Marie Barraco « Mettre en avant des créations ayant un fort ancrage sociétal »

15 juin 2022
La 11ème édition du festival Série Séries de Fontainebleau se tiendra du 30 juin au 2 juillet 2022. La déléguée générale du festival Marie Barraco dé- voile les grandes lignes de sa program- mation, qui s’organise autour d’une grande thématique unique qui traver- sera la sélection de séries mais aussi les différentes conférences et master- classes proposées.
Marie Barraco

Vous avez tissé toute la programmation de cette 11ème édition autour d’un seul et même thème : “La fiction peut-elle rendre le monde meilleur ?” Pourquoi ce choix ?

Avec cette thématique transversale, nous souhaitons ancrer davantage Sé- rie Séries dans la réflexion autour de la création sérielle. Cette thématique don- nera du sens aux échanges et permettra de créer des liens, des résonances entre chaque événement du festival. Il est important pour nous de s’interroger sur l’influence que peut avoir la création sur le réel, le monde qui nous entoure.

“Rendre le monde meilleur” peut recouper de nombreux sujets : écologie, lutte contre les discriminations ou les inégalités... Comment mêlez-vous toutes ces dimensions ?

Évidemment, on ne peut pas tout cou- vrir en seulement quelques jours ! Mais nous avons souhaité mettre en avant des créations ayant un fort ancrage sociétal, et qui parlent du monde contemporain. Nous mettons un accent particulier sur la valorisation des voix féminines. Nous voulons être au cœur de l’actualité : le festival s’ouvrira jeudi 30 juin sur la thé- matique “Guerre et création” avec un regard croisé entre la productrice ukrai- nienne Kateryna Vyshnevska (film.ua), à l’origine d’une initiative pour l’indus- trie de son pays au cœur de la guerre, et Maria Feldman, productrice israélo- américaine d’origine ukrainienne à qui on doit Prisoners of war, Fauda ou encore No man’s land.

Avec ce contexte actuel de la guerre en Ukraine, est-ce d’autant plus important pour vous de vous affirmer comme festival de séries européennes ?

La création européenne est un axe très important de Série Séries, cela fait partie de notre identité et nous sommes très attentifs à ses évolutions. Mais nous ne sommes pas cloisonnés non plus. Nous avons notamment parmi notre sélection une série historique venue d’Amérique Latine : Santa Evita, qui raconte une histoire vraie autour du cadavre d’Eva Peron, figure célèbre de la politique ar- gentine. Ce sera d’ailleurs l’occasion de discuter avec Leo Arranguibel et Pauline Dauvin de Disney+ des liens entre Santa Evita et la série française Oussékine, deux fictions de la plateforme qui s’emparent de l’histoire du XXème siècle. 

A quoi peut-on s’attendre du côté des séries qui seront projetées ?

Elles sont en lien avec la thématique du festival et certaines feront l’objet d’études de cas en présence de leurs équipes. La série franco-belge Lost Lug- gage évoque les attentats à l’aéroport de Bruxelles en mars 2016. Elle avait été présentée en “early stage” il y a quelques années au festival. La projection de la série How to screw it all up, produite par HBO Spain, nous permettra d’aborder le positionnement d’HBO sur les terri- toires européens. La série met en scène un personnage d’adolescente qu’on sent un peu marginalisée par son histoire personnelle ; on a été touché par la ma- nière dont elle traite cette jeunesse à tra- vers le ressort du road trip. The thief, his wife and the canoe est une série britan- nique qui mêle humour noir et ancrage social comme savent très bien le faire les Anglais. Son héros est un personnage en banqueroute qui ne voit d’autre issue que d’organiser sa propre disparition.

Quels sont les invités ?

Nous les avons choisis en rapport à notre thématique. Ce sont des person- nalités qui apportent leur regard sur ce thème. L’idée est de réfléchir à com- ment construire un divertissement qui a du sens et qui raconte quelque chose du monde. Les responsables fiction de la RTS (Radio-Télévision Suisse) vien- dront présenter leur line up. Parmi les séries en production, une qui vient d’entrer en tournage : Délits mineurs, sur l’univers carcéral des mineurs. Anne Viau, directrice de la fiction du groupe TF1, abordera la thématique sous un autre regard avec le thème “La fiction pour un monde plus positif” : comment une grande chaîne privée propose des contenus plus “feel good” mais toujours ancrés dans le monde contemporain et en résonance avec les préoccupations de ses téléspectateurs. Marianne Furevold (productrice nor- végienne, notamment de Skam) et Amy Black Ndiaye, chanteuse, comédienne, autrice norvégo-africano-féroienne, viendront échanger autour du succès de leur série I am earth sur la chaîne publique norvégienne. Il sera question des nouvelles voix et de la création de “safe spaces”, soit des environnements de travail favorables pour faire émer- ger des jeunes talents de tous horizons. Avec des représentants de l’audiovisuel public tchèque, nous parlerons du be- soin de développer une fiction de qua- lité pour faire circuler la culture des “pe- tits” pays. Le cas de la plateforme Voyo sera évoqué. Les séries font voyager la culture de leur pays d’origine – c’est un thème qui nous tient à cœur.

Qu'est-ce que le “Prix Gloria Palatine Série Series” ?

C'est une étape supplémentaire dans une notre engagement pour la repré- sentation des femmes dans l’audiovi- suel. Nous désirons encourager la créa- tion sérielle qui favorise cette représen- tativité. En association avec la banque Palatine qui est partenaire du festival, ce prix récompensera un projet de série qui n’a pas encore de diffuseur. Nous avons reçu plus de 60 dossiers pour cette 1ère édition. Barbara Schulz, au- trice et comédienne, Cathy Verney, scé- nariste et réalisatrice, Audrey Ismaël, compositrice, Julien Lilti, scénariste, Pauline Dauvin vice-présidente char- gée des contenus originaux de Disney+ France, et Philippe Pettini, directeur du marché des entreprises de la banque Palatine, composeront le jury.

Quel est l’objectif de “l’Eté de Série Series”, qui se tiendra en Île-de- France en juillet ?

L’année dernière a été l’occasion de se poser des questions sur notre rai- son d’être et nos objectifs pour la suite. Avec la région Île-de-France, qui est notre principal partenaire, il nous a pa- ru tout naturel de vouloir prolonger le festival, dans le temps et dans l’espace. “L’Eté de Série Series” permettra aux franciliens de découvrir des séries et de rencontrer des équipes. Nous voulons toucher un public large avec des projec- tions en extérieur (Château de Fontai- nebleau, Nogent-sur-Marne, Domaine de Saint-Cloud...) mais aussi en salles de cinéma. Avec l’Association Cinémas de Recherche d’Île-de-France (ACRIF) et la plateforme France TV Slash, nous proposerons “la Nuit des séries”, avec une sélection de séries emblématiques mais aussi inédites de la plateforme. Celle-ci va circuler dans plusieurs ciné- mas de la région. Un événement autour de la composition pour l’image aura également lieu en collaboration avec l’Orchestre National d’Île-de-France (ONDIF) autour du travail du composi- teur Matthieu Lamboley, qui a notam- ment travaillé sur Lupin. Cette pre- mière édition de l’Eté de Série Series est une amorce : l’idée est d’aller encore plus loin partir de 2023.