Y aura-t-il de la trêve à Noël ? l'Edito d'Eric Libiot

6 décembre 2023
Eric Libiot, rédacteur en chef d'Ecran total, livre son point de vue sur la semaine écoulée et sur les enjeux de celles à venir.
Y aura-t-il de la trêve à Noël ?

Il est temps que la période des bûches arrive pour se reposer. Quelles mouches, puisqu’il y en a plusieurs, ont donc piqué le secteur pour que ça s’agite à ce point quand chacun devrait penser papier cadeau et boules à sapin ? Pas de répit pour les braves. Ici Canal + lance une plateforme aux Pays-bas, là les techniciens français de l’audiovisuel se mettent en grève pour demander une augmentation de salaire. Puis c’est au tour d’Anatomie d’une chute de faire un carton sur le marché international et d’engranger les prix avant une possible (probable ?) nomination aux Oscars quand, un peu plus loin, l’écart des audiences en novembre entre TF1 et France 2 se resserre.

Et encore… La fréquentation des cinémas en France sourit alors que Bob Iger, le patron de Disney, fait un vrai-faux mea culpa en reconnaissant une sur-production de suites peu goûtées par le public (Ante-Man 3, Indiana Jones 5). Toujours aux Etats-Unis, le documentaire de Beyoncé sur sa tournée cartonne en salles tandis qu’en Grande-Bretagne Banijay pourrait racheter le producteur et distributeur anglais All3media (1917 au cinéma, Fleabag en série). De son côté, Amazon lance son générateur d’images par IA, quand les scénaristes français de l’animation lèvent le crayon pour protester contre des producteurs qui refusent de payer leurs agents.

Et encore… Au moment où Love Actually fête ses vingt ans, Macaulay Culkin inaugure son étoile sur Hollywood Boulevard et Les trois Mousquetaires : Milady s’apprête à batailler sur grand écran. Sans oublier le voyage des membres de l’ARP à Bruxelles pour inciter les parlementaires européens à « confirmer leur attachement à la territorialité des droits », et le carton d’audience du numéro de Complément d’enquête sur Cyril Hanouna comme celui de la série Panda, le même soir, avec Julien Doré.

C’est tout et pas n’importe quoi. Mais pour un peu on prendrait une aspirine avant même que les libations du réveillon ne commencent. Ainsi vont les semaines quand mille infos tombent sur les téléscripteurs (image d’un autre siècle). Il faut choisir et hiérarchiser. Préférer l’annonce de Bob Iger au succès de Beyoncé. Délaisser Hanouna au profit de Canal +. Pointer la marche vers le tapis rouge d’Anatomie d’une chute et ignorer l’acteur qui a raté l’avion. Quelle est l’information la plus importante parmi toutes celles-là ? Et parmi celles qui n’existent pas encore mais qui vont surgir entre la poire (glacée) et le fromage (coulant) ? Y en a-t-il une d’ailleurs ?

Il faudrait donc faire le tri entre ce qui est structurel (une stratégie de groupe par exemple) et conjoncturel (D’Artagnan, Panda), et mettre en avant le premier plutôt que le second. Pas si sûr. Ce qui paraît n’être qu’un moment présent - un signal faible comme disent les savants - n’est pas moins important qu’une annonce aux conséquences multiples censée rayonner au quatre coins de la planète. Car ce qui semble s’esquisser ici, c’est une année 2024 de tous les enjeux. Comportement du public, ambition capitalistique, avancée technologique, fréquentation des lieux culturels, choix politiques, démarches artistiques… Il y a peu de moment comme aujourd’hui où tout se mêle sans qu’on sache encore la direction du vent. On peut estimer que la situation est aussi excitante qu’incertaine. Mais elle est remarquable. En attendant, il y a le sapin à décorer.