La fréquentation de la reprise passée au crible

21 septembre 2021
Une étude de Comscore intitulée “Reprise de la fréquentation cinématographique en France en 2021” analyse les chiffres de la reprise jusqu’à la fin de l’été. Décryptage avec Eric Marty, General Manager France.

L’étude de Comscore constate tout d’abord une mobilisation quasi-générale des cinémas à la réouverture, dès la semaine du 19 mai. Par rapport à la reprise du 22 juin 2020, où les salles étaient un peu moins de 1200 à reprendre leur activité, celle de mai 2021 a mobilisé quelque 1300 cinémas, pour atteindre les 1450 au cours de la cinquième semaine. Jusqu’au 24 août, la fréquentation a totalisé 35,6 millions d’entrées, soit un niveau très comparable à 2018 sur la même période (40,9 millions) et pas si éloignée que celui de 2019 (49,5 millions).

L’étude isole trois période. Tout d’abord, celle du 19 mai au 29 juin, avec une reprise encourageante pour un total de 11,6 millions de spectateur. Ensuite, un “retour à la normale” pendant 3 semaines, du 30 juin au 20 juillet, suite à l’abandon des restrictions de jauge et d’horaire, et avec une Fête du Cinéma à 3,6 millions d’entrées, pour un total de 11,4 millions d’entrées. Enfin, le “double impact” du passe sanitaire. Avec 280000 entrées sur la journée, la fréquentation du mercredi 21 juillet accuse un recul de 
57,4% par rapport à la veille et de 69,3% par rapport au mercredi précédent.

Sur la semaine du 21 au 27 juillet, la chute est de 41,5% par rapport à la semaine précédente. Après un regain de fréquentation de 9,8% la semaine suivante, l’étude souligne une inflexion très nette la semaine du 4 au 10 août, avec fort ralentissement le lundi 9 août dû à la modification des règles sanitaires et notamment la fin de la dispense pour des jauges inférieures à 50 spectateurs. Le lundi affiche ainsi un recul de 4,3% et le mardi de 28,8% par rapport à la même journée de la semaine précédente. 
Ce ralentissement se poursuit au cours de la semaine du 9 août avec un recul de 17,7% au terme de la semaine. La fréquentation retrouve enfin une dynamique positive au cours de la semaine du 18 août : +23,1%. Du 21 juillet au 24 août la fréquentation totale est de 12,6 millions d’entrées. Le décrochage avec les années pré-covid est très net : sur les cinq semaines équivalentes, la 
fréquentation était de 19,8 millions d’entrées en 2019 et de 17,2 millions en 2018.

Une dynamique enrayée

Eric Marty, General Manager France chez Comscore, ajoute : “Quand on passe au-dessus des 3,5 millions par semaine, comme c’est arrivé pendant la Fête du Cinéma, on constate un effet d’entrainement, une dynamique, qui fait que chaque semaine, on gagne un peu plus d’entrées. C’était le cas début juillet. Cette tendance a été enrayée avec le passe sanitaire. Et rien ne nous dit qu’on aurait pas fait encore plus. On ne peut toutefois pas le calculer, mais on sait que ça impacte les semaines suivantes.”

Une chose est sûre, la chute de la fréquentation constatée dès le 21 juillet et le ralentissement net qui suit au cours des cinq semaines suivantes confirme la notion de “perte de fréquentation” consécutive à des facteurs extérieurs au marché cinématographique. Une perte que Comscore estime entre 4,3 et 6,3 millions d’entrées sur ces cinq semaines, avec une estimation plus fine entre 5,2 et 6 millions d’entrées. En allant jusqu’au 31 août, la perte est estimée entre 5,5 et 6,7 millions, quand la FNCF l’a évalué à 7 millions.

En observant la fréquentation par grandes régions, on constate des disparités nettes. Ainsi, Lyon, la banlieue parisienne et la région Nord ont connu une évolution très proche de la moyenne française, les deux dernières ayant eu une évolution plus irrégulière. En revanche, Paris, Marseille et Strasbourg ont été assez nettement en dessous. “Il y a peut-être une combinaison d’effets. Certaines typologies de films donnent des résultats différents selon les régions. Les films français fonctionnent généralement beaucoup mieux à Bordeaux qu’en Alsace. Ça peut être un élément d’explication. Quant à Paris, avec l’offre riche qu’il y avait, peut-être que les manifestations contre le passe sanitaire ont joué en défaveur des salles.”

Plus d’écrans, moins de performance

En observant la fréquentation en termes de nombre d’écran par établissement, Comscore relève que les cinémas de moins de 5 écrans ont un indicateur nettement supérieur à l’indicateur global France (à l’exception des trois semaines du 30 juin au 20 juillet). Les cinémas de 5 à 10 écrans ont une performance très proche ou légèrement supérieure à la performance moyenne du marché français. Quant aux établissements de plus de 10 écrans, ils sont systématiquement en dessous de la performance moyenne.
“Cette dernière catégorie a besoin de blockbusters, de très gros films, et elle en a eu. Elle a commencé à remonter automatiquement à partir du 30 juin [lorsque les gros titres américains ont commencé à se faire plus nombreux, NDLR]. En revanche, il s’agit de cinémas où l’on va souvent en groupe. Et dès qu’un membre du groupe risque de ne pas rentrer, en l’occurrence à cause du passe sanitaire, alors on n’y va pas. A la moindre incertitude, surtout quand le cinéma est en périphérie d’une grande ville, on ne pas prend prendre la voiture pour se casser le nez. Ce n’est pas le cas pour les cinémas de centre-ville. Les gens y vont plus souvent à deux et peuvent passer devant pour s’informer des mesures en vigueur.”

L’autre point soulevé par l’étude de Comscore est le bon comportement des salles art et essai sur la période. Les cinémas classés ont un indice de reprise assez nettement supérieur à la moyenne française (sauf au cours des 3 semaines du 30 juin au 20 juillet, et celle du 11 août) ; une particularité qui confirme celle déjà observée en 2020. “On avais déjà identifie la période d’été comme non exploitée pour les films d’auteurs, maintenant on l’a quantifiée. C’était le cas en 2020 et c’est à nouveau le cas en 2021, malgré, à la différence de l’an dernier, la présence de grosses machines françaises et de blockbusters. Il y a un public pour l’art et essai l’été, on en a maintenant la preuve. Après, certes, on ne va pas orchestrer ces sorties estivale de la même manière, il faut proposer des campagnes différentes et travailler main dans la main avec les distributeurs.”