Une reprise de la fréquentation mondiale portée par des actions publiques fortes

27 septembre 2023
Le Congrès de Deauville a été l’occasion de découvrir les nombreuses initiatives, des exploitants comme des gouvernements, pour redorer la fréquentation internationale.
FNCF Deauville

Alors que les entrées semblent repartir de plus belle, en France comme dans le reste du monde, la FNCF organisait, à l’occasion de son Congrès de Deauville, un débat consacré à la reprise de la fréquentation internationale. Le directeur général de Comscore, Eric Marti, a donné des clés d’analyse du marché des derniers mois, en France et à l’étranger, où l’on constate une reprise globale qui s’est accélérée cet été, avec un bond de 39% par rapport à l’été 2022. À tel point que Comscore a revu ses prévisions de fin d’année à la hausse, avec un box-office mondial proche des 34,5 Md$, contre les 32 milliards prévus en début d’année.

La reprise s’avère particulièrement soutenue dans les pays européens, où l’Allemagne, les Pays Bas, l’Autriche, la Belgique et la France connaissent les performances les plus solides. On note également une reprise spectaculaire en Italie et en Chine alors que ces deux pays accusaient un important retard l’année dernière. Le marché français est pour sa part supérieur de 30% par rapport à la même période de l’an dernier. "Depuis le 15 mars, nous sommes revenus à niveaux parfois supérieurs à ceux précédant le Covid sur certains mois de l’année, s’enthousiasme Eric Marti. A tel point que nous avons revu nos estimations à la hausse. Si nous pensions atteindre les 182 millions d’entrées annuelles, il est probable que la barre des 190 millions soit dépassée". Cette reprise française a notamment été permise par "un tissu de films locaux très forts qui nous a aidé à redevenir un des marchés les plus forts au monde" s’enthousiasme Daniela Elstner, directrice générale d’Unifrance.

Toutefois, les efforts doivent se poursuivre alors que de nombreux éléments perturbent encore la fréquentation, à commencer par l’inflation et le coût de la vie selon le président de l’Unic (Union internationale des cinémas), Philip Clap, qui évoque aussi une production de films très impactée ces derniers mois et qui a considérablement réduit l’offre des salles. "Malgré ces défis, je n’ai aucun doute sur l’avenir du cinéma. Les comparaisons avec les chiffres précédant la crise sont risibles. Ces références s’éloignent de plus en plus et le marché a changé. A tel point que ces données antérieures se retournent contre nous. Alors parlons de l’avenir. En l’occurrence, les productions locales sont extrêmement importantes pour permettre aux différents marchés de repartir pleinement à la hausse. Aucun pays ne peut se contenter de la seule offre américaine. C’est le moment idéal pour permettre l’émergence d’une nouvelle production cinématographique indépendante."

Des initiatives locales "impactantes"

Mais la reprise des derniers mois n’a pas été opérée par une simple envie renouvelée du public ou par une offre attractive, mais "par des actions culturelles et politiques publiques menées par bien des pays européens" comme en a témoigné Laura Houlgatte directrice générale de l’Unic. Ainsi, en Italie, une grande campagne médiatique menée sur différents supports (télévision, Internet, presse écrite) a été axée sur l’expérience en salle de cinéma et sur toutes les œuvres diffusées l’été dernier. Par ailleurs, 20 M€ ont été investis par le ministère de la Culture et une offre promotionnelle d’ampleur a permis à l’ensemble des films italiens d’être découverts au tarif exceptionnel de 3,50 € entre juin et septembre. De fait, pour le seul mois de juillet, la fréquentation des salles du pays de Federico Fellini enregistrait une progression de 45% par rapport au même mois de 2019.

En Espagne, une campagne nationale a aussi été initiée afin d’encourager le retour en salle des seniors, alors que 6% d’entre eux disait s’être rendu en salle seulement une fois entre 2021 et 2022. Pour cela, les plus de 65 ans ont pu se rendre chaque mardi découvrir le film de leur choix au tarif hors concurrence de 2 € la séance. Les Pays-Bas aussi ont mis en place une campagne visant à promouvoir des cartes cadeaux valables dans tous les établissements cinématographiques du pays. Et en Allemagne, le modèle français semble avoir été une source d’inspiration avec l’instauration d’un pass culture de 200 € à destination des jeunes de 18 ans et moins. Sans parler des nombreuses initiatives originales prises de manière indépendante par les exploitants à travers l’Europe, de l’organisation de séances dédiées au tricot en Norvège à d’autres plus arrosées à la bière au Pays-Bas.

Des catalyseurs de phénomènes culturels

Le directeur général d’Universal Pictures France, Xavier Albert, a pu témoigner de la reprise du marché italien où il dirige également l’activité de distribution du studio américain. "A ma prise de fonction en 2021, l’Italie était encore traumatisée par la crise sanitaire et les restrictions très dures qui avaient été mises en place. A tel point que toute une partie de la population n’était pas revenue en salle. Le gouvernement a heureusement été sensibilisé à la nécessité de sauver les cinémas italiens et a investi massivement dans un vaste plan de communication autour de l’expérience en salle. La fête du cinéma italien a été intégralement financée par l’Etat. Habituellement, le marché italien a un objectif de 100 millions d’entrées annuelles. Cette année, nous espérons atteindre les 70 millions alors que nous étions à moins de 50 millions en 2022. Cela dans un marché avec 50% de multiplexes de moins qu’en France, où les productions locales n’occupent que 20% des écrans et où aucune d’entre-elles n’a dépassé le million d’entrées ces derniers mois."

En Espagne aussi, les pouvoirs publics ont été au rendez-vous et ont soutenu les salles comme en a témoigné l’exploitant Jaime Tarrazon. "C’était nécessaire pour nous aider à communiquer autour de nos lieux et de notre offre de films. Surtout à une période où bon nombre de médias aimaient annoncer la fin du cinéma en salle. Ce discours si néfaste se devait d’être contrebalancé par un autre plus optimiste, notamment à destination du jeune public qui s’est mobilisé. A nous de catalyser des phénomènes culturels, comme cet été avec l’ampleur prise par le Barbenheimer." Autant de mesures qui, selon Laura Houlgatte, ont su "créer une nouvel engouement autour de la salle de cinéma" et doivent donc servir d’inspirations pour les gouvernements et les exploitants, de France comme d’ailleurs.