La nouvelle révolution Konbini

7 juin 2024
Le média en ligne, né avec l'émergence en France de Facebook, a cassé les codes du journalisme avec des formats adaptés aux nouveaux usages. Jusqu'à produire du documentaire, y compris pour la télévision.

C'est à l'origine, au Japon, une petite épicerie ouverte 24/24, un magasin où l'on trouve de tout. Et c'est devenu l'un des médias en ligne les plus puissants de France, utilisé, chaque mois, par 30 millions de personnes, dont le site cumule 15 millions de vues mensuelles. 5,5 millions d'abonnés sur Facebook, 2,7 millions sur Instagram, 5900 vidéos YouTube avec 1,19 milliard de vues générées par 2,01 millions d'abonnés, 1,9 million sur Snapchat, 2,4 millions sur Tik Tok, 520 000 sur X.

Konbini, du nom de ces commerces d'appoint japonais, s'est imposé comme un pilier du nouveau paysage médiatique français. Notamment grâce à des capsules vidéos et courts formats créés de façon quasi organique au cœur d'Internet et des réseaux sociaux.

Konbini naît d'ailleurs en 2008 avec l'émergence de Facebook en France, face à un MySpace qui entame son déclin et à l'explosion de la culture Pure Player. Ces formats qui ont construit l'aura de Konbini, on les connaît tous, à l'image de Fast&Curious, quelques minutes très rythmées pendant lesquelles une personnalité tranche entre deux propositions difficiles à départager. La plupart des médias ont adapté à leur ligne ces idées konbiniennes. Aujourd'hui, Konbini affiche du renouveau : création de formats longs, du reportage et du documentaire. Le média a sorti il y a trois mois, sur YouTube, Peut-on être accusé à tort d'avoir secoué son bébé ? un 52’ estampillé Konbini Documentaire.

Quel chemin a donc conduit une marque devenue une institution de vidéos de quelques minutes à ces formes emblématiques de la télévision ? C'est la première fois que Konbini diffuse une création aussi longue. “Depuis le succès de nos premiers formats digitaux en 2008, Konbini n'a cessé d'innover pour offrir des histoires toujours plus immersives”, pointe David Creuzot, patron de Kombini. “Il y avait une envie de prouver qu'on en était capable, renchérit Marjorie du Manoir, directrice de la rédaction depuis un an, après dix ans à différents postes dans la boîte. À Konbini, nous avons la culture de l'exploration.”

Se lancer dans les coproductions

Mais pourquoi 52 ? Pourquoi pas 49 ou 54 ? Un hasard ? Non. L'idée, c'était de marquer le coup symboliquement. “Tout le monde sait que le 52' est une référence dans le documentaire”, continue la directrice de la rédaction. Mais ça fait plusieurs années que Konbini produit et diffuse sur YouTube des formats au-delà de quelques minutes. Le premier, c'était en 2017, un 14' vu, à ce jour, par 1,1 million de personnes sur l'Aquarius, le navire de l'association SOS Méditerranée. C'était juste avant l'arrivée de Hugo Clément, resté un an et demi, recruté pour développer le News, pôle à part entière dans la rédaction de 40 journalistes encartés sur 175 salariés, aux côtés du pôle Pop (Musique, cinéma, séries…). Depuis, il y a eu un 13' sur la clinique psychiatrique La Chesnaie, vu par 1,3 millions de personnes en deux ans, un 17' sur l'exploitation des enfants dans les mines de pierres de Madagascar, un 33' aux côtés d'une éducatrice parentale au sein de familles déchirées. Et beaucoup d'autres.

La verticale Reportage de la page YouTube de Konbini compte 107 vidéos à ce jour. Côté Pop, il y a aussi, entre autres, les 102 propositions Konbini Vidéo Club montées de quelques minutes à 43'. Mais la marque, porte-étendard d'une culture Internet sans cesse en mutation, ne s'est pas arrêtée au digital. En décembre 2020, l'équipe coproduit avec Canal+ un divertissement de Noël entre talk-show et fiction avec Manu Payet et un beau casting : Céline Sallette, Alice Belaïdi, Dominique Farrugia, Benjamin Lavernhe… À l'écriture, des auteurs venus de YouTube comme Florent Bernard ou Adrien Ménielle. Une expérience de coproduction télé inédite, car tout est d’habitude internalisé chez Konbini.

L’expérience se reproduit : Konbini sortira prochainement une série documentaire (6x10-15'), Silicon Fucking Valley, en coproduction avec Arte et Effervescence, la société de Simone Harari Baulieu. “Konbini et ses équipes ont beaucoup apporté au paysage audiovisuel français qu'ils ont participé à moderniser. Nous discutons depuis longtemps avec eux, commente Cyril Pennec, producteur chez Effervescence. Ils voulaient se diversifier, on leur a apporté notre capacité à dialoguer avec un diffuseur, à rédiger un dossier, à mobiliser le CNC. Pour voir comment la patte Arte peut se marier avec l'esprit Konbini.” Résultat, une proposition éditoriale exigeante pour une création documentaire singulière et rafraichissante. “Cette évolution reflète notre désir de produire toujours plus de nouveaux récits originaux, peu importe leur durée ou leur plateforme de diffusion, conclut David Creuzot. À l'avenir, nous prévoyons d'intensifier les coproductions et de créer des contenus notamment pour l'Apple Pro Vision, afin de proposer des expériences encore plus immersives et innovantes.” Petite épicerie, grandes ambitions.