Christophe Barratier : « Récompenser Philippe Sarde, c’est récompenser une certaine idée du cinéma »

23 juin 2021
Véritable célébration du cinéma et de la musique, le Festival de la Baule sera l’une des premières grandes manifestations culturelles de l’été. Il se déroulera du 23 au 27 juin. Son coprésident et cofondateur, le réalisateur Christophe Barratier, évoque son admiration pour Philippe Sarde, à qui un hommage sera rendu, et revient sur l’évolution du festival et ses perspectives d’avenir.

Le festival de La Baule s’apprête à vivre sa 7ème édition. Comment jugez-vous son évolution au fil des années ?

À l’origine, le principal écueil que l’on pouvait nous adresser était que notre festival se déroulait à la Toussaint. Ce qui induisait un manque de glamour et de brillance. Comme de nombreux autres festivals indépendants, nous avions aussi un problème d’accès aux films. En élargissant notre équipe à des acteurs de la distribution, nous avons désormais une programmation plus étoffée. Nous nous inspirons beaucoup du Festival d’Angoulême qui est devenu un incontournable pour la profession en quelques éditions.

Vous allez honorer Philippe Sarde. Selon vous, que représente un tel compositeur pour le cinéma français ?

J’étais enfant lorsque j’ai découvert César et Rosalie, de Claude Sautet. J’étais trop jeune pour cerner la subtilité du sujet mais j’étais déjà saisi par la musique. Récompenser Philippe Sarde ce n’est pas seulement récompenser un grand compositeur, c’est récompenser une certaine idée du cinéma. Il compose des grands thèmes mais peut aussi partir dans des abstractions totales comme dans La Guerre du Feu, de Jean-Jacques Annaud, où il use d’une instrumentation inhabituelle et très élaborée. C’est un scénariste et un metteur en scène musical. Il travaille avec les cinéastes et non pas pour eux.

Francis Lai, Michel Legrand, Gabriel Yared, Vladimir Cosma, Éric Serra… Vous avez déjà récompensé la crème de la crème des compositeurs français mais vous parvenez toujours à honorer des personnalités de qualité. Preuve de la richesse du vivier musical français ?

Les compositeurs français cumulent tout de même sept Oscars sur les dernières décennies. C’est dire si nous sommes un pays de musique de films. Nous avons effectivement accueilli de nombreux compositeurs phares mais il nous reste encore de grandes personnalités à recevoir comme Alexandre Desplat, Bruno Coulais, Philippe Rombi, Jean-Claude Petit ou Éric Demarsan. Et la nouvelle génération s’avère également très prometteuse. Depuis dix ans, le conservatoire de Paris dispose d’une classe de musique à l’image. Nous inviterons une délégation de ces étudiants afin de mettre en lumière ces grands artistes en devenir.

Quelles sont les grandes satisfactions et les perspectives d’avenir de votre manifestation ?

Je suis fier d’avoir contribuer à faire venir ces jeunes compositeurs. Tout comme le fait d’avoir varier et ajouter des prix. La programmation est également plus large et plus événementielle. On s’ancre toujours davantage à La Baule en ouvrant notre équipe à de nouveaux venus qui sont de la région. On s’enrichit de leur savoir faire. Ce qui accroit notre légitimité. Je tiens à ce que l’on reste un festival convivial et accessible. Il est aussi probable que nous conservions nos dates en été même si j’aimais la période de la Toussaint car on occupait une place où il y avait peu de manifestations. Mais aujourd’hui, nous avons besoin de couleur et de lumière.

Envisagez-vous de mettre en place une partie professionnelle, comme un marché ?

Nous avons encore des choses à prouver artistiquement mais si un marché devait se créer alors il se créera naturellement par la notoriété du festival. Nous accueillons de jeunes compositeurs, des professionnels et des groupes comme France Télévisions ou Canal+. Ils se rencontrent tous et cela crée naturellement une sorte de marché à travers des conversations et des échanges autour de projets. 

Le groupe Pathé et Chapter 2 ont délibérément daté votre dernier film Envole moi pour la reprise. C’était nécessaire pour vous de contribuer à faire revenir le public en salles ?

C’est un film sans prétention, doux, léger et qui n’avait pas besoin d’une promotion trop lourde comme un film historique qui aurait eu besoin d’être travaillé plus en profondeur. Notre volonté était de rester fidèle à la salle alors que des plateformes nous ont fait des offres. Les équipes de Pathé ont pensé qu’il y avait quelque chose de rafraichissant dans cette jeunesse, cette histoire d’amitié et ce titre qui est un appel au voyage et à l’évasion. Nous avons prit les risques que cela comportait mais ça en valait la peine car c’est un film qui n’a pas coûté très cher et sur lequel nous n’avions pas besoin d’un retour sur investissement considérable pour l’amortir.

Il est difficile d’identifier une ligne éditoriale claire dans votre filmographie. Vous passez allégrement de deux films musicaux, Les Choristes puis Faubourg 36, à un film sur l’enfance, La Nouvelle Guerre des Boutons, puis à un thriller financier, L’outsider, avant de revenir à une comédie adolescente, Envole moi. Qu’est ce qui vous guide finalement ?

Sur le fond, je pense que mes thèmes de prédilection restent l’enfance et la difficulté d’être un adulte. Les Choristes et La Nouvelle Guerre des Boutons abordent la nostalgie de l’enfance. L’outsider parle d’un jeune homme immature qui se heurte à la violence du monde financier. Et Envole Moi parle de la nécessité et de la difficulté de grandir.

On vous a parfois reproché de faire l’éloge du passé. Comment réagissez vous face à tant de cynisme ?

Je ne suis pas nostalgique du passé mais j’aime l’histoire avec un grand H. Comment pourrai je affirmer que les années 40 étaient mieux qu’aujourd’hui ? Mais, d’un point de vue historique, c’est une période pleine de conflits, qui recèlent d’enjeux dramatiques très forts. Quoi de plus cinématographique ?

Et qu’en est-il de votre prochain long métrage, Le Temps des Secrets ?

C’est une adaptation du 3ème volume de la trilogie que Marcel Pagnol a consacré à son enfance après La Gloire de mon père puis Le Château de ma mère. C’est un récit qui explore la période où Pagnol entre au collège et découvre que les adultes ont aussi leur secret et leur part d’ombre. Le film a été tourné entre août et octobre dernier. Le budget est d’environ 7 millions d’euros. Nous avons déjà enregistré la musique et terminons actuellement le mixage ainsi que les effets spéciaux. Le film sera prêt en septembre et sortira en mars.