Berlinale 2024 — Demandez le programme
Les années passant, le festival international du film de Berlin, affiche sa position de manifestation pointue et très auteuriste. Ce tropisme se retrouve dans le choix des jurés, des films en compétition, des autres sections et, par voie de conséquence, dans le palmarès. Cette 74ème édition, du 15 au 25 février, ne fait pas exception à la règle. C’est aussi une façon de se distinguer des autres grands événements mondiaux de cinéma : Cannes est le plus important qui alterne les grands noms et les décou- vertes, Venise ouvre plutôt sa porte aux Américains et aux plateformes, Toronto joue la quantité, l’effervescence et la carte pré-Oscar, Sundance tente de se frayer un chemin dans le ciné indépen- dant américain, qui reprend d’ailleurs du poil de la bête en ce moment.
Le jury présidé par l’actrice Lupita Nyong’o, l’héroïne de 12 Years a Slave et de Black Panther, devra faire son choix parmi vingt films en compétition. Les cinéastes qui s’élancent dans la course à l’Ours d’or se rangent, selon les cas, parmi les reconnus, les moins connus mais attendus, et les découvertes (presque) totales. Dans la première catégorie, on trouve le fidèle et stakhanoviste réalisateur coréen Hong Sang-soo avec A traverler’s Needs pour lequel il retrouve Isabelle Huppert son actrice dans La Caméra de Claire et In Another Country ; Abderrahmane Sissako avec Black Tea, tourné au Japon, et dont le précédent long-métrage, Timbuktu avait notamment remporté le César du meilleur film en 2015 ; Bruno Dumont avec L’Empire qui s’annonce comme une science-fictionnade délirante ; Olivier Assayas avec Hors du temps, l’histoire de deux couples pendant le confinement ; le vétéran allemand Andreas Dresen (le beau Septième ciel) qui présente In liebe, Eure Hilde, portrait de deux résistants allemands au nazizme. Parmi les attendus révélés ici ou là : Mati Diop, réalisatrice franco-sénégalaise qui annonce Dahomey un documentaire sur les restitutions par la France de trésors du Dahomey - son le premier long-métrage Atlantique avait remporté le grand prix du jury à Cannes en 2019 ; Claire Burger avec Langue étrangère, second film en solo après le magnifique C’est ça l’amour et Party girl co-réalisé par Marie Amachoukeli et Samuel Theis ; Tim Mielants, réalisateur de plusieurs épisodes de la série culte Peaky Blinders qui retrouve l’acteur Cillian Murphy pour Small things like these (film d’ouverture) ; le suédois Gustav Möller dont le premier film, The Guilty avait fortement impressionné, débarque cette fois avec un film de prison avec Sidse Babett Knudsen, l’héroïne de Borgen. A noter un film de genre, plutôt horreur, rare en compétition à Berlin, Le Bain du Diable (Des Teufels Bad) réalisé par le duo autrichien Veronika Franz, Severin Fiala. Qui va succéder, pour l’Ours d’or, à Bad Luck Banging or Loony Porn de Radu Jude (2021), Nos soleils de Carla Simon (202) et Sur l’Adamant de Nicolas Philibert (2023) ?
Dans les autres sections, il faut noter le retour de cinéastes importants qui n’avaient pas donné beaucoup de nouvelles ces temps derniers. Tsai Ming-liang revient avec deux documentaires (Wu Suo Zhu et Abiding Nowhere), Abel Ferrara, lui aussi, ce qui n’est pas habituel verse dans la documentaire avec Turn in the Wound, situé à Kiev. Atom Edoyan est là aussi avec Seven Veils qui suit une directrice de théâtre traumatisée, ainsi qu’Amos Gitaï avec Shikun, métaphore sur le Moyen-Orient. Deux français donneront de leur nouvelles, un ancien et un plus jeune : André Téchiné avec Les Gens d’à côté, l’histoire des relations entre une policière et un couple mystérieux, et Jérémy Clapin qui après un film d’animation très remarqué, et très réussi, J’ai perdu mon corps arrive à Berlin avec un film en chair et en os, Pendant ce temps sur Terre. Enfin les cinéphiles nostalgiques pourront aussi aller notamment revoir, dans la section Berlinade Classics, des films de Ernst Lubitsch, Carlos Saura, Ishiro Honda ou Andrei Tarkovski ou applaudir Martin Scorsese à qui le festival remet un Ours d’honneur dont on peut dire qu’il est mérité.