L'amour est dans le frais - l'édito d'Eric Libiot

20 novembre 2024
Le rédacteur en chef d'Ecran total revient sur les principaux faits de la semaine écoulée et les enjeux de celle à venir.
L'amour est dans le frais (c) Pierre Abouchahla

La géostratégie, fut-elle audiovisuelle, se conçoit souvent binaire pour plus de lisibilité quand les détails sont là pour diablement complexifier le schmilblick.

Le Diable se cache dans les détails. Dans les chiffres également - mais on le sait moins. Lors d’un récent entretien sur France Inter, Nicolas de Tavernost, ex-boss de M6 devenu amiral de la flotte CMA Média, précisément vice-président et président du conseil stratégique, et, par intérim, directeur général de RMC BFM (ouf), ne cachait pas son agacement (euphémisme) à imaginer une redistribution de la numérotation des chaînes de la TNT par l’Arcom. BFM, qui affiche le dossard 15, pourrait voir ses concurrentes LCI et Franceinfo récupérer les canaux 17 et 18. De quoi affoler le compteur : si jamais le doigt glisse sur la zapette, la chaîne du groupe TF1 ou celle du service public prendrait, sans crier gare, la place de BFM sur l’écran - et les téléspectateurs seraient alors susceptibles de s’y habituer. Actuellement LCI et Franceinfo se regardent en 26 et 27, autant dire que BFM est plus peinarde vu qu’un doigt qui glisse ne changerait pas grand-chose à l’affaire.

Mais le monde de la télévision est décidément impitoyable. Dans le « Rapport d’information n°537 » de l’Assemblée Nationale concernant les Contrats d’objectifs et de moyens (COM) 2024-2028 de France Télévisions, deux députées, l’une macroniste, l’autre écologiste, balancent une bombe au Chapitre 4, paragraphe B, alinéa 2 : elles demandent dans leur recommandation n° 13 que Franceinfo soit visible sur le canal 12 ou 14. Soit devant BFM (15), Cnews (16) et LCI (26). Ça n’a l’air de rien mais ce n’est pas rien. La zapette serait alors en pleine crise urticaire. Grincements de dents et poussée de boutons en perspective. BFM râlerait encore plus fort et il n’y aucune raison que LCI, éloignée de ses concurrentes, voire totalement larguée, ne monte pas au créneau, poussée par TF1 sa maison-mère.

Mais le monde de la télévision est décidément surprenant. Mercredi 13, qui cette année ne tombe pas un vendredi, Rodolphe Belmer ouvrait grand les portes de la tour TF1 qu’il dirige pour accueillir la famille du petit écran (France Télévision, M6, bientôt Arte) et divers acteurs du secteur (Sacem, SACD, SCAM, SPI…) afin de signer l’acte fondateur de La Filière Audiovisuelle (LaFA) qui propose une alliance du bien (eux) contre le mal (les plateformes). Je résume succinctement, c’est vrai, mais la géostratégie, fut-elle audiovisuelle, se conçoit souvent binaire pour plus de lisibilité quand les détails sont là pour diablement complexifier le schmilblick (lire ici). Les chaînes de la TNT montent au créneau, notamment pour ne pas bousculer le marché publicitaire : les plateformes doivent demander poliment avant de se servir une part de gâteau et le renforcement du service public est nécessaire. Qu’on ne s’y trompe pas, chacun finira par jouer ses cartes sur table un jour ou l’autre : quid de la plainte de TF1 contre France Télévisions pour “aide d'État illégale” et que faire de la déclaration du patron de M6 dans Les Echos qui déclare que « la fusion avec TF1 reste souhaitable. » Pour l’instant, l’amour est dans le frais. En attendant les preuves d’amour.

Mais le monde de la télévision est décidément capricieux. Le 15 Novembre, un vendredi cette fois, l’Arcom présentait son rapport sur « La représentation de la diversité de la société dans les médias – 2013-2023 » Si les femmes sont (un peu) plus présentes, le petit écran reste très blanc et les handicapés sont quasi invisibles. LaFA doit aussi balayer devant sa porte.