Fête ou défaite ? - L'édito d'Eric Libiot

26 juin 2024
Eric Libiot, rédacteur en chef d'Ecran total, livre son point de vue sur la semaine écoulée et sur les enjeux de celles à venir.

Une chose est sûre : la fête du cinéma se déroule du vendredi 30 juin au mercredi 3 juillet. 5€ la place. On verra la semaine prochaine les résultats mais le démarrage foudroyant de Vice-Versa 2, la continuité d’Un petit truc en plus et l’arrivée en grande pompe du Comte de Monte Cristo devraient mettre les voyants de la manifestation au vert, malgré la qualification de l’équipe de France de foot pour les huitièmes de finale de l’Euro, qui aurait tout de même pu perdre pour laisser le champ libre aux spectateurs.

Pour la défaite politique, on verra dimanche soir après les résultats du 1er tour des élections législatives. Il y aura évidemment des perdants et il faut espérer que la démocratie ne soit pas à la peine. Cela dit, le cinéma n’a pas toujours été à la fête non plus pendant cette campagne électorale éclair. Tout comme le reste de la culture, il a été évacué, débarqué, ignoré, remis dans le placard ou dans le tiroir, selon l’ameublement des partis.

La proposition de loi des sénateurs Sonia de La Provôté et Jérémy Bacchi et de l’ex-sénatrice Céline Boulay-Espéronnier, visant à “conforter la filière cinématographique en France” avait été adoptée au Sénat en première lecture le 14 février 2024. Comme il se doit, la proposition avait été transmise à l’Assemblée qui devait statuer d’une date pour entamer les discussions. Mais la Ministre de la culture Rachida Dati montait alors sur ses grands chevaux du holding de l’audiovisuel public en remettant le projet en selle, ce qui renvoya le rapport sénatorial en queue de peloton quand la dissolution présidentielle le balança aux pelotes et aux oubliettes.

Quelle que soit la nouvelle majorité à l’Assemblée, il y a peu de chance, voire aucune, que le nouveau gouvernement s’inquiète de sitôt de “conforter la filière cinématographique en France.” On en vient à se demander si le secteur culturel en général n’est pas ostensiblement écarté des programmes et des débats, en l’occurrence très bas, parce qu’après tout ce n’est que du divertissement et du spectacle, des trucs pour se changer la tête alors que les vrais problèmes sont ailleurs. C’est toujours agaçant. Ces dossiers sont plus importants que la remise en cause du droit du sol, qui n’a rien demandé à personne et qui est très bien là où il est.

La plateforme Brandwatch, qui ausculte les mouvements sur les réseaux sociaux, vient de publier une étude effectuée entre le 1er février 2023 et le 31 janvier 2024 : elle a analysé les “conversations” auprès d’un public anglais, allemand, espagnol et français autour des médias et du divertissement - 325 millions de posts au total (oui, nous sommes surveillés). L’expériencede la salle reste très largement plébiscitée et la demande est aussi importante pour organiser des événements liés au film. Le prix du ticket, trop élevé, est pointé du doigt, celui du pop-corn aussi, comme le comportement du public qui, de plus en plus, téléphone à sa grand-mère ou à la pizzeria du coin. L’étude rejoint, peu ou prou, celle du CNC sur le jeune public. Quelle que soit la façon de prendre le schmilblick, l’humeur est toujours la même : voir un film sur grand écran, oui ; inventer un événement dans les salles pour accueillir plus de public, oui ; ticket trop cher, oui. Pas besoin des députés pour faire avancer ces débats-là.