Acteur majeur de l’édition de médias sur le web, également actif dans la production audiovisuelle à travers Elephant, Webedia s’est depuis plusieurs années développé sur le marché des créateurs web, prenant sous son aile quelques unes des plus grandes stars de YouTube. Le groupe a depuis suivi l’évolution des habitudes du public, en se tournant vers TikTok et Twitch.

Ces derniers mois, la plateforme propriété d’Amazon a par ailleurs fait parler d’elle à l’occasion de deux événements d’envergure qui ont battu des records : Le GP Explorer, course automobile entre créateurs de contenus organisée par Squeezie devant 40.000 spectateurs au Mans, et le match de football Eleven All Stars, qui a opposé des créateurs français et espagnol au stade Jean Bouin à Paris. Les deux rendez-vous ont dépassé le million de visionnages en simultané sur Twitch, des scores à faire pâlir certaines chaînes de télévision. 

A l’occasion du Creators Show organisé par le groupe à Paris ce mercredi 30 novembre, Michèle Benzeno, sa directrice générale, expose pour Écran Total la nouvelle stratégie de son entreprise, désormais orientée vers la production de contenus, et sur les convergences à venir entre l’audiovisuel et le digital.

Écran Total : Webedia s’est récemment réorganisé pour entrer de ce que vous décrivez comme la troisième étape du développement du groupe. Pouvez-vous en dire plus ?

Michèle Benzeno : Webedia a eu plusieurs cycles de vie en 15 ans d’existence. Le premier a été de devenir leader dans l’édition de médias numériques sur les thématiques du divertissement, que ce soit dans le cinéma, le jeu vidéo, la cuisine, la tech ou le lifestyle. Cela reste une très grosse activité pour nous puisque nous éditons 60 médias dans le monde, à travers leur site web ou les réseaux sociaux, où ils cumulent 200 millions de fans dans le monde.

Le deuxième cycle, ouvert il y a dix ans, était d’accompagner les plus grands créateurs de contenus. A l’époque, il s’agissait des pionniers de la YouTube economy comme Cyprien, Squeezie, Natoo… Nous avons fait notre révolution de la vidéo, nous nous sommes équipés de studios et d’infrastructures pour que ces créateurs viennent produire chez nous. On s’est positionné comme une agence de talent management qui va accélérer leur émancipation créative, gérer leur image, monétiser leurs contenus… Après YouTube, nous avons accompagné petit à petit les stars des nouvelles plateformes, d’abord Twitch, puis récemment nous avons créé une agence dédiée aux TikTokers.

Nous entrons depuis un an dans notre troisième cycle. Nous avons fait pivoter le modèle historique de Webedia pour devenir un producteur de contenus incontournable pour les jeunes adultes - entre 15 et 35 ans - peu importe le format ou les canaux de diffusion. Notre ambition est de devenir celui qui va faire converger le monde de l’audiovisuel et du digital.

Ces dernières années, plusieurs créateurs stars, comme Squeezie (17,6 millions d’abonnés sur YouTube) ou Michou (8 millions d’abonnés) ont quitté Webedia. Comment vous adaptez-vous à ce marché très volatile, où les créateurs peuvent décider de se lancer en indépendant ?

On ne se rend pas encore compte que le marché s’est extrêmement professionnalisé. Nous pouvons être des tiers de confiance, mais les créateurs sont devenus indépendants. Ils sont à la fois entrepreneurs, animateurs et producteurs. Nous nous sommes ouverts au modèle de la création hybride car les talents exclusifs ne sont plus le modèle dominant.

Le futur, c’est de redonner le pouvoir créatif aux talents. Nous leur proposons une multitude de services : coproduction, association capitalistique, commercialisation exclusive d’un format… Nous accompagnons par exemple le streamer Domingo en coproduisant son émission Popcorn, un talk show qui reprend les codes de la télévision tout en étant diffusé sur Twitch, sur une chaîne dédiée. C’est devenu le talk show le plus regardé au monde sur la plateforme.

Autre exemple, le Eleven All Stars, match de football entre créateurs français et espagnols au stade Jean Bouin le 19 novembre dernier. Le concept a été poussé par le streamer AmineMaTue, qui l’a produit avec Jean-Philippe Coto, alias Karnage, producteur qui vient de l’eSport. Webedia Espagne s’est chargé de la commercialisation du flux espagnol, et nous avons fait de même pour une partie de la commercialisation en France. Nous sommes allés chercher des partenaires comme Adidas, La Poste ou Canal+. Amine collabore beaucoup avec Webedia. Nous avons produit plusieurs formats événementiels en marque blanche pour la chaîne Twitch d’Amazon Prime Video, notamment pour le lancement des séries The Terminal List ou La Roue du temps, où Amine et d’autres streamers ont joué en direct des scénarios inspirés par ces séries. Amine [1,8 million d’abonnés sur Twitch, 1,15 million sur YouTube, ndlr] est aujourd’hui indépendant mais ça ne l’empêche pas de collaborer avec nous.

Quelles sont les convergences envisageables entre les créateurs et Elephant, votre filiale de production audiovisuelle ?

Nous réfléchissons, avec Elephant, à positionner Webedia sur le marketing d’une IP en amont de sa diffusion. Au moment du tournage d’une série, nous pourrions par exemple mettre en relation le casting de la série avec des talents de la nouvelle génération pour tourner des capsules pour faire la promotion de ce programme produit par Elephant. Webedia pourrait également être un sourceur de talent, pour le casting de séries produites par Elephant.

Quels sont les projets dévoilés lors de votre Creators Show ?

Il y a d’abord la reconduction du Popcorn Festival [événement qui a attiré 4.500 spectateurs dans la ville de Montcuq en juin] qui revient pour une saison 2 l’été prochain, avec l’ambition d’accueillir plus de monde et de faire un crossover avec pas mal de streamers, tout en améliorant la qualité de la production. Il y a aussi le match retour Espagne-France, qui sera produit par Webedia Espagne. Nous annonçons aussi le développement de la chaîne Epicurieux de Jamy Gourmaud, qui fonctionne très bien depuis deux ans et qui va s’adosser à de nouveaux visages, qui incarnent le savoir sur un certain nombre de thématiques, comme la science, la technologie ou l’histoire.