Retour à l’envoyeur - l'édito d'Eric Libiot

23 avril 2025
Le rédacteur en chef d'Ecran total revient sur les principaux faits de la semaine écoulée et les enjeux de celle à venir.

L'annonce fait sourire. Lundi 21 avril, l’Académie des Oscars a tapé du poing sur la table en exigeant que ses membres regardent désormais “tous les films nommés dans chaque catégorie pour pouvoir voter lors du tour final.” C’est effectivement une bonne idée. Jusqu’à présent il suffisait de déclarer sur l’honneur avoir tout vu jusqu’au bout du fin fond du générique pour donner ses choix. On devine par défaut que cette déclaration était aussi efficace qu’une balle tirée dans le bouclier de Captain America. Il y avait donc des petits malins qui votaient, sans l’avoir vu, pour le film réalisé par le cousin de la mère de leur belle-sœur, produit par le petit- fils de leur fleuriste ou dans lequel jouait, en douzième rôle, leur amie d’enfance et amour déçu. C’est scandaleux. Cette fois, les membres de l’Académie pourront continuer à faire la même chose mais en ayant vu le film… Ou, plus exactement, en l’ayant fait défiler sur leur écran pendant la sieste ou la préparation du barbecue. Ça ne change pas grand-chose, sauf pour les plus honnêtes qui vont respecter cette obligation, mais ça va mieux en le disant. L’Académie des César pourrait d’ailleurs reproduire ce modèle bien que je ne sache pas que le cinéma français fasse dans le copinage ou le favoritisme déplacé. Ça se saurait tout de même.

L’annonce fait frémir. Dans un courrier récent adressé à la Directors Guild of America (DGA), leurs quasi homologues français, membres de la Société des réalisatrices et réalisateurs de films (SRF) et de la Société civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs (ARP), se sont étonnés d’une lettre adressée au “Représentant au commerce des États- Unis” dans laquelle, pour résumer, la DGA se plaignait de l’exception culturelle française par trop contraignante à ses yeux et de “pratiques commerciales déloyales”, qui fragilisait la production américaine. On n’y avait pas pensé : si les super-héros américains ont du plomb dans l’aile, c’est la faute de Didier Bourdon.

Si Hollywood verse assez sensiblement du côté des Démocrates, le poids des lobbys n’est jamais à sous-estimer.

Cette offensive est arrivée plus vite que prévu. Si Hollywood verse assez sensiblement du côté des Démocrates, le poids des lobbys n’est jamais à sous- estimer. Donald Trump a toujours déclaré vouloir s’en prendre au secteur du cinéma qu’il voit comme le creuset du wokismetransgenregauchiste et s’est constamment plu à dénoncer la directive SMA qui oblige les plateformes à investir dans la production cinéma et audiovisuelle européenne. Ce courrier de la DGA est une autre pierre à la guerre commerciale lancée par la Maison Blanche qui voudrait, par exemple, que les tournages de films américains se relocalisent sur le sol américain. Pourtant, il est difficile d’imaginer Ethan Hunt sauver le monde à partir d’un champ de maïs de l’Iowa. Ces attaques sont assez stupides, peu pertinentes pour qui connaît le dossier, mais, dans la logique trumpienne, elle font office de lancer d’hameçon ou de coup de bluff pour effrayer le chaland et en mesurer les conséquences. À prendre au sérieux, donc.

Ce que font les signataires de cette lettre - Costa-Gavras, Jacques Audiard, Cédric Klapisch, Euzhan Palcy, Audrey Diwan, Stéphane Demoustier… - qui proposent “l’organisation d’une rencontre entre [les deux] organisations pour poursuivre cette discussion et bâtir un front commun. Le Festival de Cannes pourrait être une belle occasion d’échanger à ce sujet.” Comment on dit “chiche” en américain ?