L'Arcom et la manière - L'édito d'Eric Libiot

29 janvier 2025
Le rédacteur en chef d'Ecran total revient sur les principaux faits de la semaine écoulée et les enjeux de celle à venir.
L'Arcom et la manière (c) Pierre Abouchahla

Le départ de Roch-Olivier Maistre de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), où il officiait comme président depuis 2022, met cette institution sur le devant de la scène au moment où s’ouvre 2025 et où s’annonce un nouveau patron, Martin Ajdari. Le 3 février, date de la passation du pouvoir présidentiel, il sera donc question de bilan et de perspectives, d’engagements et d’ambition, de petits fours et de verre de l’amitié, de serrages de mains et de plus si affinités. J’exagère évidemment : l’Arcom n’a pas attendu ce passage de témoin pour faire parler d’elle. Il y a d’ailleurs peu d’institutions de moquettes feutrées qui fassent à ce point les gros titres des journaux et les manchettes des chaînes infos. La raison est évidente : l’Arcom s’occupe, comme indiqué sur son site, « de garantir la liberté d'expression et de communication audiovisuelle. » En majorité, et en résumé, des affaires de la télé et des écrans, donc de tout ce qui préoccupe tout le monde. On a pu dernièrement se rendre compte de l’écho de ses décisions quand l’Arcom a fermé le robinet à images de C8 et de NRJ 12 et quand elle a réorganisé les boutons de la télécommande.

Énervement d’un côté, applaudissements de l’autre. Comme d’habitude. Octave le disait déjà dans La Règle du jeu de Jean Renoir en 1939 : « Ce qui est terrible sur cette Terre, c’est que tout le monde a ses raisons. » Ce sera vrai jusqu’à la fin des temps. C’est d’ailleurs plutôt cocasse que cette vérité absolue soit tirée d’un film - l’un des plus beaux du monde - dont le titre est à lui seul un axiome anthropologique. Oui, il faut une règle du jeu. À moins d’ultralibéraliser et de tomber dans la panneau américain du moment qui, sous prétexte de tout libérer sans contrainte, impose la loi du plus fort ; ce sont évidemment les mêmes qui libèrent et qui imposent sinon ce ne serait pas drôle.

L’Arcom et son (premier) président ont fait le boulot. Personne n’en doute et peu la remette en question. Mieux : l’Arcom est devenue à ce point populaire - elle a suffisamment fait parler d’elle pour qu’on la reconnaisse - qu’elle a montré l’absolue nécessité des règles. Règles qui doivent être discutées, débattues, amendées, rediscutées, voire votées. Toujours et régulièrement. En février 2025, la chronologie des médias doit être réaménagée. Parfait. Disney veut faire un pas en avant en investissant davantage dans le cinéma français pour diffuser ses films plus tôt sur sa plateforme ? Très bien. La règle est là pour cadrer la demande. 

Un sommet de l’IA s’installe à Paris à partir du 10 février, qui va réunir politiques, entreprises, chercheurs, artistes, acteurs de la société civile ? Bravo. Le sujet est brûlant, qu’il va falloir régulièrement prendre à bras-le-corps pour faire le tri et réguler cette technologie qui va plus vite que la musique et encore plus vite que les institutions. À ce propos, l’actualité s’est faite grinçante : l’Amérique de Trump jouait encore les gros bras il y a quelques jours en lançant un vaste programme sur l’IA à coups de centaines de milliards (!) de dollars mais en début de semaine l’appli d’intelligence artificielle chinoise DeepSeek, venue de nulle part si ce n’est de Hangzhou, a mis à mal Wall Street et a fait plonger les géants de la tech. Celui qui pensait être le plus fort n’a donc pas fait sa loi. Morale du moment : « Rien de sert de taper (du poing), il faut réguler (à point). »