Public chéri, mon amour - L'édito d'Eric Libiot
C'est pas tout ça mais l’année a commencé il y a déjà quelques jours et l’audiovisuel public est toujours là. En bonne forme. Et toujours la même. Au printemps 2024, le pouvoir politique, fier et combatif, l’imaginait repeint aux couleurs d’un holding regroupant différentes sociétés ad hoc, notamment France Télévisions et Radio France pour ne parler que des plus en vue et en oreilles. Cet automne, le pouvoir politique, un peu moins fier et combatif, reparlait d’un changement du bout des lèvres sans trop savoir ni quand ni comment. En janvier, plus rien du côté de la rue de Valois, de Matignon ou de l’Elysée. D’autres chats à fouetter ou à caresser. Un budget à voter, des négociations à mettre sur pied, un monde à faire tourner, une fève à digérer. Du boulot, donc. Silence radio.
Justement, puisqu’on en est là, côté radio les audiences de la vague automnale novembre-décembre sont tombées la semaine dernière. Chacun y cherchera son chat pour quelques motifs de satisfaction personnelle - du genre “meilleure audience sur la tranche 14h36 - 15h42, le samedi dans le Nord de la France, juste derrière l’église, sur une population relativement endormie mais pourtant encore active.” Y trouver de quoi s’applaudir est un sport national réjouissant. Mais il y a aussi des chiffres qui parlent d’eux- mêmes au micro : les radios du service public sont toutes en hausse. France Inter, bien sûr, qui caracole vers l’infini et au-delà, comme Buzz l’éclair, mais aussi France Culture, Ici, France Musique et FIP. Le service public peut s’afficher avec le sourire. L’argument principal des tenants d’un holding consistant à brandir la nécessité d’être ensemble pour lutter contre la concurrence prend un coup dans l’aile. Dans les deux même. Et pan sur le bec aussi.
Le service public français, tel qu’il est, se renforce tous les jours davantage sur son propre terrain et avec ses propres armes.
D’autant que de l’autre côté de la Seine, chez France Télévisions, 2024 s’est finie en feu d’artifice. Les audiences annuelles ont porté haut FT, notamment grâce à Léon Marchand et à Aurélie Aubert, et s’il ne semble pas que les JO reviennent à Paris cette année, le groupe public a remporté la médaille d’or de l’image, récompense qui vieillit bien en général ; TF1 est toujours en tête des audiences mais elle est moins présente dans le top 100. Là encore, le groupe public a résisté à la concurrence comme un grand. Et puisque le cinéma tricolore s’est positionné en tête de gondole en 2024, il n’est pas interdit de regarder les investissements de FT dans ce domaine. Au printemps 2024, Manuel Alduy, Directeur du Cinéma et des Fictions Numérique et Internationale, disait à Ecran total son agacement de voir les chaînes privées investir dans les “blockbusters” français.
Résultat : il s’est fâché, a changé son fauteuil d’épaule et a investi dans L’Amour Ouf de Gilles Lellouche, qui aurait pu trouver place sur TF1 ou M6. Bien vu. Quant aux autres investissements dans les films en salles dernièrement, il y a notamment Vingt dieux, En fanfare et La plus précieuse des marchandises. Bien vu encore. Pas eu besoin de partir en rangs serrés pour monter au créneau. Les mêmes tenants d’un holding en sont pour leurs frais, et mettront sûrement en avant le besoin de se grouper pour servir de tête de pont européenne. D’accord. C’est un argument qui peut s’entendre. Mais le service public français, tel qu’il est, se renforce tous les jours davantage sur son propre terrain et avec ses propres armes. C’est cette politique-là qu’il faut d’abord soutenir.