Mon Dupont, ce héros - L'édito d'Eric Libiot

4 octobre 2023
Eric Libiot, rédacteur en chef d'Ecran total, livre son point de vue sur la semaine écoulée et sur les enjeux de celles à venir.

Après la fin de la grève des scénaristes à Hollywood, le retour des tournages s’annonce. Notamment en France où les productions américaines aiment poser leur valise. Emily est notamment prévue in Paris au début de l’année prochaine. Mais tout se bouscule : pour cause de Jeux Olympiques, les tournages seront limités en 2024 et les studios sont déjà pris d’assaut par… les sportifs ; la Cité du cinéma est, par exemple, transformée en cantine pour les athlètes français et étrangers. Que les sportifs investissent les lieux du cinéma, de la télé et des plateformes n’a rien de surprenant : ils sont devenus les héros de notre temps.

Depuis le début de la Coupe de monde de rugby, les matchs sont à chaque fois, ou quasi, en tête des audiences télé. France-Nouvelle Zélande détient même le record de l’année pour l’instant avec 15,4 millions de téléspectateurs - record sans doute battu si les Bleus continuent leur route. Afrique du Sud-Iles Tonga, Japon- Samoa ou Fidji-Géorgie sont également médaillés d’or de l’audience. Un brin surprenant même si le caractère exceptionnel de l’événement pousse en masse les amateurs et les néophytes devant leur petit écran. Pas sûr qu’un éventuel Portugal-Chili mensuel fasse exploser le compteur à chaque fois. Mais le sport est aujourd’hui un thème qui se décline à volonté : les séries documentaires sur le basket, le foot, le rugby ou le cyclisme font carton plein sur les platesformes.

Il faut dire que le sport crée de la mythologie comme le cinéma le fait depuis toujours, et les séries parfois. Ce qui se passe autour de l’événement sportif, quel qu’il soit, relève d’une dramaturgie qu’aucun scénariste ne pourrait renier. La blessure de Romain Ntamack avant le début de la Coupe du monde tenait lieu de scène d’exposition au film qui allait se jouer. Celle d’Antoine Dupont contre la Namibie est le premier climax de l’événement. Comme cliffanger on ne fait pas mieux. Le joueur responsable, Johan Deysel, pourtant puissant comme un 4x4, était voué aux gémonies au même titre que le plus salopard des méchants dans un film de James Bond.

Quant au retour, ou non, d’Antoine Dupont sur le terrain, il est digne d’un suspense à la Hitchcock. Les télés et la presse en font leur Une. Qu’il ne joue pas contre l’Italie lors du dernier match de poule est pour les scénaristes comme une « contrariété » nécessaire à la résolution finale. Son retour (probable) en quart de finale contre l’Afrique du sud signerait le début de l’acte 2 d’un scénario en train de s’écrire en direct.

A Hollywood les super-héros marquent le pas. Les franchises s’épuisent, le public boude et Martin Scorsese continue de clamer que ces mastodontes ont peu à voir avec le cinéma. Dont acte Marty. C’est vrai, les héros invincibles finissent par être ennuyeux. Les victimes d'une fracture maxillo-zygomatique sont, eux, plus humains, plus proches du public, plus aimés. Les athlètes n’ont pas encore pris la place des stars mais ils rattrapent le terrain. Il n’est qu’à voir l’ancien catcheur Dwayne “The Rock” Johnson devenu l’un des acteurs les mieux payés d’Hollywood - il était même le n°1 en 2019.

« La sociologie est un sport de combat » disait Pierre Bourdieu. La production cinéma et audiovisuelle aussi. Le 16 octobre prochain débute à Cannes le MIPCOM, « le plus grand rassemblement mondial de cadres de la télévision et du divertissement ». Acheteurs, producteurs, vendeurs, diffuseurs seront dans la mêlée. Il s’agira d’imaginer les programmes, les séries et les émissions de demain. Il ne serait pas étonnant que le sport trouve une place plus importante encore sur les écrans de tous poils et de toutes tailles. La compétition ne fait que commencer.

Photo : ©Icon Sport