La 3e table ronde de la Journée Export d'Unifrance le 10 janvier à Paris avait pour titre "Agir ensemble pour renforcer la circulation des oeuvres à l’international". Modérée par Axel Scoffier, secrétaire général d’Unifrance, elle rassemblait des professionnels et institutionnels de la distribution du cinéma et de l'audiovisuel à l'international. Rodolphe Buet, patron de la branche distribution de Newen (Newen Connect) avait introduit le sujet.

Plusieurs intervenants ont souligné les évolutions du métier des distributeurs. De moins en moins simples vendeurs, ils sont très tôt des acteurs de "l'émergence des oeuvres" et les accompagnent tout au long de leur vie.

Non seulement par l'apport d'un minimum garanti au stade du financement de la production, en moyenne à hauteur de 10 % des budgets sur des films français mais parfois beaucoup plus pour des films internationaux, selon Grégoire Melin (Kynology, Président de l'Association des Exportateurs de Films ADEF, qui réunit les principaux distributeurs français à l'international) . Mais aussi dès l'étape du scénario, en évaluant le potentiel d'un scénario sur différents marchés, et en assurant le "service après vente" selon le terme d'Alice Lesort, directrice des ventes internationales des Films du Losange, et présidente d'Europa International, qui rassemble 49 distributeurs européens. Ce "SAV" nécessite par exemple de faire se déplacer les talents d'un film dans le monde et rend indispensable l'implication du distributeur dans la promotion, à tous les stades. "On doit avoir une réflexion holistique sur la vie d'un film" a renchéri Christine Eloy, Directrice générale du réseau européen de distributeurs indépendants, Europa Distribution

D'une communication sur les projets en BtoB, auprès des festivals, de distributeurs locaux, de diffuseurs, "on doit désormais prévoir une communication auprès du grand public (BtoC) " détaille Alice Lesort. C'est d'ailleurs la nouvelle orientation d'Unifrance, a expliqué Daniela Elster, dg d'Unifrance, à Ecran Total. De fait, le succès d'une première fenêtre de diffusion, en salle, dans un festival ou sur une plateforme, conditionne la vie ultérieure de l'oeuvre.

La promotion auprès du grand public est devenue clé pour les distributeurs

Pour Rodolphe Buet, dg de Newen Connect, 3 fois lauréat d'un Prix export en 2020, 2021 et 2022, pour Candice Renoir, HPI et Les Combattantes, "La promotion est désormais clé. Il est devenu impossible de faire circuler des oeuvres sans promotion" détaille t-il. Pour qu'un film ou programme rayonne à l'international et crée de la valeur, le distributeur s'implique de plus en plus dans son succès auprès du grand public. Newen Connect s'est investi financièrement dans le lancement de la série L"Opéra sur Orange en janvier 2023, a déclaré Rodolphe Buet.

Le cinéma s'est longtemps contenté de convaincre les distributeurs et les diffuseurs locaux pour vendre ses films. Ce n'est plus suffisant. La salle, qui représentait encore la majorité des revenus d'un film , est en perte de vitesse depuis la pandémie, avec des chutes d'entrées spectaculaires de 50 à 60 % en Italie et en Grèce, même si la situation est très différente selon les territoires. "Faire revenir le public en salles en communiquant directement auprès du grand public , est désormais une des missions des distributeurs" estime Christine Eloy, Directrice générale du réseau européen de distributeurs indépendants, Europa Distribution .

On constate "un allongement de la durée des ventes", note Alice Lesort. "Avant, si une avant-première à Cannes était un succès, on concluait les gros deals dans les jours qui suivaient. Ce n'est plus le cas". Certes, cela ne valait que pour des films sortant dans des festivals de classe A.

Le métiers des festivals demeure la mise en réseau et la découverte et promotion de talents, mais, à l'instar des plateformes de streaming, ils ont acquis une responsabilité et un rôle prescripteur auprès des créateurs de contenus selon Alexis Juncosa, président d'Europa Film Festivals qui réunit une douzaine de festivals européens.

Marguerite Hitier, Responsable du pôle des médias et du cinéma au Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, a expliqué comment le réseau de 67 salles dans le monde des Instituts ou Alliances françaises pouvait servir d'appui et de rampe de lancements pour des œuvres françaises à l'étranger.

Trop d'internationalisation et de circulation des mêmes œuvres dans les festivals pourrait à terme laisser moins de place pour la diversité, a averti Alexis Juncosa d'Europa Film Festivals, qui estime que l'internalisation a beaucoup progressé.

Tous les intervenants ont évoqué la nécessité d'une solidarité des acteurs français et européens pour renforcer la circulation des œuvres et mieux travailler en réseau.