Cannes 2023 : Un vent d’optimisme souffle sur le marché

17 mai 2023
Avec une fréquentation qui s’annonce record, l’édition 2023 du Marché du Film s’aborde avec optimisme chez les vendeurs français, malgré quelques stigmates persistants de la crise.

Un marché encore convalescent mais optimiste. Voilà l’esprit avec lequel les vendeurs français abordent l’édition 2023 du Marché du Film, qui démarre officiellement ce mercredi. Un rendez-vous qui, notamment grâce au retour des professionnels asiatiques, bat d’ailleurs son record de fréquentation. 13.500 participants sont accrédités, indique un communiqué publié mardi soir, soit 1.000 de plus que lors de l’édition 2019.

Tout le monde s’accorde à dire que les distributeurs salles sont sortis fragilisés de la pandémie, mais ils ont su faire preuve de résilience. Notamment car ils ont été aidé dans beaucoup de pays. “On constate que les distributeurs sont toujours là. Il n’y a pas eu de faillite ou de disparition”, observe Gille Renouard, directeur du cinéma d’Unifrance. “C’est positif, il y a toujours des clients.”

La crise a toutefois modifié la philosophie des acheteurs. “Le marché a changé et les acheteurs essaient d’attirer un public plus jeune qui n’est pas forcément celui du cinéma étranger”, affirme Yohann Comte, cofondateur de Charades. Le vendeur français arrive sur la Croisette avec un lineup qui revendique sa diversité. Il compte cinq films en sélection, dont Le Procès Goldman, de Cédric Kahn, qui ouvre la Quinzaine des cinéastes, Little Girl Blue, long métrage de Mona Achache à mi-chemin entre fiction et documentaire porté par Marion Cotillard, ou encore le film d’animation Linda veut du poulet ! présenté à l’Acid et au prochain Festival d’Annecy.

“La typologie de films plébiscités a changé”, constate Yohann Comte. “Les films plutôt destinés à un public senior éduqué se vendent beaucoup moins qu’avant.” 

Sur des genres comme la comédie française, les acheteurs se font plus sélectifs. “Le marché se polarise sur les quelques films très porteurs et il n’y a plus trop de place pour les films du milieu avec un déficit de notoriété”, note Yohann Comte. Nul doute que tous les regards seront par exemple tournés vers Une année difficile, prochain film d’Olivier Nakache et Eric Toledano, vendu par Gaumont, et porté par Pio Marmaï, Jonathan Cohen et Noémie Merlant (image ci-dessus).

Prises de risque

Certains acheteurs sont prêts à prendre plus de risque, et cherchent des propositions plus provocatrices ou audacieuses. L’animation pour adulte pourrait ainsi tirer son épingle du jeu.  “Quand rien ne marche, tout est possible”, affirme Yohann Comte. Charades a notamment rencontré un beau succès international il y a deux ans avec Belle de Mamoru Hosoda. “L’animation japonaise est une niche qui se vend très bien”, confirme son cofondateur.

Dans ce contexte, les grands rendez-vous comme le Marché du Film ont donc toute leur importance. “C’est un marché qui joue sur l’instant, l’excitation. Il y a des films sur lesquels on retrouve des minimums garantis importants car ce sont ceux que tout le monde veut”, commente Gilles Renouard. “Ce qui change aujourd’hui, c’est qu’il est devenu très difficile de faire des préventes. Les acheteurs attendent de voir les films.”

Tous les territoires n’abordent pas Cannes de la même façon. Dans certains pays, le cinéma français fait recette de façon inattendue — c’est notamment le cas de la Pologne —, tandis que dans des pays plus traditionnellement friands de cinéma tricolore, comme l'Allemagne, la reprise est plus compliquée. Malgré des chiffres de fréquentation en berne, l’art et essai résiste en Espagne grâce à son bon réseau de salles, indique Yohann Comte : “Les distributeurs espagnols ont compris qu’ils devaient être plus innovants pour renouveler leur public.”

Au Japon, autre territoire où les films français étaient traditionnellement plébiscités, “les films se vendent toujours, mais à des prix plus bas car le public n’est pas revenu en salles”, regrette Yohann Comte. “Et les jeunes ne vont pas voir les films étrangers.” Pour Gilles Renouard, tout n’est cependant pas perdu. “Nous avons aussi des bonnes nouvelles. Une belle course de Christian Caron marche très bien”, raconte-t-il.

Si les acheteurs n’ont plus les capacités de mettre les mêmes sommes qu’avant-crise sur les projets, Yohann Comte indique que cela n’handicape pas les vendeurs français dans leur capacité à financer des projets : “Le système des Sofica nous permet de continuer de participer au financement des films français et d’investir des MG encore assez conséquents.”

Les vendeurs scruteront aussi l’attitude des plateformes qui, ces derniers mois, ont pour une partie d’entre elles signalé la fin des dépenses sans compter. “Cela va être intéressant de voir ce qu’il se passe sur le marché”, se demande Yohann Comte. “Certaines plateformes ont annoncé qu’elles allaient renforcer leurs acquisitions”, moins onéreuses que des productions maison à gros budget. “L’euphorie des plateformes est en train de se calmer et donc le marché est en train de se stabiliser, mais on y est pas encore”, observe de son côté Gilles Renouard.

Au-delà des géants du secteur, Mubi, plateforme phare pour le cinéma d’auteur, devrait encore être un interlocuteur de choix sur la croisette. Elle a déjà acquis il y a quelques semaines les droits de How To Have Sex, de Molly Manning — présenté au Certain Regard — dans plusieurs territoires dont l’Amérique du Nord et la Royaume-Uni. Charades, qui avait vendu Aftersun en 2022 à la plateforme (en image ci-dessus), assure d’ailleurs la vente des droits de Bring Them Down, un premier long métrage britannique produit par Mubi, dans les territoires où la plateforme ne distribuera pas le film.