“Dans six mois, ferez-vous semblant de ne pas nous avoir entendues ?” : Judith Godrèche auditionnée au Sénat

29 février 2024
Ce jeudi 29 février, l'actrice Judith Godrèche a été auditionnée par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat. Elle a notamment réclamé le retrait du président du CNC, Dominique Boutonnat.
Judith Godrèche

Une fois n’est pas coutume, une actrice a pris la parole dans l’antre du Sénat, devant les élus de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Sur les coups de 9 heures, ce jeudi 29 février, Judith Godrèche, qui a porté plainte courant février contre les cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon pour “viols sur mineure”, a pénétré dans une grande salle de la chambre basse, vêtue d’un petit pull crème et de lunettes arrondies. 

Quelques jours plus tôt, vendredi 23 février, Judith Godrèche s’est exprimée sur la scène des César. Elle a déploré l’omerta sur les violences faites aux femmes et interpellé l’assemblée assise devant elle : “Je parle, mais je ne vous entends pas.” Dans la foulée, la délégation aux droits des femmes a décidé de l’auditionner. “Pour qu’elle nous entende, a expliqué la sénatrice socialiste et vice-présidente de la délégation Laurence Rossignol, au micro de Franceinfo. Il faut que nous puissions prolonger son propos.” La délégation veut aujourd’hui “agir collectivement” pour que les violences “systémiques” faites aux enfants cessent.

Retrait de Dominique Boutonnat

Ce jeudi, Judith Godrèche a dénoncé, pendant une heure trente d’audition retransmise en direct, “l’effacement de l’enfant” et “l’emprise des agresseurs déguisés en réalisateurs”. "Sur les plateaux de cinéma […], il n’y avait pas de Judith. Uniquement une petite fille sans prénom que se disputaient les adultes libidineux, sous les yeux d’autres adultes passifs, soumis à la toute-puissance du patriarcat", a-t-elle raconté. Puis, l'actrice a affirmé qu’il y avait des abus au sein de tous les métiers du milieu et à toutes les étapes de la production d’un film, notamment sur les castings comme on l’oublie souvent. Et a rappelé combien les témoignages de Vanessa Springora, Adèle Haenel, Camille Kouchner ou d’Hélène Devynck avaient libéré la parole. Mais n’avaient été que très peu suivis d’actions légistatives et politiques. “Dans six mois, ferez-vous semblant de ne pas nous avoir entendues ? Allez-vous vous emparer de nos histoires ?” a-t-elle demandé aux sénateurs.

L’actrice et réalisatrice a ensuite réclamé de constituer une commission d’enquête sur les violences sexistes et sexuelles (VSS) dans le milieu du cinéma, d’imposer la présence d’un coach d’intimité et d’un référent neutre pour les enfants, tel un “garde du corps”, formé et indépendant de la production, pour ne pas les laisser seuls sur les plateaux de tournage. Par ailleurs, elle invite la DDASS (direction départementale des affaires sanitaires et sociales) à se rendre sur les tournages pour effectuer des contrôles plus efficaces. Il faut aussi qu'on demande aux enfants s’ils sont victimes de violences. “Écoutons-les”, renchérit-elle. 

Surtout, Judith Godrèche exige que Dominique Boutonnat, président du CNC, accusé de violences sexuelles, se retire de son poste. Elle pointe l’hypocrisie de l’institution qui organise des formations contre les VSS, tout en maintenant à sa tête un homme mis en cause. “C’est quoi cette blague ?”, s’insurge-t-elle.

Dominique Vérien, sénatrice de l’Yonne et présidente de la délégation, a répondu à Judith Godrèche : “Nous ne vous aurons pas oublié dans six mois”. Et l’actrice de rétorquer : “Qui vivra verra.