Hollywood en 2024 : quoi de neuf ?

10 janvier 2024
Hollywood a du pain sur la planche : après deux années de tournages réduits à cause du Covid et près de 5 mois de grève de la Guilde des scénaristes et de la Guilde des acteurs, les affaires ont finalement repris. 2024 sera une année cruciale pour revenir à une vitesse de croisière confortable pour l’industrie audiovisuelle US. Or les chiffres montrent que pour l’instant, rien n’est acquis.
Studios Paramount
Les studios de la Paramount pourraient être rachetés par Warner Bros. pour 38 Md$.

Rachat de Paramount par Warner Bros.

Parmi les studios, la tendance est aux fusions. Après l’acquisition en 2019 de 21st Century Fox et de National Geographic par Disney pour la « modique » somme de 71 milliards de dollars, on parle déjà du rachat en 2024 de la Paramount par les studios de la Warner pour la somme de 38 milliards de dollars. L’opération en est actuellement au stade des pourparlers et n’est pas encore confirmée. Les discussions entre David Zaslav, patron de la Warner, et Bob Bakish, patron de la Paramount, si elles aboutissent, auraient des implications énormes. Paramount détient notamment la chaîne CBS ainsi que le groupe des chaînes câblées Viacom (MTV, Comedy Central, BET, Nickelodeon…). Warner Bros., de son côté, avait déjà acquis l’année dernière Discovery et contrôle maintenant des chaînes légendaires comme CNN et HBO, mais aussi DC Comics, TBS et TNT. Un rachat de Paramount par WB impliquerait pour le consommateur une fusion de leurs services en streaming. Aux 95 millions d’abonnés de Max/Discovery Plus s’ajouteraient les 63 millions d’abonnés de Paramount+, chiffre qui dépasserait le nombre d’abonnés de Disney+ (105 millions) et se rapprocherait davantage du leader mondial Netflix avec ses 247 millions d’abonnés. A une époque où la prolifération des streamers entraîne une concurrence effrénée - seul Netflix affiche un profit - une restructuration des services existants risque de bouleverser encore un peu plus une situation déjà très chaotique.

Sortie de films en baisse

Pour ce qui est des sorties cinéma, le tableau est plutôt sombre. Pour les premiers huit mois de 2024, il n’y a pour l’instant que 42 grosses sorties de long-métrages de prévues. En 2023, malgré toutes les difficultés de l’année, il y avait eu tout de même 77 grosses sorties de films. Les exploitants auront du mal à tenir face à cette réduction de 46% de sorties en salle. C’est la conséquence la plus dure après 148 jours de grèves et une quasi absence de tournage pendant cette période. Certains films ont tellement été retardés qu’ils ne sortiront même pas avant 2025. Pourtant, de nombreux projets sont en bonne voie, comme des suites de longue durée (Dune 2, Gladiator 2, Beetlejuice 2, Bad Boys 4) ou des adaptations de bandes dessinées pour adultes (Deadpool 3, Joker : Folie à Deux). 

Pour les deux premiers mois de 2024, voici quelques-unes des sorties les plus attendues : En janvier, Mean Girls : ce film de la Paramount est l’adaptation de la comédie musicale à Broadway de 2004. Tina Fey est de retour pour cette itération, une version « Genération Z » du classique du cinéma pour teenagers avec la star originale de Broadway Renée Rapp, mais aussi Angourie Rice et Jon Hamm. Book of Clarence : Jeymes Samuels signe la suite de son western noir The Harder They Fall. Il raconte l’histoire d’un homme vivant à l'époque biblique qui s'inspire du nouveau Messie en rameutant ses propres disciples, ce qui le met en conflit avec l'empire romain au pouvoir. Le rôle principal est interprété par LaKeith Stanfield qui joue aux côtés de RJ Cyler, Alfre Woodard et James McAvoy. En février, Argyle : Matthew Vaughn revient aux films d’espionnage avec l’histoire d’une romancière (Bryce Dallas Howard) qui, à son insu, incorpore des événements de sa propre vie dans une série de livres fétiches. Sam Rockwell, Henry Cavill et Bryan Cranston sont également à l'affiche, aux côtés de la pop star Dua Lipa. Le film produit par Apple sort en salles aux Etats-Unis et à l’international via Universal. Lisa Frankenstein : cette version satirique du classique de Mary Shelley met en scène un lycéen qui réanime un cadavre s’avérant être une ancienne conquête. C’est le premier long métrage de Zelda Williams avec un scénario de Diablo Cody, qui avait écrit le script de Jennifer's Body. Madame Web : dans cette parodie de Spiderman, Cassandra Webb, jouée par Dakota Johnson, est une ambulancière de New York qui se découvre des dons de clairvoyance. Contrainte de faire face à des révélations sur son passé, elle doit protéger trois jeunes femmes d'un mystérieux adversaire qui veut leur mort. Toujours en février, Bob Marley, One Love : ce biopic de l'auteur-compositeur-interprète jamaïcain Bob Marley vient du réalisateur de King Richard, Reinaldo Marcus Green, et met en vedette Kingsley Ben-Adir dans le rôle de Marley. Il suit l’ascension du chanteur, ainsi que son parcours personnel et politique.

Les Oscars en 2024

Le 10 mars 2024 auront lieu la 96 ème édition des Oscars, qui reste la cérémonie la plus respectée à Hollywood, même si chaque année le nombre de téléspectateurs diminue comme neige au soleil. Cette année, on peut prédire sans trop se tromper que six films vont se retrouver récompensés dans la plupart des catégories et pas forcément dans cet ordre :

1. Barbie, réalisée par Greta Gerwig (Warner Bros.) - la réalisatrice sera la présidente du Jury de Cannes 2024

2. The Holdovers (Winter Break), d’Alexander Payne (Focus Features)

3. Killers of the Flower Moon de Martin Scorsese (Apple/Paramount),

4. Maestro, de et avec Bradley Cooper (Netflix),

5. Oppenheimer, de Christopher Nolan (Universal)

6. Poor Things (Pauvres créatures) de Yangos Lanthimos (Searchlight).

Joker possible pour 4 autres films, qui pourraient jouer les trouble-fêtes :

1. American Fiction, de Cord Jefferson (MGM),

2. The Color Purple (La Couleur pourpre), de Blitz Bazawule (Warner Bros.),

3. The Iron Claw de Sean Durkin (A24).

4. Ferrari de Michael Mann (Neon).

Enfin, 3 films prometteurs mais qui ont perdu leur souffle bien qu’ils n’aient pas dit leur dernier mot :

1. Napoléon de Ridley Scott (Columbia Pictures),

2. The Zone of Interest (La Zone d’intérêt) de Jonathan Glazer (A24).

3. All of Us Strangers (Sans jamais nous connaître) de Andrew Haigh (Searchlight Pictures).

Il faut aussi mentionner quatre films qui ont retenu l’attention des critiques américains, même si leur passage en salle n’a pas eu un impact notoire. Il s’agit de

1. Anatomy of a Fall (Anatomie d’une chute) de Justine Triet (Neon),

2. May December de Todd Haynes (Netflix),

3. Past Lives (Nos Vies d’avant) de Celine Song (A24).

4. Spider-Man: Across the Spider-Verse de Joaquim Dos Santos, Kemp Powers et Justin K. Thompson (Sony).

On peut toujours rêver d’un coup de théâtre lors des remises de prix, et qu’un film qui ne figure pas dans les 10 favoris soit soudain récompensé à la surprise de tous. Une éventualité qui a de moins en moins de chance de se produire, tant la machine parfaitement huilée de l’industrie du cinéma à Hollywood laisse peu de possibilités au hasard. 

L’Academy, une organisation désuète

Ce manque de spontanéité se retrouve dans l’organisation même de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences. Ces dernières années, la cérémonie des Oscars est regardée par moins de la moitié des téléspectateurs qui la regardaient autrefois. Une des raisons pour lesquelles les Oscars perdent de leur intérêt est due à la date tardive de sa diffusion. A une époque où tout s’accélère, attendre 70 jours en 2024 pour honorer des films sortis l’année précédente explique en grande partie le manque d’engouement du public. Après les Golden Globes et les Critics Choice Awards en janvier, suivies de toutes les autres remises de prix de la DGA, SAG, People’s Choice Awards, tout a été dit quand viennent les Oscars, et il n’y a plus aucune surprise. Sans compter le mécontentement des distributeurs, qui investissent beaucoup dans la promotion de leurs films, mais pour quoi exactement ?

Les long-métrages qui gagnent aux Oscars ont déjà bénéficié d’une ample publicité au cours des mois qui ont suivi leur sortie et une récompense supplémentaire en mars n’a plus le même impact à une époque où les streamers ont déjà diffusé la plupart des films ad infinitum. L’Academy, le corps de professionnels du cinéma qui vote pour les Oscars depuis 1929, est en fait coincé entre le passé et le futur. Les règles datent encore de l’époque où les films sortaient en salle avant d’être vendus aux chaînes de télévision, parfois des mois plus tard. Mais l’Academy impose toujours une sortie obligatoire en salles alors que les films produits par Netflix, Apple ou Amazon sont programmés en ligne quelques jours après leur sortie symbolique dans les cinémas sur trois jours en décembre, uniquement pour se qualifier aux Oscars. Un petit jeu qui n’a plus de raison d’être à une époque où même les studios ont leur service de streaming (Paramount+, Disney+, etc.). Mais l’Academy est plus préoccupée par sa tradition et son autorité que par la réalité du monde du cinéma contemporain, qui a considérablement évolué.

Les Golden Globes de retour en force
Dimanche dernier, la 81e cérémonie des Golden Globes, qui ouvre la saison des « Awards » à Hollywood, est revenue en force, ayant surmonté tous les scandales qui avaient terni son image de marque ces deux dernières années. La Hollywood Foreign Press Association ayant été dissoute, les Golden Globes ont été racheté par Todd Boehly, un milliardaire qui a des parts dans Variety, The Hollywood Reporter et la société de production A24. Grâce à ce rachat, le paquebot s’est remis à flotter, mais le choix du présentateur, (le comédien Jo Koy; a fortement déçu.
L’événement a tout de même brillé par ses célébrités sur le tapis rouge du Beverly Hilton, l’hôtel où se déroulent les festivités chaque année. Margot Robbie, star de Barbie, en était la vedette, Taylor Swift étant l’autre attraction de la soirée. Invités également remarqués sur le tapis rouge : Barry Keoghan, Ryan Gosling, Jeremy Allen White, Colman Domingo, Greta Lee, Timothée Chalamet, Rosamund Pike, Selena Gomez, Meryl Streep, Florence Pugh, Quinta Bronson, Cillian Murphy et beaucoup d’autres. Que les Golden Globes influencent les Oscars reste un débat ouvert. Mais les résultats ont été sans grosses surprises, si ce n’est qu’un film français, Anatomie d’une chute, a gagné deux Globes, un pour le meilleur scénario et un autre pour le meilleur film étranger (dans une langue autre que l’anglais), une surprise même pour Justine Triet.
Il faut rappeler que les Golden Globes sont attribués par un groupe d’environ 300 journalistes du monde entier alors que les Oscars ont derrière eux plus de 10 000 votants, pour la plupart américains et travaillant tous dans l’industrie du cinéma. D’où des résultats qui peuvent être différents, les sensibilités n’étant pas les mêmes.

Claude Budin-Juteau Correspondant d’Écran Total à Los Angeles