Enquête Parité et Inclusion (Partie 1) : Où en est-on ?

17 mars 2022
Depuis octobre 2017, où le mouvement #MeToo a pris une ampleur sans précédent, jamais les questions de parités, de diversité et d’inclusion n’ont autant été au centre des débats et des enjeux de la création cinématographique et audiovisuelle. La parole s’est libérée. Des collectifs, mouvements et associations se sont créés. Des chartes inclusives ont été signées. Et des progrès sont peu à peu apparus.
Les Olympiades

L’affaire Weinstein a eu l’effet d’un séisme qui a changé le monde à jamais. Depuis l’automne 2017, partout sur la planète, les femmes ont fait savoir qu’elles n’étaient plus disposées à tolérer l’intolérable et qu’elles allaient récupérer la place qui leur revenait de droit. De nombreuses études statistiques ont alors démontré à quel point la société patriarcal avait « invisibilisé » la gente féminine dans toutes les industries. Celle du cinéma n’y a pas échappé. Non seulement dans les histoires mise en avant dans les films et les séries, mais aussi dans tous les corps de métier : production, réalisation, écriture, technique, exploitation… Désormais, plus rien ne sera jamais plus comme avant. « Ce qui a clairement changé, c’est la libération de la parole médiatique, s’enthousiasme Quentin Delcourt, cofondateur du Festival Pluriel.les. Dès que les médias ont mis en avant la cause des femmes, même si c’était par opportunisme, cela a permit à la peur de changer de camp. Les initiatives qui étaient auparavant muettes sont maintenant criées partout. Certaines réalisatrices ont su saisir cette opportunité pour raconter leurs histoires. Ce qui a donné de l’espoir aux autres. L’instauration de quotas ne plait pas à tout le monde mais il faut savoir être opportuniste. Si beaucoup d’efforts ont été fait pour la parité, il reste un travail important à réaliser pour l’égalité des chances en fonction que l’on soit blanc, noir ou asiatique. Je constate que si davantage de femmes sont de plus en plus portées sur la réalisation ou la production, la majorité d’entre elles reste blanches ». 

Une nouvelle génération engagée

Si la parité et l’inclusion sont devenues des combats majeurs pour l’industrie, certaines cinéastes en ont fait leur fer de lance bien avant que l’affaire Weinstein n’éclate. C’est notamment le cas de la productrice et réalisatrice Marie-Castille Mention Schaar, membre du jury de la compétition internationale du Festival Pluriel.les : « ce n’était ni anodin ni évident de produire un film comme La Première Étoile de Lucien-Jean Baptiste en 2008. J’ai toujours pensé mes histoires, comme mes équipes et mes castings, pour qu’elles soient le plus inclusif possible. C’est une responsabilité que nous avons tous de réfléchir au monde qui nous entoure, de donner confiance à tous les talents, quels que soient leurs origines sociales ou ethniques. Devant comme derrière la caméra ». Révélée par son premier long métrage Les Chatouilles qui abordait frontalement la thématique des violences sexuelles sur mineures, la réalisatrice Andréa Bescond, présidente du jury Émergence du Festival Pluriel.les, s’inscrit pleinement dans cette nouvelle génération de cinéastes engagés qui porte un cinéma social et inclusif. Son second long métrage, Quand tu sera grand, à nouveau coréalisé avec Éric Métayer et actuellement en postproduction, sera une plongée dans le quotidien d’un EHPAD et l’impact positif que peut avoir le mélange des générations, tout en abordant la condition des soignants et des anciens à l’ère post Covid. « Ce sera un film doté d’une forte chaleur humaine, qui réfléchi sur notre époque et qui défend concrètement l’inclusion. Nous souhaitions filmer des couleurs et des genres différents mais sans que cela ne soit le sujet du film. Le cinéma doit montrer l’exemple pour amener la société à changer de regard. Nous avons une forte influence pour impacter les consciences. C’est excitant de pouvoir participer à cette ouverture d’esprit et cette prise de conscience autour des violences sexuelles ou conjugales comme l’ont fait des films tels que Jusqu’à la garde, Un amour impossible ou Slalom ». Il est vrai que ce sont avant tout les auteurs qui détiennent la clé pour sensibiliser le public à toutes ces notions par la force et l’émotion de leurs histoires. Récemment, une œuvre inclusive aussi délicate et gracieuse que Les Olympiades, de Jacques Audiard, qui suit les chassés croisés sentimentaux et sexuels de quatre trentenaires dans le quartier moderne et multi-ethnique du XIIIè arrondissement parisien, ne vaut-elle pas tous les discours prônant la diversité ? 

Un collectif fondateur

Depuis quatre ans, l’industrie a souhaité engager de profondes réflexions afin d’amener d’avantage d’inclusion, aussi bien dans les histoires racontées sur les écrans que dans les équipes techniques, les institutions et les entreprises. C’est ainsi qu’est né, en février 2018, le collectif 50-50, qui a pour mission de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que la diversité sexuelle, raciale et de genre dans le cinéma et l’audiovisuel. À sa création, l’association rassemblait 300 professionnels, dont Jacques Audiard, Céline Sciamma et Rebecca Zlotowski. Elle en compte désormais plus de 1 500. 

Dès ses débuts, le collectif a initié une charte pour la parité et la diversité dans les festivals de cinéma. Tous les signataires se sont engagés à fournir des statistiques genrées, en particulier sur le nombre de films soumis à leur sélection, mais aussi de publier la liste des membres de leurs comités de sélection. Sans oublier de s'engager sur une transformation de leurs instances dirigeantes pour parvenir à une parfaite parité. Thierry Frémaux (Festival de Cannes), Paolo Moretti (Quinzaine des Réalisateurs) et Charles Tesson (Semaine de la Critique) ont été les premiers signataires de la charte en mai 2018. Depuis décembre 2020, ce sont 156 festivals qui se sont engagés dont ceux de Locarno, Berlin, Venise et Annecy. 

La Charte pour l’inclusion dans le cinéma et l’audiovisuel a aussi été proposée aux associations et syndicats de directeurs de casting, réalisateurs, agents d’artistes, scénaristes et producteurs. Les signataires se sont engagés à favoriser la diversité de la société française à tous les stades de la production cinématographique et audiovisuelle. 

A aussi été élaborée la Charte pour la parité et la diversité dans les sociétés d'édition-distribution de films et d'exploitation cinématographique qui a incité les entreprises à promouvoir la parité et la diversité au sein de leurs équipes. 

De telles initiatives se sont poursuivies jusqu’à encore récemment. Le mercredi 9 mars 2022, la Ministre de la Culture, Roselyne Bachelot-Narquin, la Ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, Elisabeth Moreno, l’association PFDM (Pour les femmes dans les médias) et 47 représentants de médias ont signé la charte « Parité mode d’emploi » qui a pour vocation de proposer des idées pragmatiques afin de tendre rapidement vers une plus grande parité femmes-hommes dans les médias.