Menace sur le statut des intermittents ?

20 décembre 2024
L’instabilité politique et la recherche d’économies pourraient jouer de mauvais tours au régime des travailleurs du spectacle alors que le Medef souhaite voir le nombre d’heures augmenter.

La remise en cause du statut d’intermittent, véritable pierre angulaire du système de production français, est une arlésienne. À chaque élection, sa pérennité est mise en doute. Dans un contexte où la situation politique française n’a jamais été aussi instable sous la Vème République, et où des économies sont recherchées, les acteurs du secteur – producteurs comme techniciens – redoublent d’efforts pour rappeler son importance.

Dans son manifeste, l’association La Filière Audiovisuelle (LaFA), qui réunit les principaux membres du paysage audiovisuel français, s’est donné pour mission “d’assurer la pérennité du régime d’indemnisation des intermittents du spectacle”. “L’intermittence est l’un des ciments de l’exception culturelle française, sans lequel nous ne serions pas capables d’embaucher des techniciens sur nos tournages dont le travail reste instable”, lance Iris Bucher, présidente de l’USPA et PDG de Quad Drama.

Une hausse des heures travaillées à prévoir ?

Lors de ses dernières interventions, la productrice a rappelé l’importance de rester vigilant face aux attaques contre ce statut. Elle s’efforce également de déconstruire les idées reçues. “Je suis toujours impressionnée et admirative de la capacité qu’ont les intermittents à organiser leur vie en fonction de nos plans de travail, souligne-t-elle. Ils ne sont pas payés à ne rien faire. Cette invention française nous permet de faire fonctionner des métiers qui, par définition, sont incertains et instables.”

Artistes, techniciens et producteurs s’accordent sur l’indispensabilité de ce régime. Cependant, en cas d’accession au pouvoir de l’extrême droite, il pourrait être rapidement remis en cause. Bien que Marine Le Pen ait assuré à plusieurs reprises en 2022 qu’elle ne toucherait pas au statut, d’autres, comme Marion Maréchal, ont exprimé leur volonté de supprimer “les régimes spéciaux, notamment celui des intermittents du spectacle”, jugé trop coûteux.

Le Medef partage ce constat. Début novembre, alors que le gouvernement lui demandait de trouver 400 M€ d’économies, l’organisation patronale suggérait d’augmenter le seuil minimal d’heures travaillées pour bénéficier du régime. Actuellement fixé à 507 heures sur les 12 derniers mois, le Medef proposait de le relever à 580 heures pour les artistes et 610 heures pour les techniciens. Cette proposition a finalement été abandonnée. “Les intermittents sont des passionnés qui cherchent uniquement à exercer leur métier. Ils ne trichent pas pour atteindre les 507 heures”, s’indigne Iris Bucher.

Pourtant, certains syndicats de techniciens doutent du soutien des producteurs face au Medef. “Nous ne sommes pas dupes, indique Nicolas Yassinski, délégué général du SPIAC-CGT. Les syndicats de producteurs disent vouloir préserver le régime, mais au prix de concessions.” Il les appelle à s’allier aux syndicats de techniciens dans leur lutte contre l’organisation patronale, qui, selon lui, “cherche à éliminer l’intermittence du spectacle”. Néanmoins, tous s’accordent sur un point : le système audiovisuel français, qui représente plus de 300 000 emplois, ne pourrait fonctionner sans ce régime.