
À quelques jours de la 47ème cérémonie des César, le vice-président de l’Académie revient sur les actions mises en place au cours des deux dernières années pour faire entrer cet événement dans la modernité.
Eric Tolédano

Quel regard portez-vous sur l’année 2021 du cinéma français ?

L’offre a été une nouvelle fois très forte, avec une vraie diversité. Cela a été une année pleine d’élan, avec deux beaux succès aux Festivals de Cannes et de Venise pour Julia Ducournau et Audrey Diwan. Même si nous sommes encore tous inquiets de l’état la fréquentation. La crise a accéléré des changements structurels, mais le cinéma saura résister et trouver les armes pour rester dans le cœur du public.

Avant d’être le vice-président de l’Académie des César, quel rapport entreteniez-vous avec cette cérémonie où vous avez été nommé si souvent mais sans jamais être récompensé ?

Je n’en ai jamais éprouvé la moindre frustration tant j’attache peu d’importance aux récompenses. Pour Olivier Nakache et moi-même, le seul fait d’être nommés constituait une reconnaissance. Quand on s’investit chez Unifrance, à l’ARP ou à l’Académie des César, c’est par reconnaissance. Nous souhaitons rendre à ces associations ce qu’elles nous ont apporté : des aides, une exception culturelle et un accompagnement sur la scène internationale.  

Les deux dernières cérémonies des César ont été particulièrement critiquées. À tel point que certains politiques avaient remis en cause l’utilité de cet événement. Selon-vous, en quoi cette cérémonie est-elle nécessaire pour le cinéma français ?

La cérémonie des César permet de mettre en valeur le travail d’une année de cinéma. Elle met en avant les talents, en révèle de nouveaux et honore ceux qui nous ont quittés. Quand Omar Sy a remporté le César du meilleur acteur pour Intouchables, cela a contribué à le révéler. Le fait que Benjamin Lesieur ait été nommé comme meilleur espoir masculin pour Hors Normes a créé un sentiment d’inclusion pour les personnes en situation de handicap. Il faut aussi replacer les choses dans leur contexte. Il y a deux ans, à la suite du départ d’Adèle Haenel en pleine cérémonie après l’annonce du César du Meilleur Réalisateur attribué à pour Roman Polanski, l’Académie des César était au bord de l’implosion. Il nous a fallu œuvrer longuement pour mettre en place de nouvelles instances, avec plus de démocratie. Et nous avons maintenu la cérémonie de l’an dernier alors que les lieux culturels étaient fermés et que peu de films étaient sortis en salles. Mais nous tenions à préserver la vitrine de cette institution qui aurait pu s’écrouler si nous avions perdus nos diffuseurs, nos subventions et nos partenaires. L’Académie des César est principalement jugée sur sa cérémonie, et c’est normal.

Pour autant, il s’agit d’un organisme culturel qui œuvre toute l’année sur de nombreuses opérations pour mettre en avant les révélations, les techniciens (César et Techniques), les producteurs, avec le Prix Daniel Toscan du Plantier, ou les courts métrages avec la diffusion dans 80 salles des films courts nommés. Les César soutiennent le cinéma français sous toutes ses formes. Ils lui permettent de rester fort, surtout au moment où il est mis en difficulté par la pandémie et l’arrivée de nouveaux modes de diffusion.

Justement, quelles mesures l’Académie a-t-elle prise pour apporter davantage de démocratie, de diversité et de transparence dans sa gouvernance ?

Déjà, la répartition du nombre de votants entre hommes et femmes a enregistré une progression d’équilibrage de 5,5 points. Désormais, sur 4 363 votants, il y a 59,5% d’hommes et 40,5% de femmes. On se rapproche de la parité. D’autant plus que parmi les 475 nouveaux membres, 76% sont des femmes. Chaque branche professionnelle, désormais représentée par un duo homme-femme au conseil d’administration, a invité une vingtaine de femmes à devenir membres. L’assouplissement des critères d’adhésion a aussi permis un rajeunissement des membres de l’Académie. L’intérêt s’en retrouve renforcé puisque le premier tour de vote a enregistré 68,7% de participation contre 54,9% l’an dernier. La plateforme de visionnage a favorisé cela, en facilitant l’accès à certaines œuvres, dont les courts métrages, À la demande des commissions concernées, l’Assemblée générale a voté la création des César des meilleurs effets visuels et du meilleur court métrage documentaire, en accord avec le diffuseur Canal+ afin de ne pas trop prolonger la cérémonie. Ce qui explique la remise du César des Lycéens à La Sorbonne, le 7 mars. Le renouveau de l’Académie se jouera aussi lors des élections au mois d’avril, où chaque membre pourra se présenter pour participer à sa gouvernance.

Si l’Académie a renoncé au César du Public, celui des Lycéens reste donc d’actualité ?

Plus que jamais ! Et pas parce que c’est le seul que j’ai remporté (rires). Ce prix demeure l’un des grands défis de l’Académie pour son avenir. Il permettra de gommer cette image « d’entre soi ». Il était nécessaire de s’ouvrir à la jeunesse. Ce sont désormais 1 866 lycéens de 84 classes réparties sur l’ensemble du territoire qui participent à ce vote. L’opération « un César à l’école » demeure également essentielle puisque chaque lauréat peut donner une masterclass dans le lycée de son adolescence. Cela crée un pont entre le monde du cinéma et la jeunesse. Ce qui est plus que nécessaire à l’heure où les jeunes sont toujours davantage connectés sur les plateformes et éloignés des salles.  

En 2020, la cérémonie avait créé une grande polémique. En 2021, elle était revendicative et par moment provocante. Que peut-on en attendre cette année ?

Nous espérons simplement fêter le cinéma et ses métiers, avec un maître de cérémonie fédérateur, Antoine de Caunes, qui officiera pour la dixième fois, mais aussi du glamour avec la présence de Cate Blanchett qui se verra remettre un César d’honneur. Au-delà de la grande actrice, c’est également une femme très engagée qui milite pour l’inclusion et la parité. La présidence de Danièle Thompson n’est pas anodine non plus. Si on constate aujourd’hui que des réalisatrices françaises, également scénaristes, brillent sur la scène internationale, Danièle Thompson a été l’un des précurseurs de ce phénomène. Elle incarne un cinéma à la fois populaire et exigeant. Nous rendrons évidemment hommage aux personnalités disparues ces derniers mois, Gaspard Ulliel évidemment, Jean-Paul Belmondo, Bertrand Tavernier, Jean-Jacques Beineix et tant d’autres. Enfin, cette année marquera le retour du public dans la salle, des étudiants en école de cinéma et d’animation.