Et le gagnant est… - L'édito d'Eric Libiot

21 février 2024
Eric Libiot, rédacteur en chef d'Ecran total, livre son point de vue sur la semaine écoulée et sur les enjeux de celles à venir.
NICOLAS DE TAVERNOST TOP CHEF

Dans la catégorie meilleure surprise de la semaine, le vainqueur est sans conteste David Larramendy, futur patron, a priori en avril, du groupe M6. Mais il faut rendre à César ce qui appartient à Nicolas de Tavernost, l’actuel dirigeant et le grand ordonnateur de la chaîne, c’est bien lui, et quasiment lui seul, qui est à l’origine de la nomination de celui qui est actuellement le directeur général de M6 publicité. Tout s’est d’ailleurs fait si discrètement que la plupart des salariés de la maison n’ont rien entendu ni rien vu venir. Nouveau patron incognito en quelque sorte…

Cette nouvelle n’est pas la première à agiter le petit écran depuis le début de l’année. Le PAF a depuis toujours un incroyable talent pour alimenter les gazettes mais il faut bien reconnaître que la période est riche. TF1 a lancé sa nouvelle plateforme et sa matinale début janvier, France Télévisions s’active pour récupérer un public plus jeune, L’Arcom s’apprête à rediscuter des autorisations de certaines fréquences de la TNT et, surtout, s’est faite remarquer en demandant plus de pluralisme sur les antennes des chaînes ; tout le monde était visé mais CNews s’est sentie atteinte au cœur.

Et donc M6, dont on attendait pas forcément grand-chose cette année, s’est replacée sur le devant de la scène. On sait les dossiers déjà en bonne place sur le bureau du nouveau Top Chef du groupe : suivre de près la plateforme M6 + dont la présentation est prévue le 6 mars, redresser des audiences à la baisse, décider de l’avenir de Paris Première (lire aussi p. xx). Pour l’instant le groupe M6 n’est plus une maison à vendre - ni même un appartement d’ailleurs.

David Larramendy arrive auréolé d’une réussite incontestable à la pub, ce qui a permis au groupe de présenter des bons résultats financiers. La stratégie mise en place par Nicolas de Tavernost est tout de même singulière : cibler le plus finement possible le public d’émissions très éditorialisées pour satisfaire les annonceurs et moins se focaliser sur les audiences. Conséquence : les années se suivent et se ressemblent. Beaucoup d’émissions ont plus de dix ans dans les pattes. Sur M6, l’amour n’est pas dans le frais.

Cette stratégie plutôt gagnante, financièrement parlant, se heurte tout de même aux mouvements changeants de l’époque. Un public à ce point mis en cases bordées de toutes parts correspond, d’un (trop) rapide coup d’oeil, à un comportement de repli confortable en terre déjà connue et à un entre-nous rassurant. Ça marche pour des téléspectateurs pépères - et parfois mémères. Les plus âgés donc. Peu de scènes de ménages en perspective.

Mais si les jeunes, poursuivis à la trace par les chaines, fonctionnent, aux aussi, en communauté d’esprit, de jeux et de je, sur le digital notamment, ils ne s’arrêtent pas là. Ils ne s’arrêtent pas du tout en fait. Ils sont volatiles, d’humeur changeante et de désirs insaisissables. Lundi ils font la fête ici et le mardi ils sont déjà là-bas, à Pékin (Express) ou ailleurs. C’est à ce paradoxe que David Larramendy va être confronté, et sans doute avec lui les autres patrons de chaînes : saisir un public qui aime se retrouver en communauté autant qu’il désire en changer. Le cauchemar en cuisine des programmes a déjà commencé.