Allers et détours - L'Edito d'Eric Libiot

25 octobre 2023
Eric Libiot, rédacteur en chef d'Ecran total, livre son point de vue sur la semaine écoulée et sur les enjeux de celles à venir.
POLAR PARK

Du neuf avec du vieux. De l’original avec du déjà vu. Inventer mais pas trop. Confortable mais pas toujours. Les décors explorent autant l’ailleurs que les sentiers (re)battus. Les récits aussi. Le miroir de nos comportements que sont les écrans raconte ces errements artistiques. Ils ne sont pas récents, d’accord, mais ils sont plus éloquents que jamais en ce moment.

Au Mipcom, les producteurs recherchent de nouveaux formats qui ne soient pas trop nouveaux. Au cinéma, les supers-héros n’en sont plus et le succès réaffirmé, semaine après semaine, du Règne animal projette le genre humain dans une époque fantastique éprise d’altérité et de liberté. Le monde se cherche. Il dérape. Veut aller de l’avant sans retourner en arrière. Le futur fait peur mais il faut bien qu’il advienne un jour ou l’autre.

Pour lier ces mouvements à une économie un temps profitable, les blockbusters ont inventé des mots et ont mis les dictionnaires franco-anglo-français en ébullition : prequel, spin off, reboot, sequel, revival, crossover, sidequel, remake… Il s’agit maintenant de les utiliser à toutes les sauces. Si Psychose d’Hitchcock était sorti aujourd’hui, il y aurait forcément eu quelqu’un pour imaginer la vie du rideau de douche.

Polar Park, série réalisée par Gérald Hustache-Mathieu, peut-être considéré comme un spin off rebooté en sequel. Mais pas vraiment non plus. Peut-être un sequoffbootquel. Soit un type particulier de fiction qui voit une série prendre certains personnages d’un film, les placer dans le même décor, et dont les références à l'œuvre originelle servent de ressorts dramatiques aux six épisodes. Tout est dans tout et réciproquement. Multiverse et vice-versa. En l’occurrence, Gérald Hustache-Mathieu s’est inspiré de son film Poupoupidou, sorti en salles en 2011.

Le héros de Polar Park est un écrivain en panne d’inspiration qui revient à Mouthe, lieu de son roman à succès inspiré par des événements et des personnages rencontrés dans Poupoupidou. Cette fois un serial-killer sévit, qui semble sorti des mille romans écrits sur ces assassins à la pelle.

Polar Park commence par la découverte d’une oreille coupée, retrouvée dans la neige. Allusion à Vincent van Gogh, qui donne son nom à l’absinthe locale, mais surtout à Blue Velvet de David Lynch. Quant à la tenue du policier Louvetot, elle n’est pas sans rappeler celle de Marge Gunderson, interprétée par Frances McDormand dans Fargo des frères Coen.

Polar Park
Jean-Paul Rouve dans Polar Park

C’est référencé mais pas trop. Drôle et inquiétant. Piquant et caressant. Humour noir et neige rouge. Personnages bizarres, « vous avez dit bizarres  ?». Dialogues ciselés, décalés, déroutants, brillants. Dans le genre policier, on n’a pas fait mieux depuis longtemps.

En un mot comme en quatre : Polar Park est formidable. Diffusé sur Arte à partir du 2 novembre, déjà disponible sur arte.tv. Avec notamment Jean-Paul Rouve, Guillaume Gouix, India Hair. Produit par 2.4.7 Max, créé par Médéric Albouy avec Xavier Rigault et Marc-Antoine Robert, producteurs associés chez 2.4.7 Films (Persepolis, La Délicatesse, Les Algues vertes…).

De mémoire d’amateur (de genre), j’ai peu souvenir d’avoir vu une histoire si réussie, si originale, si imbriquée dans une autre et si référencée à autant d’univers et d’imaginaires. Polar Park est exactement à sa place, aujourd’hui, en novembre 2023.