L’ORTF, le retour - l'édito d'Eric Libiot

5 juin 2024
Le rédacteur en chef d'Ecran total revient sur la principale actualité de la semaine écoulée et les enjeux de celle à venir.
L’ORTF, le retour - L'edito d'Eric Libiot (c) Pierre Abouchahla

Y'a un os dans la moulinette.

Il n’est pas besoin d’avoir une thèse en sciences politiques, un doctorat d’histoire des institutions et d’être ingénieur en droit législatif pour se rendre compte que la loi sur la holding audiovisuelle, voulue par le Président de la République et portée par la Ministre de la culture Rachida Dati, est mal partie. A tout le moins, elle accuse en ce moment un sérieux arrêt au stand. Et ce n’est pas forcément dû à la mobilisation tous azimuts des anti-holding.

Le sujet "pour ou contre la holding de l'audiovisuel" est trop important pour se contenter d’arguments qui n’en sont pas. Il faut un vrai et grand débat.

Bien sûr une pétition circule pour dire “Oui au pluralisme et à l'indépendance des médias audiovisuels publics, non à leur fusion !”, signée d’anonymes et de célébrités. Bien sûr les cadors du service public commencent à s’exprimer ici ou là, notamment Nicolas Demorand dans Télérama, tête d’affiche de la matinale de France Inter et habituellement assez peu bavard dans les médias, qui “redoute une uniformisation des programmes, une disparition de la pluralité des voix, des visages, des singularités des lignes éditoriales.” Rien que de très normal dans cette défense ; le débat est ouvert et chacun fourbit ses armes et ses arguments.

Sauf que du côté des défenseurs de la holding, ça ne fourbit pas beaucoup. Ils auraient même tendance à se tirer systématiquement des balles dans le pied – et un chargeur entier est en train d’y passer. Il n’est pas question ici de prendre position pour ou contre, ce n’est pas le sujet même si je me tiens d’un côté et pas de l’autre, mais je suis sidéré, pas d’autre mot, par le discours des tenants de la holding qui tourne en rond – si tant est qu’il tourne d’ailleurs. La discussion à l'Assemblée Nationale, pré- vue en mai, a été repoussée fin juin pour cause d’embouteillage. D’accord. Pourquoi pas. Il ne faut sans doute pas expédier les échanges des députés et donner du temps au temps. Elle devrait se tenir “au plus tard la semaine du 24 juin”, a indiqué à l'AFP, Fabienne Colboc, rapporteure Renaissance du texte. On verra bien. Mais la majorité présidentielle serait inspirée de ne pas tarder vu, et entendu surtout, ce que racontent les défenseurs du projet. On n’ose écrire les thuriféraires puisque ça encense assez peu tout de même. Et Rachida Dati ne fait rien pour hausser le niveau. Et tout pour l’abaisser.

Lors d’une intervention publique et officielle en marge du conseil des ministres le 31 mai, la Ministre de la culture affirmait regretter ce temps – en l’occurrence celui de l’ORTF – où le lendemain de la diffusion des Dossiers de l’écran, émission certes mythique, ouvriers et patron pouvaient se retrouver pour discuter du sujet de la veille. En sous-texte : la future holding du service public allait faire en sorte de revenir à cette époque bénie. Si, si. L’extrait est vérifiable sur Internet. Ça ferait rire si ce n’était pas si triste. Visiblement Rachida Dati ne croit pas plus à la holding qu’à sa première chemise. Ou n’a pas envie de la défendre. Ce qui revient au même. Son agenda politique est fixé sur la mairie de Paris et peut-être sent-elle que cette loi la desservirait pour les élections municipales vu l’ambiance générale.

Mais après tout, pourquoi ne pas mettre les cartes sur la table. Le sujet est trop important pour se contenter d’arguments qui n’en sont pas. Il faut un vrai et grand débat. Diffusé sur le service public à la radio et à la télé. Ou pourquoi pas sur un média privé. Mais il faudrait aussi que tout le monde soit à la hauteur. Y'a encore du boulot.