Coordinateur régie handicap : naissance d’un nouveau métier
Été 2023, sur le plateau de tournage d’Un p’tit truc plus, entre les plaines verdoyantes du Vercors et la grande bâtisse en pierre du film, Margault Algudo-Brzostek, régisseuse et accompagnante éducative, et Elsa Noujarret, éducatrice spécialisée et comédienne, encadrent la dizaine de comédiens en situation de handicap du film. Tous les deux coordonnent quotidiennement la petite troupe, veillent à leur sécurité physique ou psychique, s’assurent que chacun a bien avalé ses médicaments, connaît et comprend sa réplique, se sent suffisamment en confiance, ou que le fauteuil roulant d’un certain Sofian Ribes, l’un des acteurs populaires de la comédie, peut circuler sur les chemins caillouteux. Elles supervisent aussi l’administratif, font le lien entre les comédiens, leurs familles, tutelles ou curatelles, les institutions et l’équipe du tournage qu’elles sensibilisent au handicap, tout en déconstruisant le prisme validiste.
Système D
Pourtant, ce métier, à mi-chemin entre le médico-social et l’audiovisuel, n’existe guère. Aucune mention dans les conventions collectives artistiques, aucun statut, aucune grille salariale. Généralement, pour accompagner les comédiens en situation de handicap sur les tournages, il n’y a pas d'encadrement spécifique recruté par la production. C’est au cas par cas, selon le bon vouloir de l’employeur, ou le système D.
“La plupart des producteurs demandent à l’entourage familial de l’acteur, ou à l’un de ses éducateurs en ESAT de les suivre sur le plateau en avançant l’argument des paillettes du cinéma, explique Margault Algudo-Brzostek. Mais sans les rémunérer ni les former.” Les deux coordinatrices handicap d’Un p’tit truc en plus sont tout à fait exceptionnelles en la matière.
Institutionnalisation
C’est pourquoi à la fin du tournage du film d’Artus, Margault Algudo-Brzostek a décidé de créer ce nouveau métier, qu’elle nomme “coordinateur régie handicap” - d’autres préfèrent parler d’“accompagnateur éducatif et artistique” -, et de lutter haut et fort pour sa reconnaissance et son institutionnalisation. Elle a depuis réalisé deux nouveaux tournages en tant que “coordinatrice régie handicap”, notamment Mon inséparable d’Anne-Sophie Bailly (en salles le 18 décembre prochain) et cherche activement des partenaires sociaux pour mettre en place un avenant à la convention collective et à plus long terme, une formation spécifique.
Le succès fou d’Un p’tit truc en plus - près de 9 millions d’entrées au dernier décompte et deuxième film de la décennie - donne une nouvelle ampleur à son combat. Mais les discussions avec les pouvoirs publics et notamment la ministre déléguée chargée des Personnes âgées et des Personnes handicapées Fadila Khattabi, amorcées ces derniers mois, ont été mises sur pause au vu du contexte politique.