Esprit de l'ORTF, es-tu (encore) là ? - L'Edito de Michel Abouchahla

31 janvier 2024
Les déclarations d’une nouvelle ministre au cours des 100 premiers jours suivant sa nomination révèlent toujours sa personnalité et le rythme qu’elle fixe pour son action. Elle dévoile peu ou prou sa stratégie. Rachida Dati n’a pas dérogé à cette tradition.
EDITO MICHEL JANVIER 2024

Lundi soir (29 janvier), la ministre réunissait les acteurs de la culture au musée de la Porte Dorée (musée de l’Histoire de l’immigration). Le choix de ce lieu n’est pas un hasard dans le contexte général ; choix qu’elle a pris le temps de souligner en s’appuyant sur son parcours personnel. Au cours de cette rencontre, Rachida Dati a dessiné les contours de sa vision, et annoncé une action majeure chère au président de la République : le regroupement de l’audiovisuel public. Elle l’a exprimée avec circonvolution pour ne heurter frontalement personne. Mais le décryptage des professionnels présents ne fait aucun doute, comme nous l’avons souligné dans notre lettre quotidienne E.T. d’hier matin.

“La concurrence de services extra-européens de médias à la demande, la diminution de la durée d'écoute individuelle et le vieillissement de l’audience” nécessitent, selon la ministre, de les “accompagner [les médias, NDLR] dans les transformations” et de “conforter le rôle de notre audiovisuel public. Je partage avec le Président de la République la conviction que nous avons besoin d’un audiovisuel puissant. (…) Un audiovisuel public fort, c’est un audiovisuel public qui rassemble ses forces. C’est pourquoi je souhaite encourager et même accélérer les coopérations entre sociétés, pour aller plus loin dans la formulation d’une offre ambitieuse. (…) C’est aussi à cette condition que nous pourrons obtenir un financement pérenne dédié”.

Rappelons qu’en juin dernier, ce sujet avait fait l'objet de rapports et d’un débat à l’Assemblée nationale, pour maintenir finalement le financement de l’audiovisuel public grâce au prélèvement d’une fraction de la TVA, en omettant, semble-t-il, l’accord de Bruxelles. Cet oubli malheureux a ouvert une brèche dans laquelle s’est engouffré TF1. La première chaîne a déposé une plainte en septembre dernier (lire à ce sujet page 16 le commentaire de Julien Brunet, avocat du cabinet Spring Legal) portant sur la légalité de ce financement, allant jusqu’à réclamer le remboursement des montants versés.

Mais un audiovisuel fort nécessite des moyens (financiers) et des talents. Il est éclairant d’observer à cette occasion les résultats des entités publiques : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, Arte, TV5Monde et l’INA. Ils sont majoritairement positifs (on peut bien sûr toujours chipoter), mais force est de constater que la qualité des programmes est au rendez-vous (il suffit de regarder les succès d’audience de chaque entité publique, tous genres confondus).

Côté gestion, ces groupes ont pris depuis de nombreuses années des mesures pour mieux contrôler leurs coûts, provoquant parfois les inquiétudes des producteurs, et notamment des producteurs indépendants. La direction de France Télévisions va même prochainement entreprendre une réflexion pour faire des économies de 200 M€ à l’horizon 2028. Un projet qui ne pourra aboutir qu’avec l'accord des partenaires sociaux, invités à entamer un dialogue sur ce sujet.

Plutôt que de recréer un “ORTF 3.0”, ce chantier prioritaire mérite un renforcement de la création, qui fait, en aval, la force des entités de l’audiovisuel public.