Les poings sur les i. - L'édito d'Eric Libiot
Toujours pas de fumée blanche à l’horizon. Les négociateurs de la chronologie des médias réunis en conclave discutent, râlent, s’affrontent, concèdent, s’accordent, etc. C’est en tout cas ce qu’il faut supposer puisque ces réunions sont fermées à double tour et que rien n’est encore clairement exposé, à part le cadre qui définit cette chronologie, paru dimanche 9 février au Journal Officiel, sans doute après la messe. Mais pour l’instant il n’y a rien dedans. Quelques écrits ont tout de même échappé au secret, notamment ceux ce Maxime Saada, qui, dans une tribune publiée par Le Monde, a mis les deux poings sur les i. Très colère, le patron de Canal+. Sa menace de "réduire [les] investissements" du groupe n'a jamais été si précise. L'homme n'est pas réputé pour semer sa parole et ses écrits aux quatre vents ; ses doutes non plus. Maxime Saada a clairement signalé que les engagements de C+ ne se feront pas à "n'importe quel prix"
Au mieux, il y aura des grincheux à la signature de l’accord, au pis le consensus existant jusqu’alors explose. En cause évidemment, la diversité du cinéma français que Canal+ soutient bon an mal an depuis des lustres. Ni Netflix, ni Amazon, ni Disney + n’ont intérêt à répondre publiquement à Maxime Saada. Mais enfin, on aimerait que, d’une façon ou d’une autre, ces (nouveaux) acteurs proclament haut et fort leur attachement à la diversité, notamment au cinéma d’auteur qui se cherche parfois sans se trouver mais qui, aussi, lance dans le grand bain des cinéastes en devenir. C’est vrai, les promesses n’engagent que ceux qui y croient mais aucune promesse n’engage pas grand monde. Si l’on s’en tient à la liste des pré-achats de films en 2024 qu'Écran total a publié (voir le site), il faut reconnaître que les plateformes ont fait un petit effort potentiellement qualitatif - Netflix n’a pas répondu à nos demandes. On n’en est plus au film de baston et basta. Tant mieux. Reste que l'effort réel est timide et calibré. En tout cas, quelle que soit la façon dont on tourne et retourne le sujet, une signature qui se fait attendre ne prêche pas pour la réconciliation des troupes. Ca sent même un peu le roussi. Mais je serais heureux de me tromper.
Au mieux il y aura des grincheux à la signature de l'accord sur la chronologie, au pix consensus existant jusqu'alors explose.
Face à un dossier qui s’enlise et profitant du symposium national sur l’IA et du contre- symposium sur l’IAïe, on a posé une simple (!) question à ChatGPT : ”Que faudrait-il mettre en place pour que le casse-tête autour de la chronologie des médias soit résolu au vu des derniers événements ?” Réponse en quatre points : “Réduction des délais de diffusion, Intégration des plateformes de streaming, Flexibilité contractuelle, Concertation entre les acteurs”. Ce dernier point vaut son pesant de pop-corn puisque l’IA précise qu’il faudrait “favoriser un dialogue constructif entre les différents acteurs du secteur pour parvenir à un consensus équilibré qui tienne compte des intérêts de chacun.” Merci madame. Démonstration par les faits que l’IA n’a pas réponse à tout. Ou qu’elle souhaite dessiner un monde idéal ; George Orwell en a fait un roman d’ailleurs. Il faut donc s’en méfier et s’en servir. L’applaudir et la critiquer. La faire grandir et la tenir en laisse. Elle n’a aucune ambition morale ni aucun imaginaire personnel, domaines dans lesquels les artistes ont des choses à dire, à défaut d’y exceller. Encore faut-il les protéger des emballements de l’IA. Aux politiques de s’emparer du sujet. Là aussi, on attend la fumée blanche