Et si c’etait à refaire ? Une analyse comparée du droit de Remake en France et aux Etats-Unis

27 mai 2022
Chronique juridique : Comment produire un remake en France et aux Etats-Unis ? Réponse en 15 points.
Remake Ripley

Le célèbre producteur, réalisateur et scénariste canadien Norman JEWISON a un jour posé le sujet en ces termes « I mean they’re making remakes of my films and I’m not even dead yet! Why would you want to make remake? ”. Aujourd’hui, les réponses à cette question légitime sont multiples, les plus pessimistes s’agaçant d’un manque d’idées patent dans l’actuelle industrie cinématographique, les plus optimistes s’enthousiasmant au contraire à l’idée de revisiter une idée géniale par un autre prisme culturel. Si l’on opte pour ce dernier élan – l’optimisme étant toujours la règle – rappelons que traditionnellement en droit d’auteur « les idées sont de libre parcours », avant d’aller encore plus loin pour affirmer que ces mêmes idées ne connaissent pas de frontières en matière cinématographique. Un film peut être vu aujourd’hui dans le monde entier, alors pourquoi ne pas miser sur l’originalité d’un point de vue, d’un angle à revisiter, d’enrichir un propos par un regard d’auteur différent ? Et si justement revisiter une œuvre nécessitait de se l’approprier au sens artistique du terme ? Le récent triomphe du film « Coda », remake du film français « La famille Bélier », auréolé de l’oscar 2022 du meilleur film, en est une nouvelle preuve parmi tant d’autres. Le premier remake daterait de 1918, il s’agit du film « The Squaw Man » réalisé par Cecil B. DEMILLE nouvelle adaptation du film du même titre, et du même réalisateur, datant de 1914. D’autres soutiennent que la trace du premier remake est encore plus lointaine et daterait de 1904, le film « The Great Train Robbery », écrit et réalisé par Edwin S. PORTER étant réadapté l’année d’après par Siegmund LUBIN. L’ambition de cet article n’est justement pas d’énumérer les nombreux remakes qui ont façonné, et qui façonnent toujours, l’Histoire du cinéma, de « Plein Soleil » au « Talentueux M. Ripley » en passant par « Les infiltrés », remake du film hongkongais « Infernal Affairs », mais plus modestement de rappeler le cadre juridique dans lequel un tel projet se construit. Le droit de remake, qui se distingue du droit de sequel, prequel et spin-off, fait souvent l’objet de négociations intenses lorsqu’il s’agit pour l’auteur de le céder – ou non – au producteur d’un film. La France et les Etats-Unis ont deux approches uniques sur le sujet. Explications.

CE QU’IL CONVIENT D’ENTENDRE PAR « DROIT DE REMAKE »

1. Une œuvre audiovisuelle, qu’il s’agisse d’un long-métrage, d’un téléfilm, d’une série télévisée ou même d’un documentaire de création est siège de droit d’auteur dès lors qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de leurs auteurs. L'article L. 113-7 du Code de la propriété intellectuelle considère de plus que les œuvres cinématographiques et audiovisuelles sont des œuvres de collaboration. Est dite œuvre de collaboration, aux termes de l'article L. 113-2 du Code de la propriété intellectuelle (CPI), " l'œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques ", ce qui signifie que ces dernières ont fait les choix artistiques relatifs à l'œuvre, ensemble. Dès lors, " sont présumés, sauf preuve contraire, coauteurs d'une œuvre audiovisuelle réalisée en collaboration : 1° l'auteur du scénario ; 2° l'auteur de l'adaptation ; 3° l'auteur du texte parlé ; 4° l'auteur des compositions musicales avec ou sans paroles spécialement réalisées pour l'œuvre ; 5° le réalisateur ". Chacun étant considéré comme coauteur de l'œuvre a ainsi des droits moraux et patrimoniaux d'auteur non seulement sur sa propre contribution, mais également sur l'ensemble de l'œuvre ainsi réalisée.

2. L’œuvre audiovisuelle étant ainsi protégée par le droit d’auteur, les titulaires des droits sur celle-ci bénéficient de prérogatives uniques comme le droit d’agir en contrefaçon de leurs droits si une œuvre successive en reprend les éléments originaux sans leur accord. Parmi les prérogatives des auteurs de l’œuvre première se trouve justement celle d’autoriser ou non toute nouvelle adaptation de leur création par un tiers, selon que ces mêmes auteurs ont cédé ou non leur droit de remake au producteur de l’œuvre d’origine. Le droit dit de remake, c’est-à-dire littéralement de « refaire », est donc un droit économique important en ce qu’il doit permettre à tout tiers de produire, réaliser, exploiter une nouvelle création originale adaptée d’un thème, d’une intrigue, de personnages, voire des mêmes dialogues d’une œuvre antérieure. 

3. Tout producteur désireux de faire réaliser un remake d’un film devra ainsi s’assurer au préalable de la chaîne de droits de l’œuvre première. En effet, le remake est avant toute chose une œuvre composite, c'est-à-dire une œuvre de l'esprit qui existe sous réserve des droits de l'auteur de l'œuvre préexistante. Par principe, toute adaptation ou transformation d'une œuvre, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit est illicite. C'est pourquoi, comme rappelé précédemment, le producteur prend le soin de recueillir le consentement des co-auteurs de l'œuvre cinématographique au moment de la signature des contrats qui permettront la mise en production et l'exploitation de l'œuvre première. Enfin, il convient également de préciser qu’en droit français « lorsque l’œuvre audiovisuelle est tirée d’une œuvre ou d’un scénario préexistant encore protégés, les auteurs de l’œuvre originaire sont assimilés aux auteurs de l’œuvre nouvelle » (art. L.113-7 du CPI)

4. Traduction, le producteur devra s’assurer que les auteurs de l’œuvre première ont bien cédé leurs droits au producteur de celle-ci auquel cas il conviendra de négocier avec celui-ci pour finalement envisager de produire ledit remake. Il faudra alors vérifier le contrat du ou des scénaristes, dialoguistes, ou encore du réalisateur/trice de l’œuvre audiovisuelle préexistante pour identifier s’ils ou elles détiennent encore le droit de remake. Il faudra prendre garde également à ne pas écarter l'auteur de l’œuvre (littéraire la plupart du temps tel un roman) dont le premier film serait l'adaptation. Le producteur, français comme international, en contrôlant la chaîne des droits, devra s'assurer que le producteur français s'est bien porté acquéreur des droits secondaires et dérivés en devenant cessionnaire auprès de chacun des co-auteurs. La vérification peut s'effectuer, pour les contrats d'auteur-scénariste et d'auteur-réalisateur, notamment en obtenant un extrait auprès des Registres du cinéma et de l'audiovisuel (RCA) et en réclamant une lettre de chacun des ayants droit confirmant, en tant que de besoin, son accord à la cession.

5. En droit américain, le droit de remake n’est pas plus défini dans le Copyright Act. Néanmoins, le remake est traditionnellement couvert par la notion d’œuvre dérivée (derivative work) de l’article 17 U.S.C. § 101 qui est « a work based upon one or more preexisting works, such as a translation, musical arrangement, dramatization, fictionalization, motion picture version, sound recording, art reproduction, abridgment, condensation, or any other form in which a work may be recast, transformed, or adapted. A work consisting of editorial revisions, annotations, elaborations, or other modifications which, as a whole, represent an original work of authorship, is a 'derivative work”. Par conséquent, on retrouve en droit américain, comme en droit français, le droit de remake dans la catégorie des droits dérivés qui elle-même est généralement comprise dans les contrats de cession dans la catégorie des droits ancillaires (ancillary rights). 

6. Toutefois, la grande différence avec le droit français se situe dans l’application d’un principe cardinal du droit d’auteur américain qui est celui du régime dit du « work made for hire » au titre duquel les auteurs engagés par un producteur cèdent automatiquement tous leurs droits sur leur création audit producteur. Pour cela, le producteur doit s’assurer que l’œuvre qu’il commande (par exemple le scénario) entre dans le cadre du contrat signé avec son auteur, et que l’œuvre appartient à l’une des catégories couvertes par la Section 101 du Copyright Act (title 17 of the U.S. Code) qui comprend notamment les œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Sous ce régime qui gouverne en pratique l’industrie cinématographique américaine, dès lors que le producteur justifie des deux critères précités, il est considéré comme auteur - et donc titulaire de tous les droits de propriété intellectuelle – de l’œuvre commandée. Ceci est impossible en droit français où l’auteur ne peut jamais être une société, cette dernière ne pouvant devenir titulaire que des seuls droits patrimoniaux de l’auteur lorsque ces droits lui ont été cédés, l’auteur conservant alors son droit moral. 

7. Néanmoins, comme en droit français, une négociation entre un auteur et un producteur interviendra sur le périmètre des droits dont le producteur deviendra titulaire, et le plus souvent ce périmètre ne couvre pas les droits dérivés de l’œuvre première. Aussi, comme pour la France, le producteur désireux de faire réaliser un remake d’une œuvre audiovisuelle préexistante devra vérifier en amont la chaîne des droits de celle-ci. Cela passe par une vérification des contrats d’auteur pour identifier si oui ou non le producteur de l’œuvre audiovisuelle première est titulaire ou non du droit de remake. Pour cela, il sera alors possible de se référer au registre du U.S Copyright Office pour rechercher si l’œuvre audiovisuelle première y a été enregistrée et consulter ainsi la chaîne de droits. En France, si aucun registre des œuvres originales n’existe, puisqu’en droit d’auteur français il n’y a pas besoin d’enregistrer une œuvre pour que celle-ci bénéficie de la protection au titre du droit d’auteur, cette œuvre étant protégée indépendamment de tout formalisme du moment qu’elle est originale, le producteur souhaitant faire réaliser un remake pourra se référer au RCA, registre public des inscriptions de contrats, pour vérifier la chaîne de droits de l’œuvre audiovisuelle première ou encore au registre des options pour identifier si une option a été inscrite sur un droit quelconque en lien avec l’œuvre audiovisuelle première.

COMMENT LE DROIT DE REMAKE EST-IL NEGOCIE DANS LES CONTRATS ?

Un contrat dans le contrat

8. Aussi, le remake doit s’analyser comme étant une adaptation parmi tant d’autres d’une œuvre première ce qui explique que le droit de remake soit généralement inclus dans les droits d'exploitation dérivée ou secondaire du film. Dans ces conditions, l'acquisition des droits par le producteur intervient donc en amont et porte notamment sur l'adaptation sous forme de remake en toutes langues et en tout genre. A titre d’exemple pourrait-on imaginer la cession d'un droit de remake d'une pièce de théâtre pour permettre la réalisation d'un film en live action (et inversement) qui en reprendrait tous les éléments (intrigue, personnages etc.). Le droit français posant le principe qu’aucun droit d’un auteur ne peut être utilisé et exploité sans son autorisation, la signature d’un contrat de cession de droit d’auteur est donc le passage obligé, même si le code de la propriété intellectuelle a tenté de faciliter la gestion administrative des producteurs en instaurant une présomption de cession, qui ne s’applique pas pour les droits de remake qui est un droit d‘adaptation et non un droit d’exploitation de l’œuvre première.

9. Le contrat de cession de droits d’auteur prévoira  d’abord, tous les modes d’exploitations de l’œuvre première, que l’on trouve souvent dans la rubrique Exploitations primaires et puis envisagera l’éventualité de nouvelles créations à partir de l’œuvre première, dont le remake, la cession de ce droit se situera dans cette partie-là du contrat. L’acquisition de ce droit de remake révèle ainsi l‘intention d’un producteur de rentabiliser son investissement pour l’acquisition des droits de l’auteur sur le scénario ou le film, outre l’exploitation la plus large de l’œuvre qu’il produit, la disposition du public, le producteur veut avoir la possibilité de donner une nouvelle vie à l’œuvre audiovisuelle par son adaptation sous forme de remake. De son côté, l’auteur et son agent, qui comprennent qu’il s’agit de céder au producteur, un droit  produire une nouvelle œuvre audiovisuelle (à la manière de l’auteur d’un livre qui cède à l’éditeur en même temps que son droit d’édition, le droit de faire du livre, une adaptation audiovisuelle), seront souvent réticents à céder au moment de la création de l’œuvre d‘origine, ce droit supplémentaire au Producteur. Malgré les forces contraires du producteur et de l’auteur et son agent, les contrats de cession de droits d’auteur qui se signent actuellement prévoit, presque systématiquement même, la cession du droit de remake.

10. Toutefois, alors qu’il est essentiel pour un producteur de disposer en toute sécurité du droit de remake, force est de constater que la rédaction de la clause de la cession est le plus souvent succincte voire indigente. En effet, l’aménagement contractuel du droit de remake s’articule classiquement autour de deux clauses, l’une qui se situe au sein de l’article qui énumère les droits cédés, souvent sous la rubrique « droits secondaires », qui est souvent rédigée comme suit : « Le droit de « remake », c’est-à-dire le droit de réaliser, de produire et d’exploiter par tous les modes et procédés visés aux présentes une ou plusieurs œuvres audiovisuelles constituant une adaptation du Film et reprenant tout ou partie des thèmes, situations, personnages, dialogues etc. du Film ». On retrouve ensuite le droit de remake dans l’article relatif à la rémunération en ces termes « en cas de production par le Producteur d’une adaptation (remake, suite, prequel et/ou spin off), l’Auteur percevra la même rémunération que celle qui est prévue aux articles 5.2.1.1 et 5.2.1.2 pour chacune des exploitations des Remake (sequel, prequel), spin off pour chaque mode d’exploitation définies à ces articles. Il sera également versée une rémunération forfaitaire à définir ultérieurement d’un commun accord et de bonne foi entre les Parties. En cas de cession par le Producteur des droits d’adaptation droit de remake, de suite et/ou de spin off à un tiers, l’Auteur percevra une rémunération définie ultérieurement d’un commun accord et de bonne foi entre les Parties et conforme aux usages du secteur. »

Et c’est tout ! 

Rien n’est précisé sur le type de remake envisagé : un remake en live action et/ou une expérience de réalité virtuelle et/ou un film d’animation, à partir d’un film de cinéma, une série, un docu fiction ?  Rien n’est précisé sur la durée de la cession des droits de remake, quant aux modes d’exploitation de ce remake. Pourtant, le principe selon lequel les auteurs de l’œuvre première sont les co-auteurs de l’œuvre seconde s’applique parfaitement au droit de remake, et l’exigence du droit d’auteur français quant à la fixation précise du périmètre de la cession, en ce qu’elle est protectrice de l’auteur doit se retrouver aussi dans cette clause sur le remake. Fort de ces remarques, on s’accorde à considérer que ces clauses de rémunération qui renvoie à plus tard à la « bonne foi des parties » la rémunération de la cession du droit de remake et surtout à son exploitation, dénie à cette cession toute effectivité. Une cession sans rémunération étant nulle, elle n’existe pas. 

11. En outre, lorsque l’auteur(e) refuse de céder son droit de remake dans le contrat de cession de droits de l’œuvre première, il ou elle acceptera toutefois d’accorder au producteur un droit de préférence qui l’obligera à proposer en premier audit producteur la possibilité d’acquérir le droit de remake aux fins de produire une nouvelle œuvre. De cette manière, grâce à ce droit de préférence, le producteur d’origine reste dans la course s’il accepte d’exercer le droit de remake, et si les parties arrivent à s’accorder sur un nouveau contrat. Ce droit de préférence peut être complété par un droit de préemption qui signifie que le producteur d’origine pourra s’aligner sur une offre de tous tiers. 

En conclusion, le Producteur pense qu’il dispose du droit de remake, l’auteur pense qu’il l’a cédé, alors qu’ils se situent chacun au milieu du gué. La question devient épineuse, voire douloureuse lorsqu’un tiers souhaite faire le remake. Malgré l’existence de sa clause qui l’investit du droit de remake, le producteur n’échappe pas à l’obligation de se rapprocher de l’auteur afin de négocier/ renégocier les conditions de la cession du droit de remake, par voie d’avenant. La qualification du droit de remake comme un droit d’adaptation à part entière, dont la cession doit être complète, précise et rémunérée dans les termes du code de la propriété intellectuelle, doit faire à notre sens l’objet d’un contrat à part entière au sein du contrat : « un contrat dans le contrat ». Qui dit contrat, dit négociation, recherche de l’intérêt commun de parties, anticipation des solutions, l’imagination juridique, c’est bien le moins que l’on puisse faire pour sécuriser l’économie du remake dont tous les acteurs de l’industrie audiovisuelle s’accordent à reconnaître une importance majeure.

Le droit moral et la rémunération des auteurs de l’œuvre première

12. Si la rigueur contractuelle exposée ci-dessus rendra paisible la production et l’exploitation d’un remake, qu’en est-il du respect du droit moral français des auteurs et/ou ayants-droits de l’œuvre première ? Ce droit moral est-il nécessairement un frein ? Lorsque les studios américains acquièrent le droit de remake d’un film français, ils exigent la signature de l’avenant évoqué plus haut qui prévoit également l’abandon du droit moral des auteurs de l’œuvre première.  Se pose ainsi la question de savoir si finalement le droit moral serait un obstacle à une exploitation sereine par ces studios américains des remakes de film français qu’ils produisent.

Le droit de moral c’est avant tout le droit de divulgation, le droit au respect de l’œuvre, et le droit de paternité. Le respect du droit de paternité ne parait pas être un obstacle. Au contraire, puisque celui qui achète les droits d‘un film qu’il a apprécié soit du fait de la justesse de son scénario, ou de son succès commercial en salles, veut pouvoir se prévaloir de sa notoriété, et mentionnera le nom de l’auteur d’origine. S’agissant du droit au respect de l’œuvre, nous rappellerons le principe de la liberté de création et de la liberté d’adapter dont la seule limite est la dénaturation de l’œuvre. Si un producteur américain acquière un droit de remake, c’est pour refaire sans dénaturer l’œuvre première, sinon à quoi bon acquérir des droits de remake. Reste alors le droit de divulgation, en d’autres mots le final cut qui ressort de l’article L.121.5 du CPI qui réserve le droit de divulgation d’une œuvre audiovisuelle au seul réalisateur en accord avec le producteur, la Cour d’Appel de Paris ayant considéré que cette hiérarchie dénie ce droit aux autres co-auteurs. Partant de cette interprétation, en droit français, les auteurs de l’œuvre première (scénariste et réalisateur) ne sont que des coauteurs du remake, aucun d’entre eux ne disposerait du final cut, qui en droit américain appartient au seul producteur.

13. Enfin, il conviendra de s’assurer, en France comme aux Etats-Unis, que les auteurs de l’œuvre première perçoivent une rémunération (royaltie) sur l’exploitation de l’œuvre audiovisuelle dérivée. A titre d’exemple, l’accord collectif de la Writers Guild of America (WGA) prévoit des montants de royalties minimums, que le producteur du remake devra en toute hypothèse respecter. Il n’y a pas d’équivalent en France, la négociation étant de gré à gré avec les auteurs et/ou leurs agents.

LES CATALOGUES DES STUDIOS : L’OPPORTUNITE DU REMAKE POUR FAIRE REVIVRE LES ŒUVRES DU PATRIMOINE FRANCAIS

14. Si l’opportunité de faire réaliser des remakes n’est plus à démontrer, il peut parfois s’avérer être difficile d’en initier la production tant la chaîne de droits s’en trouve incertaine, un ayant-droit ayant conservé son droit de remake et qui, par gourmandise ou par méfiance, refuse de le céder au producteur. En réalité, et si le terrain fertile aux remakes se trouvait sous vos yeux ? Aussi, nous profitons de la présente tribune pour questionner l’opportunité pour les principaux studios et/ou producteurs américains et français, dotés d’un riche catalogue de films, d’en faire un audit juridique précis pour envisager in fine de produire des remakes. En effet, nombreux sont les studios américains qui sont aujourd’hui cessionnaires des droits de remake de grands films classiques du répertoire français et qui pourraient être incités à faire revivre leurs catalogues par l’utilisation des droits de remake lorsqu’ils en sont cessionnaires des droits. 

A titre d’exemple, le seul studio Metro-Goldwyn-Mayer Inc. – récemment racheté par Amazon – a notamment pour filiale la société United Artists, qui est une société de distribution puis de production de cinéma fondée le 17 avril 1919 par quatre pionniers de Hollywood : Charlie CHAPLIN, Douglas FAIRBANKS, Mary PICKFORD et D.W. GRIFFITH. A partir des années 1950, United Artists commence à financer la production indépendante, et notamment française, via sa filiale connue sous le nom de Les Artistes associés. A ce propos, regarder le catalogue de Les Artistes Associés fait en soi rêver tant les œuvres qui le composent sont des incontournables de l’histoire du cinéma. On y retrouve des chefs-d’œuvre du répertoire français tel « L’homme de Rio » de Philippe DE BROCA, « le Voleur »  de Louis MALLE, « Un homme et une femme » de Claude LELOUCH ou encore des classiques du cinéma italien comme « La Notte » de ANTONIONI ou « Le Dernier Tango à Paris » de BERTOLUCCI. Et s’il était aujourd’hui possible de faire revivre ces films par des remakes audacieux ? Les puristes crieront au scandale, là où une vision plus optimiste parlera de véritable opportunité artistique.

Mais le propos dépasse le simple cadre du choix artistique tant l’opportunité de produire de tels remake est grande puisque facilitée par le fait que les studios disposent aujourd’hui de la chaîne de droits sous leurs yeux, dans leurs catalogues. La principale vigilance à avoir se trouvera alors dans le droit moral des auteurs français qui devra être respecté, c’est-à-dire que la dénaturation du premier classique sera surveillée de (très) près par les auteurs encore en vie de l’époque, ou leurs ayants-droits. 

15. Également, les cessions de catalogue font aujourd’hui partie intégrante du contexte audiovisuel où la concentration des groupes de médias est forte. La récente acquisition de MGM par Amazon en témoigne, ce qui laisse à supposer d’ailleurs que Amazon est aujourd’hui titulaire du catalogue précité de la filiale Les Artistes associés

Aussi, toujours au nom de l’exception culturelle française et de la sauvegarde du patrimoine audiovisuel français, le législateur a voulu conserver un droit de regard sur de telles cessions par une loi qui encadre la vente des catalogues de cinéma. En effet, la Loi sur la régulation et la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique qui a été publiée au journal officiel le 25 octobre 2021 met en place un mécanisme de préemption par l’Etat au titre duquel :

  • Lorsque les catalogues d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles seront cédés à une société étrangère, les œuvres qu'ils contiennent devront nécessairement rester accessibles au public français ;
  • Le ministère de la Culture devra être notifié d'une telle cession afin de veiller au respect de cette obligation par la société étrangère concernée ;
  • Le non-respect de cette obligation pourra entraîner une sanction pécuniaire dont le montant est proportionnel à la valeur des œuvres concernées.

Les cessions de films et de catalogues devront ainsi faire l’objet d’une notification du producteur au ministère de la culture qui s’assurera que le repreneur sera « en mesure (…) de rechercher [une] exploitation suivie des œuvres ». Une commission pourra s’opposer à la vente dans les six mois après la notification. Les décrets d’application sont très attendus pour lever les multiples interrogations laissées sans réponse par ce texte.

En conclusion, le patrimoine français cinématographique et audiovisuel pourrait aussi revivre par le prisme de remakes de certains de ses classiques dont plusieurs studios américains en sont aujourd’hui les titulaires de droits. Si un tel vivier de chefs-d’œuvre présents dans les catalogues laisse augurer de belles perspectives de remakes ambitieux à venir, dans cet esprit « Si c’était à refaire » de Claude LELOUCHE, film de 1976 avec Catherine DENEUVE et Anouk AIMEE, distribué par United Artists pourrait ouvrir la voie.

Julien BRUNET Karine RIAHI

A FAIREA NE PAS FAIRE
- Vérifier la chaîne des droits de l’œuvre première pour identifier le ou les auteur(e)s et/ou le ou les titulaire(s) du droit de remake sur le registre du cinéma et de l’audiovisuel (RCA) et auprès de l’US Copyright Office
- Demander copie des contrats de l’œuvre première auprès du RCA ou de l’US Copyright Office
- Lorsque les auteurs de l’œuvre sont décédés, identifier leurs ayants-droits auprès par exemple de la SACD ou du US Copyright Office
- Obtenir de chaque auteur, et/ou ayant-droit, la confirmation par écrit de son accord à la cession
- Faire signer un nouvel accord au titulaire du droit de remake permettant la disposition du droit de remake
- Vérifier la durée des droits de l’œuvre premièreVérifier si le producteur de l’œuvre première bénéficie ou non d’un droit de priorité et de préemption sur le droit de remake
- S’assurer que le contrat de cession de droits réserve une rémunération aux auteurs de l’œuvre première pour l’exploitation du droit de remake
- Produire un remake sans l’accord de l’ensemble des auteurs et/ou ayants-droits de l’œuvre première
- Produire un remake avec une chaîne de droit incomplète, par exemple s’il manque l’accord ne serait-ce que d’un seul auteur et/ou ayant-droit
- Dénaturer l’œuvre première en portant atteinte au droit moral des auteurs de l’œuvre première
- Oublier de mentionner le nom des auteurs au générique de l’œuvre seconde
- Ne pas rémunérer les auteurs de l’œuvre première
- Outrepasser le droit de priorité et de préemption du producteur de l’œuvre première
- Pour un remake d’une œuvre française, considérer que le seul interlocuteur s’agissant du droit de remake est la société de production de l’œuvre première française, il convient le plus souvent de contacter les auteurs et/ou leurs ayants-droits
- Pour un remake d'une œuvre américaine, considérer que les seuls interlocuteurs s’agissant du droit de remake sont les auteurs, il convient le plus souvent de contacter la société de production américaine
RECAP DE CE QU’IL FAUT ET NE FAUT PAS FAIRE EN MATIERE DE NEGOCIATION DE DROITS DE REMAKE