L’un des phénomènes de l’année dans les salles américaines arrive en France. Everything Everywhere All At Once, qui sort ce mercredi 31 août, est une plongée haletante dans une multitude d’univers parallèles, où Evelyn Wang (Michelle Yeoh), simple gérante d’une laverie, va devoir affronter des forces obscures pour sauver le monde et ressouder les liens au sein de sa famille. 

Le film réalisé par le duo The Daniels (Daniel Kwan et Daniel Scheinert) a enchainé les records lors de sa sortie outre-Atlantique au printemps. Porté par d’excellentes critiques presse et un important bouche à oreille sur les réseaux sociaux, le film cumule presque 70 millions de dollars récoltés au box-office nord-américain. Il devient ainsi le plus gros succès de l’histoire du studio A24. De quoi intéresser les distributeurs français. Plusieurs étaient sur le coup, mais c’est finalement Originals Factory qui a remporté la mise.

Un choix qui a pu surprendre. Originals Factory, créé en 2019 par Tristan du Laz, ancien directeur général délégué de TF1 Studio, est un distributeur spécialisé dans les sorties en vidéo à la demande. Ses quelques sorties salles se résument pour l’instant à des séances événementielles. Everything Everywhere All At Once sera le premier titre que la société exploitera avec un visa d’exploitation classique.

“C’est un projet qu’on suivait depuis l’année dernière”, raconte Tristan du Laz. “Nous avons été intrigués par les premières images. On a décidé qu’on voulait le film dès qu’on a pu le voir, en début d’année avant Berlin. Nous nous sommes mis d’accord avec A24 en mars.”

Originals Factory n’était pas le seul distributeur sur le coup, et il a fallu convaincre A24. “Nous avions de la concurrence”, reconnaît-t-il. “A24 est très regardant sur la stratégie, la façon dont on veut sortir les films. C’est un challenge mais c’est très intéressant de sortir un film avec eux. Ils ne sont pas uniquement sur une logique financière mais ils réfléchissent vraiment à la valorisation de leurs contenus.”

“Une évidence” à le proposer en salles

Au début, le projet est - conformément au modèle d’Originals Factory - de sortir le film en VOD en proposant également quelques séances événementielles en salles. “Le démarrage américain et les remontées très fortes sur les réseaux sociaux nous ont fait changer de stratégie”, explique Tristan du Laz. “Les spectateurs disaient avoir vu le film de l’année, le film de leur vie, et racontaient l’avoir vu plusieurs fois.” Ainsi, Everything Everywhere est resté dans le top 10 du box office américaine plus d’une centaine de jours, y compris après sa sortie en Blu-Ray. “Le film est vraiment incroyable visuellement. Il y avait une espèce d’évidence” à le proposer en salles.

Le long métrage sortira sur 400 à 450 écrans, dont des formats premium comme l’Imax et le Dolby Atmos, aussi bien des multiplexes que des salles art et essai. “C’est un film qui intéresse à la fois le public des films Marvel et une clientèle plus cinéphile”, résume Tristan du Laz. “Les sources d’inspirations des réalisateurs vont de Matrix jusqu’à In The Mood For Love.”

C’est Pathé, à travers sa filiale Pathé Live, qui se chargera de la distribution salles. Les équipes spécialisées dans les sorties événementielles ont déjà travaillé avec Originals Factory sur le documentaire Elizabeth sorti à l’occasion du Jubilé et le 31 août sur The Princess, documentaire sur Lady Diana.

Pour promouvoir le film, Originals Factory privilégie une campagne marketing loin des schémas classiques. “Nous sommes essentiellement sur un marketing digital. Nos partenaires sur cette sortie sont Sens Critique et Konbini, avec qui nous allons déployer beaucoup de contenus éditoriaux”, détaille Tristan du Laz.

Avec cette sortie nationale, Everything Everywhere devra s’inscrire dans la chronologie des médias. “C’est vrai que c’est un paradoxe”, admet le PDG d’Originals Factory. Depuis sa création en 2019, la société développe un modèle alternatif de distribution. Comme le détaille Tristan du Laz ,”notre stratégie est d’abord d’exploiter les films en VOD premium autour de huit semaines, de profiter du marketing de cette première fenêtre, avant d’aller soit vers une exploitation en SVOD soit une diffusion en télévision payante.”

Ce modèle alternatif, déjà développé aux Etats-Unis avant la crise, a été accéléré par le Covid. “L’écosystème classique était complètement enrayé. Cela a favorisé notre démarche. Mais surtout, on a observé une accélération du secteur mondialement”, rappelle Tristan du Laz.

Le chrono des médias “en distorsion avec l’attente du public”

Il regrette qu’Everything Everywhere ne puisse pas arriver sur une plateforme de streaming avant 15 ou 17 mois. “Pour un public qui est foncièrement un public jeune, très digital, c’est vrai que c’est un peu incongru de se dire que le film ne pourra pas le toucher sur les services qui sont ses lieux de consommation aujourd’hui.”

Avant de poursuivre : “Tant qu’on va rester sur un écosystème qui est très protecteur du schéma traditionnel, ce qui est compréhensible, on va se retrouver en distorsion avec l’attente du public. On pourra pas l’être trop longtemps non plus car si on reste sur de tels délais on va forcément favoriser le pirataqge.”

“On cherche juste à répondre aux changements du marché et à construire pour chaque projet une solution qui a du sens”, résume-t-il. “Nous ne sommes pas du tout contre la salle. Je suis persuadé que la salle a toujours un avenir. Notre lecture des choses est de dire que la salle est un peu le vinyle du cinéma. Elle doit être un vrai lieu de divertissement premium et collectif. On est dans une hyper offre en termes de propositions culturelles. Pour faire venir les gens en salles, il faut créer un vrai désir.”
Everything Everywhere ne restera pas longtemps la seule exception au modèle d’Originals Factory. En février, la société sortira The Whale, prochain film de Darren Aronofsky, présenté en compétition au Festival de Venise. Une autre production A24. Pour cette nouvelle sortie classique, elle s'associe cette fois-ci distributeur indépendant ARP Sélection.