« Une histoire d’amour » et une promesse rare dans le cinéma français

28 septembre 2022
Adapté de sa pièce de théâtre éponyme, Alexis Michalik présentera son deuxième film, Une histoire d’amour, en clôture du Festival du Film International de Saint-Jean-de-Luz. Retour sur la production de cette œuvre qui a su convaincre des partenaires pour sa promesse de présenter à l’écran de nouveaux visages tout en renouant avec un genre qui a marqué le cinéma français : le mélodrame.

C’est d’abord au théâtre qu’Alexis Michalik s’est construit sa réputation avant d’être auréolé du triomphe public et critique de sa pièce Edmond, qui dévoilait les coulisses de la création de Cyrano de Bergerac, d’Edmond Rostand. Lauréat des Molière du théâtre privé, de l’auteur francophone vivant et de la mise en scène, le spectacle ne tarde pas à devenir un long métrage produit par Légende et distribué par Gaumont en janvier 2019. Plus de 700 000 spectateurs sont au rendez-vous. Plutôt que de se consacrer à nouveau à un projet d’époque en costumes pour son deuxième film, Alexis Michalik choisit de se consacrer à l’adaptation de sa pièce Une histoire d’amour, qu’il a créé en 2020 à La Scala. « Après Edmond, j’ai reçu des propositions pour adapter Victor Hugo ou Alexandre Dumas. J’aurais pu accepter mais je voulais m’orienter vers quelque chose d’inattendue et ne pas m’enfermer dans le genre du « film en costumes ». J’ai besoin d’explorer des univers variés. Cela correspond à ma carrière. J’ai commencé comme comédien de théâtre, puis j’ai écris des pièces, puis j’ai mis en scène des spectacles et je réalise désormais des films ».

L’histoire de ce second long métrage s’intéresse aux personnages de Justine, qui n’est jamais sortie avec une fille, et de Katia, qui sait que sa vie ne tient qu’à un fil. Quand elles se rencontrent, c’est le coup de foudre. Elles décident de braver la vie en vivant une histoire et en donnant naissance à une fille, Jeanne. Douze ans plus tard, Justine est retournée à une vie rangée et Katia, qui a gardé l’enfant, apprend qu’elle est atteinte d’une maladie incurable. Elle doit trouver en urgence un tuteur pour sa fille. Sa seule option : son frère William, écrivain cynique et désabusé. « Ce sont les histoires et les personnages qui me guident, déclare le réalisateur. Ici, je voulais explorer l’intimité de mes personnages et placer l’émotion au cœur de mon récit, tout en évitant de sombrer dans le pathos, en apportant de l’humour et de la fraicheur pour que les spectateurs puissent rire au milieu de leurs larmes et être emporter par la pulsion de vie qui se dégage de cette histoire. Je souhaitais parler du sentiment amoureux, de la perte, du deuil, et faire un film à la fois rythmé, dense, vivant et plein de souffle ».

S’adapter au budget et l’optimiser

Pour produire Une histoire d’amour, Alexis Michalik s’est entouré de son fidèle producteur de théâtre, Benjamin Bellecour, également producteur pour la télévision des séries La Flamme et Le Flambeau, et avec lequel il a cofondé la société Acmé Films pour mener à bien ce projet. « Il est toujours préférable de lier la production à la réalisation car cela amène davantage de solidarité lorsqu’il y a des arbitrages à effectuer » témoigne Benjamin Bellecour. Alors qu’Edmond a été produit pour 9 millions d’euros, Une histoire d’amour a bénéficié d’un budget plus réduit de 3,2 millions d’euros. L’enjeu de la mise en scène, comme de la production, était donc d’apporter au film une ampleur visuelle qui puisse donner le sentiment que son coût de fabrication soit deux fois supérieur.

« C’est la question que se pose tout producteur et réalisateur : comment faire un film riche et vivant en disposant d’un budget deux fois moindre que ce dont nous avons besoin ? » explique Alexis Michalik. Ici, la priorité était que le spectateur oublie que le film est adapté d’une pièce de théâtre. Il fallait donc éviter le piège du décor unique comme dans Le Prénom ou Le diner de cons, qui demeurent des adaptations brillantes. Nous avons donc une profusion de décors pour que le spectateur voyage dans cette saga qui s’étale sur quinze ans. Tourner en Scope rend aussi l’image plus spectaculaire. La contrainte amène de l’inventivité et permet de trouver des solutions adéquates. D’où un tournage de seulement trente jours, avec beaucoup de caméra à l’épaule et de steadycam. Et bien sûr, si besoin, on réécrit certains éléments du scénario. Une scène devant se dérouler sur un bateau est finalement tournée sur une plage. Celle devant se dérouler dans un train a désormais lieu dans une rue. On choisit nos arbitrages. Parfois on ne lâche rien et parfois il faut faire des concessions. Et parfois, on ruse autant que possible. Par exemple, nous avions besoin de 200 figurants pour tourner trois scènes différentes. Ces trois scènes ont été tournées la même journée, dans des décors proches les uns des autres et avec les mêmes figurants ».

Des partenaires sensibles à une promesse rare de mélodrame

Malgré le succès d’Edmond sur les planches comme en salles et le talent reconnu d’Alexis Michalik, Une histoire d’amour a bénéficié d’un budget restreint car le metteur en scène a souhaité conserver le casting original de la pièce. Contrairement à Edmond où il avait recruté des comédiens identifiés du grand public, dont Olivier Gourmet et Mathilde Seigner. « On savait qu’on perdait alors 20 à 30% de notre budget potentiel, témoigne Benjamin Bellecour. Mais nous avons une si longue collaboration avec Alexis que je tenais à l’accompagner jusqu’au bout de sa vision. J’étais même prêt à le financer en fonds propres, à hauteur de 800 000 euros, si nous n’avions pas trouvé de partenaires. Cela n’aurait évidemment pas été le même film mais je tenais à le faire exister quoi qu’il arrive ».

Pour réunir les financements nécessaires, le producteur s’est assuré les soutiens de Full Dawa Films, Canal+, France 2, Indéfilms et du Pacte qui fait office de distributeur et de vendeur international. « Tous ces partenaires se sont montrés sensibles à l’idée d’accompagner une promesse de pur mélodrame plutôt rare dans le cinéma français actuel alors que cette typologie de films a souvent rencontré le succès. Que ce soit les œuvres de Claude Sautet ou plus récemment avec La guerre est déclarée, de Valérie Donzelli. Et tous ont été excités à l’idée que le casting soit composé de comédiennes encore inconnues. Le cinéma français a besoin de se renouveler et de proposer de nouveaux visages plutôt que de reproduire des formules existantes ». Présenté en avant-première mondiale au dernier Festival du Film Francophone d’Angoulême, Une histoire d’amour clôturera le Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz. La sortie en salles est programmée au 29 mars 2023.