Culture intensive - l'édito d'Eric Libiot

27 novembre 2024
Le rédacteur en chef d'Ecran total revient sur les principaux faits de la semaine écoulée et les enjeux de celle à venir.

Il n’y a pas de moment à l’automne qui donne l’occasion de parler de Jean Zay. C’est dommage. Homme d’État, initiateur du festival de Cannes, l’homme est né le 6 août 1904, élu député de juin 1932 à juin 1941, nommé ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts de juin 1936 à septembre 1939, assassiné par la milice le 20 juin 1944 et panthéonisé par François Hollande en mai 2015. Rien de marquant en novembre. Pourtant, il ne devrait pas y avoir une seule seconde qui puisse échapper à l’évocation de son action brillante et exemplaire. La culture ayant toujours été au centre de ses préoccupations, on lui doit cette sentence à graver au frontispice de tous les établissements scolaires : “On souhaite des esprits ouverts, pas des perroquets.” Un serviteur du pays comme on les aime. Il y en a d’autres qui sont moins aimables. Mais qu’il faudrait paradoxalement remercier puisque leurs envolées, assez peu lyriques, me permettent d’applaudir ce grand homme qu’était Jean Zay et de souligner, encore et toujours, l’importance de la culture dans nos vies, nos écoles, nos bistrots, nos jardins et nos salons.

Cela dit, j’aimerais bien m’agacer sur autre chose tant ce sujet-là devrait aller de soi. Mais non. Jamais. Il ne faut donc rien lâcher face à des interventions d’un autre âge ; celui de la pierre et la préhistoire. En fin de semaine dernière, Christelle Morançais, présidente (Horizon) de la région Pays-de-la- Loire, annonçait supprimer les subventions accordées à la culture afin de répondre aux demandes d’économie du gouvernement ; dans un excès de zèle, elle compte économiser plus que demandé. Et de s’interroger sur “la pérennité d’un système qui, pour exister, est à ce point dépendant de l’argent public.” Oui, Madame, tout simplement parce que la culture est un service public pour le public. Point.

Tous les événements de la région, dans toutes les disciplines - cinéma, théâtre, musique, spectacle vivant… - sont touchés. Et tous les acteurs du secteur sont surpris de la brutalité de la décision, quand ils ne sont pas atterrés. On le serait à moins. Cette réduction à grand feu concerne 2025, mais 2025 c’est demain. Certains festivals, qui ont On doit à Jean Zay cette sentence à graver au frontispice de tous les établissements scolaires : « On souhaite des esprits ouverts, pas des perroquets. » lieu en début d’année et qui ont les mains dans un moteur en surchauffe à quelques semaines de l’ouverture des portes, sont immédiatement impactés. Premiers plans d’Angers, notamment dont la 37ème édition se déroulera du 18 au 26 janvier. Claude-Eric Poiroux, son délégué général, a été informé d’un simple coup de fil, il y a quelques jours, de la suppression totale de la subvention de 104 000 € de la région, ce qui correspond à 8% du budget total. Cette manifestation est l’une des plus prestigieuses du pays qui draine public, scolaires et professionnels. Et correspond à ce que André Malraux, dans le sillage de Jean Zay, envisageait comme culture pour tous, vivante, accessible et hors les murs parisiens. Comme les festivals des Trois continents, de La Roche-sur-Yon ou de Laval, pour rester dans le cinéma.

Joint au téléphone Claude-Eric Poiroux, décontenancé (euphémisme), assure la bonne tenue du festival et se félicite du soutien du maire d’Angers Christophe Béchu, n°2 d’Horizon, le parti d’Edouard Philippe auquel appartient Christelle Morançais. On s’amuserait du rififi annoncé au sein d’Horizon si ces annonces n’étaient pas si aberrantes, absurdes, anormales. Désespérantes également. Allo, le ministère de la Culture ? Personne au bout du fil pour l’instant.