Questions pour des champions - l'édito d'Eric Libiot
C'est un assemblage de lettres peu connu : DGMIC, pour Direction générale des médias et des industries culturelles. L’organisme, qui dépend du Ministère de la culture, “met en œuvre et évalue la politique de l'Etat en faveur du développement et du pluralisme des médias, de l'industrie musicale, du livre et de la lecture et de l'économie culturelle.” Pour faire court, c’est ce service qui gère notamment la Fête de la musique ou les Journées du patrimoine. Les inquiets et les curieuses trouveront mieux sur le site ad hoc. Concernant l’audiovisuel, la DGMIC vient de lancer une consultation publique sur l’avenir des modes de diffusion et de distribution de la télé. Pas moins. Et j’apprends à cette occasion qu’une loi de 1986 garantit l’accès à la TNT jusqu’au… 31 décembre 2030. Autant dire demain. Cette même loi impose aussi au gouvernement en place de remettre au Parlement un rapport sur le sujet avant… le 31 décembre 2025. Autant dire maintenant.
Il faut dire que le monde de la télé a passablement été bousculé ces derniers mois : suppression de fréquences, arrivée prochaine de nouvelles chaines, changement de numérotation… Quand ce ne sont pas les chaînes elles- mêmes qui révisent leur stratégie en augmentant l’offre sur leur plateforme ou en s’interrogeant que leur place dans la chronologie des médias - on attend toujours la position de Canal + sur ce dossier ; y aura-t-il une baisse des investissements et si oui de combien ?
Donc le Ministère consulte et tout le monde, absolument tout le monde, l’infirmière de Dax, le boucher de Nice, la cadre dynamique de Dunkerque, l’enseignant de Porspoder, les journalistes ou les producteurs, peuvent participer à cette vaste enquête.
Le Ministère consulte et absolument tout le monde, l’infirmière de Dax, le boucher de Nice, la cadre dynamique de Dunkerque ou l’enseignant de Porspoder, peuvent participer à cette vaste enquête.
C’est quasi un référendum ! En tout cas sur le papier. L’intention est d'ailleurs louable. Concrètement c’est une autre paire de manches. Il y a quatorze page, six chapitres à lire, et six questions auxquelles répondre. Par exemple chapitre 2 : “Le secteur s’adapte aux usages des téléspectateurs.” Suivent quelques points concrets sur le situation, les mêmes que ceux énoncés plus haut dans cette édito. Puis la question arrive sans crier gare : “Quelles sont les implications de l’évolution des habitudes de consommation sur la stratégie des éditeurs et des distributeurs en matière de diffusion et de distribution de programmes audiovisuels et d’investissement d’ici 2030 et au-delà ?” Bien sûr. Mais encore. On a combien de temps ? Ça sent davantage la question pour entrer en formation “Patron de chaînes avec Bac + 12” qu’une consultation publique et collégiale.
Le reste est à l’avenant. Je note par exemple la question liée à l’avenir de la télé, chapitre 6 : “Quelles différentes implications identifiez-vous en matière de souveraineté et de régulation ?” Une bonne réponse et vous pouvez directement postuler comme Président de l’Arcom. C’est tout de même étrange cette tendance française à complexifier, pour ne pas dire bousiller, une excellente initiative. Cette consultation publique est importante et l’avenir (global) de la télé implique tout le monde et intéresse au moins autant. Mais non seulement elle est planquée dans un coin, sans être réellement mise en avant, mais elle découragerait le plus obstiné des amateurs et la plus valeureuses des curieuses. Ce charabia techno (même léger il donne mal au crâne) et ces questions par trop ouvertes donnent vraiment l’impression d’un entre-soi. Vu le sujet, c’est agaçant.