4 questions à Cédric Klapisch

16 mars 2020
"la démocratisation des moyens techniques permet de réaliser plus facilement des courts métrages".

 

Après avoir présidé le jury du Nikon Film Festival et vu les 50 très courts métrages en compétition, quel est votre sentiment vis à vis du renouvellement des talents français ?

 

Je suis totalement opposé à des personnalités comme Éric Neuhoff qui pensent que la création française est en berne. Quand je vois le talent, la qualité et la créativité dont ces jeunes réalisateurs font preuve, on ne peut être qu’enthousiaste et rassuré. On voit qu’ils ont de nouvelles choses à dire sur les problématiques qui touchent leur génération, notamment l’écologie, l’hyper-connectivité ou le renouvellement des normes sociétales.

 

L’inconvénient du court métrage, c’est qu’il ne dispose pas de moyens de diffusion suffisants pour engendrer des remontées de recettes qui permettraient de mettre en place un modèle de production vertueux.

 

Ce débat existait déjà quand j’ai commencé à faire mes courts métrages dans les années 80. A la différence que l’on bénéficie d’une plus grande visibilité aujourd’hui qu’à mon époque alors qu’il y a de moins en moins de créneau de diffusion pour les courts métrages. Aussi bien sur les chaines de télévision que dans les salles de cinéma. Même si France TV et Canal + demeurent ouverts à ce format. Ce qui favorise la diffusion du court métrage, c’est bien sûr l’essor d’internet ainsi que la multiplication des festivals. Aujourd’hui, presque chaque commune possède sa propre manifestation. Cela ne résout pas la problématique financière qui reste complexe mais la démocratisation des moyens techniques permet de réaliser plus facilement des courts métrages.

 

Ne pensez vous pas qu’il est aujourd’hui plus difficile pour un apprenti cinéaste de se faire remarquer dans ce flux continu de production ?

 

De nos jours, l’audiovisuel est pour ainsi dire au même niveau que la littérature. Tout le monde peut écrire un roman. Il suffit d’avoir du papier et un stylo. Et tout le monde peut faire un film. Il suffit d’avoir un iPhone. Pour autant, tout le monde ne peut pas devenir romancier ou cinéaste. Certes, plus de gens ont accès à l’outil technique du cinéma mais cela n’empêche pas de remarquer le film un peu particulier et qui se démarquera des autres. Et cela malgré la multitude d’œuvres qui sont tournées. Même s’il y a des paramètres arbitraires où des œuvres peuvent être reconnues dans un festival et pas dans un autre. Pour autant, un film singulier sera nécessairement identifié. Notamment grâce à l’attention que prête la filière à ce format pour y découvrir de nouvelles personnalités.

 

Et enfin, compte tenu des mesures prises par le gouvernement suite à la pandémie que nous vivons, que redoutez-vous le plus pour notre industrie ?

 

La Chine et l’Italie ont prit des mesures drastiques avec un peu d’avance sur nous. On va bientôt savoir si ces décisions ont vraiment un impact ou non. Pour l’instant, on avance à l’aveugle. Au delà des report de sorties et de la fermeture des salles, il y a aussi l’arrêt des productions et les reports de tournage qui m’inquiètent. Aussi bien en terme de séries que de long métrage ou de publicité. Les assurances refusent de s’engager. De fait, les productions ne peuvent lancer leurs tournages sans être assurées.

 

Propos recueillis par Nicolas Colle