Miscellanées de début d’année - L'édito d'Eric Libiot

22 janvier 2025
Le rédacteur en chef d'Ecran total revient sur les principaux faits de la semaine écoulée et sur les enjeux des semaines à venir.
L'édito d'Eric Libiot - (c) Pierre Abouchahla

C’est tout à l’honneur de ces producteurs français que d’avoir soutenu David Lynch, cinéaste admirable et indépendant, obscur et lumineux, souriant et bouillonnant.

La disparition de David Lynch, en dehors de saluer l’artiste, vient rappeler que ce cinéaste a souvent été aidé et (co)produit par les Français, notamment pour Twin Peaks : Fire Walk with me (Ciby 2000), Lost Highway (id), Une histoire vraie (Alain Sarde), Mulholland Drive (Alain Sarde, Studiocanal) et Inland Empire (Studiocanal).

David Lynch venait aussi régulièrement à Paris parfaire ses activités de lithographe. Il n’y a pas tant de cinéastes américains qui ont à ce point trouvé refuge ici, même s’il s’était régulièrement tenu éloigné de Hollywood. C’est tout à l’honneur de ces producteurs français que d’avoir soutenu un cinéaste admirable et indépendant, obscur et lumineux, souriant et bouillonnant. Elephant Man a marqué, comme beaucoup, mon adolescence cinéphile.

Et pendant ce temps-là, Sylvester Stallone, Jon Voight et Mel Gibson viennent d’être nommés « ambassadeurs » à Hollywood par le nouveau président des États-Unis, Donald Trump. C’est évidemment une nomination honorifique - voire horrifique. On voit mal comment ce trio buriné pourrait influencer le monde du cinéma hollywoodien, essentiellement démocrate depuis des lustres. Mais on voyait mal comment Trump pouvait gagner, comme on ne voit pas mieux les conséquences de tout ce qu’il a annoncé et de tout ce qu’il va (rapidement) faire. Alors… Ces trois nouveaux Stooges vont peut-être remettre Hollywood au pas et au garde à vous. Trump en rêve sûrement d’ailleurs. Tout est symbolique chez lui et rien n’est anecdotique. Rien n’est innocent non plus.

Et pendant ce temps-là, les incendies ont détruit l’industrie du divertissement, cinéma et télévision. Si ce n’est effectivement, puisque les Studios sont encore debout, en tout cas dans l’esprit et le cœur. Après le Covid et la grève, c’est une nouvelle brèche qui s’ouvre dans la résilience que Hollywood peine à mettre en place.

Et pendant ce temps-là, le producteur français Dimitri Rassam, vient de lancer Yapluka, un fonds de financement européen visant à soutenir des films ambitieux de 20 à 80 millions d’euros susceptibles de s’installer sur le marché mondial. Et de pallier le manque d’investissements américains sur ce secteur-là - en gros celui des cinéastes dotés d’une vision d’auteur dont la démarche artistique nécessite un peu de sous.

Ces quatre informations sont-elles liées ? Bien sûr que non. Personne n’est là pour écrire sur un grand cahier l’avenir du monde ; sauf peut-être un mauvais scénariste en mal d’inspiration. Mais elles dessinent tout de même, à leur échelle, l’inconscient des mouvements qui racontent l’époque. Soutenir des artistes de l’envergure de Lynch est obligatoire, combattre les péroraisons de Trump est indispensable, compatir au drame des Angelenos est primordial, accueillir l’initiative Yapluka est nécessaire. Aujourd’hui, chacun est constamment ballotté entre l’immédiateté et la pérennité. « Chacun » c’est à dire soi-même mais aussi les secteurs économique, politique, artistique… C’est ce qui rend le schmilblick difficile à faire tenir debout. L’actualité est venue nous le rappeler cette semaine.