Indépendant avec un grand « i » comme dans Ferrari - Le regard de l'Homme aux Lunettes Blanches
Tout le monde parle de ses canaux, mais ce qu’il y a de plus beau à Venise, ce sont les ponts. C’est un peu comme dans notre secteur, tout le monde parle de la révolution des canaux de diffusion mais ce qu’il reste de plus beau et de plus prometteur, ce sont les ponts que l’on peut (et que l’on doit) construire entre les différentes composantes de la prod et de la préprod qui, aujourd’hui, restent à quai. Il y a longtemps que la Mostra a capté cette métaphore puisque son marché du film s’appelle le « Venice Production Bridge » ! Et des ponts, il s’en construit dans les salons de l’hôtel Excelsior ! Prenez mon modeste exemple : j’ai eu l’honneur et le plaisir d’y modérer deux débats réunissant au total 2 producteurs de cinéma, 1 créateur d’IP et 1 créateur de jeux, 2 éditeurs, 1 haut fonctionnaire européen, 1 chercheur et 1 patron de Fonds...
Si j’étais Prévert, j’aurais ajouté un raton laveur, mais j’ai mieux puisque, autour de ces deux tables rondes, nous avons même accueilli une Parlementaire Européenne, la française Laurence Farreng. Vous connaissez ? Ben, vous devriez car la dame se bat chaque jour pour nous et Dieu sait (mais vous aussi j’en suis sûr) que c’est au niveau du continent que la plupart des problèmes que nous affrontons pour l’instant peuvent sans doute trouver une issue. Conseillère Régionale en Nouvelle Aquitaine, cette battante issue du monde de la com, est, au niveau européen, Coordinatrice de la Commission Culture, Éducation, Jeunesse et Sports et joue un rôle clé dans le programme Creative Europe. C’est à son initiative qu’à l’issue de la crise sanitaire, 87% des membres du Parlement ont voté la résolution garantissant que 2 % des plans de relance soient alloués à la culture par chaque État membre. Et à Venise, elle nous a annoncé qu’elle concentrait son énergie sur le projet « A.I.Act » qui devrait encadrer les fulgurants progrès des intelligences artificielles, pour qu’il intègre un mécanisme de juste rétribution des propriétés intellectuelles préexistantes !
Mais revenons aux Tables Rondes, l’une portait sur « Les IP dans l’univers du transmedia », l’autre commentait les résultats d’une étude sur l’état du secteur poétiquement titrée « Tout ce qui est solide se dissout dans l’air ». Mais dans l’une comme dans l’autre discussion, le thème qui s’est rapidement imposé était celui de l’indépendance (financière) des producteurs et, partant, de l’indépendance (artistique) de leurs productions. Comme entre deux colloques, j’essaie quand même de voir des films quand je suis à la Mostra et que j’avais découvert avec ravissement le film le plus récent de Michael Mann (passé un certain âge du réalisateur, on n’ose plus écrire « le dernier film »…), une nouvelle métaphore, automobile cette fois, s’est imposée à moi que j’ai bien entendu partagée avec mes débattants. Dans ce petit chef d’œuvre, Enzo Ferrari est confronté à un dilemme déchirant : lui qui a toujours été farouchement indépendant n’a pas d’autre choix s’il veut continuer à innover, que de faire entrer au capital de son entreprise, un des grands constructeurs en F, Ford ou Fiat. Le patron de la Fiat qui veut l’emporter, argumente sur le réflexe européen. On ne va tout de même pas laisser les Américains mettre la main sur Ferrari... Jusque-là vous suivez la métaphore, hein ? Mais le plus beau reste à venir. Quand le bel Enzo se résout à vendre à Fiat, vous savez ce qu’il propose comme deal : Fiat s’occupera des voitures « de séries » et Ferrari continuera, en totale indépendance, à concevoir ses voitures de course !